mardi 30 décembre 2014

Conversations au coin du feu...

 Ne bougez pas les enfants, j'arrive avec le thé ! Mémère appelait son fils de 58 ans et sa belle-fille de 57 ans toujours comme cela, quand ces derniers s'installaient dans son salon, les jours de visite.
Danièle et Bruno avaient toujours coutume de rendre visite à la mère de ce dernier les jeudi soirs, après le travail. Ces deux ingénieurs statisticiens aimaient se retrouver face à la grande cheminée de Mémère Bernadette, un thé à la main, discutant de choses et d'autres.
Alors mes enfants, que me racontez-vous de beau cette semaine ? leur demanda Mémère, une théière dans les mains, remplissant leurs tasses.
Oh, maman, tu sais la vie suit son cours. Le travail n'a guère changé depuis vingt ans, j'ai toujours plein de boulot par-dessus la tête et on nous en a encore rajoutés. Danièle a entendu des bruits de couloir comme quoi nos objectifs de rendements allaient augmenter de 200% l'année prochaine, et évidemment sans augmentations de poste !
Sa femme ajouta Oui, mon chéri c'est ce que j'ai entendu dire de Sophie, au secrétariat. Il paraît que Gérard, le chef du personnel, est furieux qu'on ne nous donne pas des moyens d'embaucher l'année prochaine. Mais bon on est des fonctionnaires, c'est sur nous qu'on tape en premier, même avec le flamby au pouvoir !
Oh là là mes pauvres chéris ! s'exclama Mémère Bernadette, Pourtant le François il promettait d'embaucher plein de gens en 2015. C'est ce qu'il disait à la télé, hier soir. Mais c'est vrai, il a grossi. Rhôô, je ne sais pas qui s'occupe des repas chez lui mais il force un peu sur l'huile !
Tandis que Bruno et Danièle sirotaient leurs thés, Mémère Bernadette craqua une allumette, mit le feu à un vieux bout de journal et le jeta dans le tas de bois de la cheminée. Le feu commença à crépiter doucement. Une agréable chaleur se répandit dans toute la pièce.
Bruno reprit de plus belle Mais maman, à  la télé les politiques ne disent que des mensonges, c'est pas nouveau ! Souviens-toi de la fracture sociale de Chirac ! Souviens-toi du travailler plus pour gagner plus du Naboléon ! Tiens, même Giscard ou Mitterrand ! Cite m'en un qui n'ait jamais menti à la télé. La crise, ça fait trente ans qu'on nous en sert à toutes les sauces année après année. Moi je dis, ils se gardent bien leurs  sous près d'eux tandis qu'ils nous saignent à blanc !
Tout en bavardant, Bruno prit un vieux vinyle de ses années lycées et le mit à écouter sur sa toute récente platine. Doucement alors retentirent les musiques de Woodstock tandis que Danièle rajoutait par-dessus son mari Vous ne vous rendez pas compte, belle-maman, mais en dix ans nos impôts ont augmenté de 20% alors que notre salaire a été gelé pendant la moitié de ce temps. Moi je vous le dis, c'est du matraquage fiscal. Il ne faut pas s'étonner après si la blondasse fait des gros scores ! Moi je les comprends.

Et tandis qu'au chaud près d'un bon feu de cheminée, la conversation allait bon train sur des prédictions apocalyptiques pour la France de demain, tandis que les groupes hippies s'enchaînaient au fur et à mesure que les vinyles s'accumulaient, tandis que le niveau de ce thé si parfumé et raffiné baissait dans les tasses et la théière, dehors, quelque part dans la ville où Mémère Bernadette, Bruno et Danièle s'enflammaient sur des discours politiques tournés loin de là, quelque part dans cette ville, Florent, un jeune SDF de 26 ans, à la rue depuis trois mois, se tenait devant un feu presque semblable. Un feu de cartons et de papiers journaux. Un feu en plein hiver, exposé au froid et au vent. À la pluie parfois, ce qui était pire que tout.
Florent n'était pas un amateur de politique, ni très au courant de ce qui se racontait dans les journaux. En fait Florent ne connaissait pas le nom du président actuel de la République française.
Florent faisait partie de ceux qui avaient réellement été saignés à blanc par la conjoncture économique, pour qui le "matraquage fiscal" ressemblait à une imprécation de bourgeois.
Mais il était de toute façon trop tard pour qu'un Bruno, une Danièle ou une Mémère Bernadette lui tende la main.
Car celui-ci était mort de froid, strictement et littéralement. Dans l'indifférence générale.

jeudi 25 décembre 2014

Voici le lutin de Noël !

Au bord de l'Eau, un petit peuple vivait en toute discrétion parmi les herbes basses, les brindilles et les racines des paisibles peupliers, hêtres, chênes, pins, épicéas et autres saules habitant cette zone humide, organisée par la main de l'Homme.
Ce petit peuple était à la fois tout pour ce lieu et rien de significatif.
Il n'était rien de significatif car il redoutait plus que tout la vue des gros balourds d'humains que nous étions, prompt à disparaître en silence, le pas léger. Et il était pourtant tout en ce lieu, car sans ce petit peuple, point de renaissance des végétaux au printemps, point de floraison parmi les herbes, de ces si belles marguerites ou de ces pissenlits dont les petits d'humains raffolent. Sans eux, les arbres se desséchaient, les buissons s'étiolaient, les herbes se raréfiaient et les écureuils, lapins et castors s'en allaient chercher fortune ailleurs.
Le petit peuple en question était un de ces peuples féeriques dont il est fait mention dans de vieux contes nordiques, de ces pays où l'on estimait encore récemment que fées et esprits malins participaient à leur manière à la marche du monde.
Il s'agissait du petit peuple des lutins.
Chaque année, à chaque solstice d'hiver, les lutins des champs, les lutins des rivières et les lutins des forêts se rassemblaient sous les racines d'un vieux hêtre tortillard bien connu des environs et chantaient de leur petite voix mélodieuse des chants traditionnels de leur peuple. Ah, si vous aviez déjà entendu un tel chant, vous auriez eu un aperçu de la beauté intemporelle de ces elfes minuscules.
Ce n'est qu'au jour de Noël, après quatre jours entiers de chants, que chance pouvait être humainement donnée d'entr'apercevoir un lutin rentrant chez lui.
Les lutins des forêts, les plus primesautiers, se balançaient de branche en branche, parfois sur des dizaines de mètres, ils s'élançaient dans les airs à une vitesse folle. Pour les apercevoir, il fallait avoir la tête dans les nuages.
Les lutins des campagnes, solides marcheurs, galopaient à une vitesse folle sur les chemins de gravier et de bitume. Difficile de ne pas les confondre avec quelque hallucination conséquente à un chapon trop solidement ancré dans l'estomac.
Les lutins des rivières, eux, étaient les plus discrets de tous, passant leur temps en apnée sous la surface ou à dos de poule d'eau, entre deux duvets de plume.
Mais bref, c'est à propos des lutins des rivières que je voulais arriver, car me voici apte à prouver au monde entier leur existence, après tant de siècles relégués aux contes pour enfants. Enfin les voici revenus au monde.
Balivernes, sornettes, sottises d'enfant trop longtemps bercé par les contes à dormir debout me répondrez-vous ? Qu'en savez-vous ? Ce petit peuple ne survit encore que parce que, comme tout être féerique, il a besoin qu'on croie en eux pour exister.
Vous prétendez donc que tout cela n'est que pure invention de la part d'un esprit un peu trop rêveur ? Mais n'avez-vous donc pas vu ce cliché ? Ne voyez-vous donc pas le jeune lutin des rivières qui s'ébroue vigoureusement sur la berge ? Êtes-vous donc à ce point aveugles pour ne pas savoir contempler la vérité nue ? Le féerique ne signifie-t-il donc plus rien à vos yeux ?
Les lutins existent, ceci en est la preuve !

Il ne tient qu'à vous de les voir...

vendredi 19 décembre 2014

L'arbre aux solitaires...

Au bord d'une rivière aux eaux saumâtres et boueuses se tenait un arbre. Non, guère plus qu'un vieux bout de bois planté dans le sol spongieux. À peine quelques feuilles rachitiques s'accrochaient encore au peu de vie coulant en son cœur.
Ce vieil arbre complètement desséché avait, en effet, bel et bien un cœur. Une âme. Un esprit.
Cet antique tas d'écorce, de bois aride, de feuilles mortes avait été témoin de nombreux drames, cependant nul ne pouvait l'écouter depuis que son langage de bruissements et de craquements au vent d'Ouest avait été perdu dans les limbes de la mémoire humaine.
Plus que nul autre, cet arbre était singulier. Tout d'abord, personne ne connaissait son âge ; il semblait n'en pas avoir, tout du moins rester fidèle à son aspect de végétal mourant. D'aussi loin que remontait l'espèce humaine, celui-ci trônait, les racines plongées profondément dans le flux boueux. Ensuite personne ne se souvenait l'avoir vu les branches chargées de feuilles et pourtant il continuait à s'accrocher à sa pathétique existence moribonde. Enfin, nul n'avait réussi à entailler son épaisse armure d'écorce. Il se tenait simplement là, contemplant l'agitation du monde moderne avec détachement et, il faut le dire, dans un état tout à fait végétatif.
Les rares gnomes encore vivants à proximité venaient parfois lui rendre visite. Leur présence l'apaisait. Il semblait devenir plus animal et moins végétal, plus vivant, moins sauvage.
En la présence des gnomes, l'eau de la rivière s'éclaircissait, les nuages alentour se dissipaient, le vent bruissait doucement, la chaleur revenait. Ce micro-climat spécifique à cette rivière s'expliquait par la barrière thermique qu'elle représentait, selon d'augustes et doctes spécialistes de la météorologie. Mais personne jamais ne sut expliquer les apparemment imprévisibles crues de ce cours d'eau, qui ne coïncidaient parfois guère avec les récentes précipitations sur les collines alentour.

Il existe pourtant une légende autour de cet arbre, que jadis se passaient de père en fils les habitants des environs. Guère plus qu'un conte à dormir debout. Ce conte narrait l'histoire d'un homme esseulé qui s'était épris pour une femme de son village, comment il fit un pacte avec le Diable pour obtenir son cœur et son attention, comment il fut dupé par le Malin puis comment sa dulcinée, folle de culpabilité, prit sa place en enfer en échange de sa vie et comment l'homme, privé de paradis et interdit d'enfer fut condamné à revenir sur Terre sous forme d'un arbre desséché jusqu'à la fin des temps. Cette légende, remontant à des époques immémoriales, n'a aucune sorte de fondement historique. Strictement aucun.

Toutefois...
Si un soir d'aventure un couple s'aventure auprès de l'arbre...


Mais j'en ai trop dit. Certaines choses se doivent de rester tues et inexpliquées. Surtout si près de ce vieux bout de bois rabougri. On n'est jamais trop prudent...

lundi 15 décembre 2014

Clair-obscur au coeur de la nuit...

À l'ombre multicentenaire des figures de pierre, protégés par les ancestrales ciselures de la roche à même la voûte du lieu, les fidèles se recueillaient, épars, devant la traditionnelle crèche.
Alors que les ténèbres s'intensifiaient de minute en minute et que la noirceur de la nuit s'avançait à la vitesse de battements d'ailes d'un dragon, de pieuses personnes s'avançaient à la lueur des cierges, allumaient une bougie, priaient leur dieu, leurs saints, leurs saintes, demandaient leur intervention, leur intercession pour qu'enfin l'obscurité laisse place à la lumière, que le Bien triomphe du Mal et que jamais l'avancée de la nuit ne triomphe de la puissance solaire du dieu incarné qui s'était jadis sacrifié pour eux et leurs âmes.
Sans doute nombreux à ignorer toute la portée rituelle de l'allumage d'une bougie en pleine nuit, ils venaient pourtant les uns après les autres, illuminant de leur espoir l'espace vertigineux où habite ce dieu si prompt à pardonner aux Hommes leurs folies et leur ignorance.

Moi-même, jeune athée dans la force de l'âge, pourtant habitué à ne point reculer devant l'ombre déformante des dieux, je me vis quelque peu ému face à l'ambiance feutrée, calme, austère et pourtant emplie d'espérance - "Espérance", moi dire cela ? Que m'arrive-t-il ? - de cette église, lieu sacré où hommes et femmes, vieillards et enfants, venaient et viennent encore chasser les démons de leurs esprits, ces démons si particuliers qu'aujourd'hui nous appelons culpabilité, remords, angoisses, peurs, et que les psychologues appellent troubles psychiques, troubles de l'identité, troubles mentaux, phobies...
Il y a du sacré en l'humain. Non pas cette transcendance divine dont tentent de nous rabâcher les oreilles les curés lors de la messe du dimanche matin, mais bien cette immanence toute particulière de l'humain, cette déférence et cette angoisse face aux seuls esprits capables de venir nous hanter que nous y croyions ou pas. Face à la seule angoisse que partagent tous les humains : l'angoisse des morts.

Si aujourd'hui encore l'athée que je m'incline à être continue à être impressionné par la beauté respectueuse de ces lieux de culte, c'est bel et bien parce que même l'athée le plus féroce, même l'anticlérical le plus acharné salue la mort avec respect quand elle vient frapper à sa porte.
La mort est partie intégrante de la vie, et ces bougies résonnent à la fois comme un memento mori et comme un "pas maintenant".

Souvenons-nous que nous sommes mortels, et souvenons-nous de demander à la Mort "pas maintenant" lorsque de mauvaise grâce nous hantons les mêmes lieux qu'Elle.

Car voici le seul et unique dieu de l'Humanité entière : celui qui donne et reprend. Celle qui épargne et qui fauche.

Valar morghulis.

dimanche 14 décembre 2014

Le présent de Njörd...

La nuit brillait en soleils orangés
Brumeuse soirée et atmosphère glacée
Marchant silencieusement sous le vent.
Maugréant, gémissant et givrant
Ce dernier me susurra d'un ton bleuté
Qu'apportant la mort froide, attaquant
Toute forme de vie, cristallisant les eaux dans leurs lits
Nul ne saurait en réchapper, qu'il s'y tiendrait
Afin qu'au fil des nuits, nul plus jamais ne sortît
Jusqu'à en dépérir, consommant jusqu'à nos rires.

Venant des profondeurs givrées de Niflheim où règne la Mort
Des Hommes il était l'ennemi, des dieux Odin et Thor
Il était l'adversaire, soufflant la glace
Ne pliant que sous les coups de Mjöllnir, la célèbre masse.

Le temps des vénérations, le temps des dévotions
N'est plus pour ces divins, Pères des Humains.
Mjöllnir rouille en Asgard et même Odin a baissé sa garde.
Le temps des dévotions tarde, le temps de l'insouciance s'attarde.

Et partout cette nuit ce vent maudit venu ôter la vie
Souffle, dément, sifflant, glaçant, congelant, mordant !
Nul n'ose rester ici, de peur d'entendre son terrible cri
Siffle, paralysant, soufflant, tenaillant, brûlant, givrant !

Cette nuit la glace hurle, la nuit brûle
La brume piège les égarés, tue les désespérés
Tous se réfugient, jeunes comme vieux
Et comme il était annoncé dans la geste de la glace et du feu

L'Hiver vient.

vendredi 12 décembre 2014

L'hiver vient...

C'était un hiver comme il en existe des centaines d'autres...
Chaque semaine, Jeanne venait entretenir la tombe de son mari avec acharnement et fidélité, son défunt Félix, mort depuis cinq ans d'un cancer de la prostate qui l'avait abîmé progressivement jusqu'à l'emporter. Son cher Félix s'était battu 23 longues années durant, ronchonnant plus que souriant, mais l'avait toujours profondément aimée et cela s'était toujours vu.
Cet hiver-ci, la veille encore le temps était humide et frais comme souvent en Normandie. Jeanne venait de passer la journée à tricoter des écharpes, des bonnets et des pulls de laine pour ses petits-enfants et arrières-petits-enfants tant chéris. Puis elle avait écouté la radio en mangeant et maugréant d'apprendre que le temps serait peut-être aux chutes de neige le lendemain. Jeanne se couchait tôt et ne vit pas les premiers flocons arriver dans la nuit noire, ni n'entendit les rires des passants alors que rapidement un blanc manteau se répandait sur son quartier.
Le lendemain matin, force était de constater qu'il avait abondamment neigé. Quarante centimètres de neige au sol, pas un de moins. Tout le pâté de maison paralysé, les habitants estomaqués. C'est bien la première fois depuis quarante ans qu'il n'avait pas tant neigé par cheu nous, entendit-elle quand le voisin, un charmant quinquagénaire vint se préoccuper de son confort, de son chauffage et de dégager ses marches. Ce charmant Philippe avait tout de même pris un café pour se réchauffer une fois ses efforts achevés. Mais il était l'heure et le jour où Jeanne devait se rendre sur la tombe de son époux, et rater un jour pour cause d'intempérie, jamais ! En quarante, sous la neige et sans rien à manger, il fallait bien aller à l'école et on n'était pas aussi couverts que maintenant, disait-elle. Philippe proposa de l'accompagner, arguant que la voiture étant hors de question, il lui faudrait faire attention au verglas caché sous cette blancheur épaisse. Et puis quoi encore ? répondit-elle, Ça me fera de la marche et puis je ne suis pas encore impotente, jeune homme ! Je sais encore faire attention !
Et sans aucune brusquerie elle s'habilla de ses épaisses couches de vêtements d'hiver, enfila ses chaussures de marche et sortit raccompagner son Philippe chez lui, puis prit la route vers le cimetière.
Pas une voiture dehors, pas un chat, pas un bruit. Cette satanée neige la faisait pester à chaque pas.
Arrivée au cimetière, elle constata la présence du véhicule de la ville, embourbé dans la poudreuse, ainsi que la bruyante présence de trois jeunes écervelés qui se baladaient un peu librement, riant aux éclats. Ils auraient pu être ses petits-enfants. Ces deux jeunes hommes et cette jeune femme portaient chacun un de ces appareils photos modernes, numériques comme on dit à la télé. Jeanne n'en voulait pas du numérique. Les ordinateurs, c'est pas eux qui vont créer des emplois, répétait-elle avec une sagacité certaine à qui veut l'entendre. Et le contact humain dans tout ça ? Et ces pauvres gens qui se font remplacer par des machines impersonnelles, on leur a demandé leur avis ?
Tout en peinant à accéder à la tombe de son Félix, elle remarqua qu'un des trois jeunes était plus contemplatif et un peu affolé par l'agitation de ses camarades. Elle le vit prendre une photo des tombes. Jeanne en fut un peu choquée, Tout de même, ce sont des gens qui sont enterrés là-dessous. Un peu de respect !, pensait-elle très fort. Elle ne se douta toutefois pas que ce jeune-ci allait faire publier sa photo dans le journal local, en compagnie des autres clichés amateurs sur les environs enneigés par une intempérie sans précédent et qu'elle trouverait cette photo plutôt réussie. En fait cette vieille arrière-grand-mère ne se doutait pas qu'un jour je me souviendrai de sa gêne, de son attitude un peu renfrognée face à mes deux amis et moi-même, et qu'un jour je parlerai d'elle, tout en romançant sa vie quotidienne...
En fait cette personne ne se doutait pas que ce jour-là de Janvier 2010, je me sentais aussi mal à l'aise qu'elle par le bruit de mes amis, et encore moins que cette photo fut la première photo que j'aie pensé... Mais aujourd'hui, où qu'elle soit, je me souviens d'elle. Cette journée de Janvier fut exceptionnelle à plus d'un titre car ce fut la première fois que je pris mon EOS spontanément en quête d'images.

Depuis, je rêve encore et toujours de voir une nouvelle fois ma chère contrée si embellie par ce blanc cotonneux et glacé.

mardi 9 décembre 2014

Au bord de l'Étang...

Aux abords de l’Étang, un vieil homme avançait dans son chariot. Ce n'était pas un vieillard édenté, sec, chauve et paysan, pas plus qu'un vieillard boursouflé de suffisance, de graisse chèrement acquise, d'argent et de mépris pour les petites gens. C'était un vieil homme barbu, emmitouflé dans une robe grisâtre délavée, portant un chapeau pointu d'un bleu presque aussi gris que sa tenue et une longue barbe blanche, ce qui en ces lieux familiers impliquait force feux d'artifices et visites impromptues chez monsieur Bessac.
D'où il venait, nul ne le savait de ce côté de l’Étang. Certains l'appelaient "le trouble-paix", d'autres "le sorcier" et d'autres encore "le magicien". Ses amis, quant à eux, l'appelaient Gandalf.
Ah, Gandalf ! Si vous saviez tout ce que j'ai entendu dire à son sujet depuis que circulent des histoires, vous n'en croiriez sans doute pas le dixième, et je ne connais pourtant qu'un dixième des histoires qui le concernent, et toutes sont vraies !
Car oui, Gandalf est sans conteste un aventurier, un magicien, un sorcier, et un homme peu fréquentable pour les bonnes gens de ce côté de l’Étang. Ce vieux mage était tout à fait le genre de personnage inattendu et inapprécié de tous les notables qui ne souhaitent qu'être à l'heure pour le dîner chez monsieur le Maire ou à la réception tant attendue pour l'anniversaire de Monsieur et Monsieur Bessac, cousins et oncle et neveu à la fois.
C'est justement chez monsieur Bessac cousin et oncle du second Bessac - un certain Frodon - que Gandalf s'en allait tranquillement en chariot, un chariot synonyme comme je vous l'ai déjà fort à propos signifié, de feux d'artifices de toute beauté ; des fusées en étoiles vertes ou bleu éclaté, des tonnerres d'averses d'or et d'argent, des pluies de fleurs descendant et plus encore comme le chantaient les jeunes enfants dissipés de cet aimable pays.
En effet, Monsieur Bessac était publiquement l'ami de ce vieillard grisonnant, une honte selon l'avis commun de la population qui ne comprenait guère comment famille naguère si prestigieuse que les Bessac de Cul-de-Sac pouvaient être tombés si bas à fréquenter des voyageurs, des magiciens, des Nains, et pourquoi pas des Elfes ?
Mais j'en ai certainement beaucoup trop dit à présent. Il est temps pour le conteur de laisser place à son conte.
Voici donc l'histoire d'une réception depuis longtemps attendue...

lundi 8 décembre 2014

Les maléfices de la vieille forêt...

Dans les entrailles de la forêt, d'un bon pas je marchais.
Ode végétale à la lumière, tandis que glougloutait la rivière.
Cette parcelle-ci ressemble à cette parcelle-là, me dis-je
Mais d'une présence maléfique en son sein, celle-ci est infestée, vis-je.
Oserons-nous, mon très cher ami, en ses sombres ténèbres parier nos vies ?
Peu me chaut, me répondis-tu, en la présence du Mal je n'ai jamais cru,
Balivernes, sottises d'un autre âge, des temps où tous croyaient aux mages.
Ainsi, nous irons explorer ces sous-bois, je ne crains pas Satan, quant à moi !

Et nos deux compères à tout jamais s'engouffrèrent
Dans l'épaisse noirceur d'une parcelle en pleurs,
Piège à âmes, féroce lieu de nombreux drames
Tous plus secrets les uns que les autres, car
En ces bois réside une force puisant dans une sombre mare
Que jamais nul ne vit, excepté nos imprudents amis
Peu avant de sombrer dans la mort, seuls
Ils entendirent le rire maléfique d'un saule.
Nul en ville ne sut ce qu'il advint d'eux,
Personne ne revenait de la forêt disaient les vieux.

"Méfiez-vous de la parcelle du Vieux Saule."

jeudi 4 décembre 2014

À l'ombre de la Fracture de l'Horloge...

Ainsi, vous êtes encore venus entendre une de mes histoires, n'est-ce pas ? Grand-mère Lucie, assise au coin du feu, savait bien pourquoi ces deux jeunes galopins venaient encore et toujours chez elle à l'heure du souper. Elle avait tant vécu...
Oui s'il vous plaît. Vous avez tant d'histoires à raconter, vous avez vécu tellement longtemps...
Grand-mère Lucie sourit.
C'est très aimable à vous de me rappeler mon âge, jeune fille...
Voyant leur confusion, elle ajouta Non ne vous en faites pas, je suis une vieille femme en effet et j'ai effectivement de nombreuses histoires à raconter. Quelle histoire voudriez-vous que je vous raconte ce soir ?
Le jeune garçon releva la tête, comme illuminé par une révélation Une vraie. Une histoire qui a eu lieu.
Grand-Mère Lucie le regarda droit dans les yeux. Il ressemblait tellement à son père, ce jeune... Il lui rappelait même son défunt mari, mort lors de la guerre du Temps Suspendu. Par la fenêtre se voyaient encore les traces de ce conflit. Elle annonça, gravement Oh toutes mes histoires sont vraies, mon enfant. Il y a tellement de choses extraordinaires en ce bas-monde, je n'ai pas besoin d'en ajouter de mon invention s'il me faut raconter des histoires du coin du feu.
Le jeune garçon se sentit troublé. Sa sœur également. Tous deux savaient pourquoi ils étaient venus en cet endroit précis, si près du lieu de la Fracture de l'Horloge, à ce temps précis. Ils hésitèrent puis ensemble tentèrent leur chance. 
S'il vous plaît, racontez-nous l'histoire de la Fracture de l'Horloge alors ! À leur grande surprise, Grand-Mère Lucie rit doucement à cette idée. Ainsi vous êtes venus exprès ce soir précis pour m'entendre énoncer l'histoire de la Fracture ? Oh...C'est une très longue histoire mes enfants, et pas de celles que je m'aventurerais à raconter à cette heure tardive. Mais peut-être serez-vous captivés par une autre histoire. Un récit dont les faits furent un point de bascule dans l'histoire de l'Horloge et qui mit en branle des choses qui, encore aujourd'hui, sont en mouvement.
Regardant par la fenêtre, tous trois jetèrent un œil à l'attention de la Grande Horloge dont l'ombre se projetait jusqu'à proximité de la maison de Grand-Mère Lucie. Même aujourd'hui, la Fracture se ressent jusque dans le cœur de nos enfants, pensa-t-elle. Oh, mon cher Arnaud, si tu étais là, tu aurais toi aussi tant à raconter sur cet épisode.
Se rajustant dans son fauteuil, Grand-Mère Lucie posa son tricot, rajusta son châle et débuta
Très bien. Cette histoire, comme toutes les bonnes histoires, commence là où elle se termine. Dans une tour, dans un royaume qui n'existe plus...

mardi 2 décembre 2014

Ivresse coupable...


Gérard ! Sers-moi un entier ! Sans faux col hein ? ,Gilbert  alpaguait toujours son bistrotier préféré ainsi. Cela faisait cinq ans maintenant qu'aux aurores il apparaissait à la porte du bar de Gérard. Personne n'ignorait qu'il était au chômage et qu'il s'abîmait dans les profondeurs insoupçonnées du houblon pour oublier sa femme, ses enfants et son ancien poste de directeur commercial de la Sogecepp, la Société Générale des Conducteurs et Porteurs de Plis. Gérard savait qu'il avait l'alcool mauvais, mais cela n'impressionnait pas ce patron de bar, ancien 5e Dan de Jiujitsu, aussi large de corps que d'esprit. Puis, se disait-il, ce Gilbert va comme d'habitude se tirer vers 19h pour aller dans la rue des Pochetrons, pour se finir au rosé et au tord-boyaux. En attendant l'heure de la délivrance, Gérard lui servit donc deux demis de Kro. Il ne comprenait pas comment Gilbert pouvait boire cette flotte chargée en alcool sans hauts-le-cœur. Il en était déjà à son cinquième verre.
Gérard ! Je te le dis en face ! Tout ça c'est la faute des chinois. Si ma femme s'est barrée avec les gosses, c'est la faute de ces connards de jaunes qui ont racheté ma boîte ! Ma p'tite Lulu elle me disait bien que j'étais le meilleur au boulot ! ...Mon rayon de miel... Tu t'es tirée avec Thierry parce qu'il avait eu une promotion lui.... Saaaaaaaalope ! Toutes des salopes, Gérard. Toutes, sauf...
Gérard commençait à voir rouge. À force d'entendre ce pochetron de Gilbert divaguer sur sa femme, cela commençait à lui rappeler son propre divorce qui avait failli lui coûter son outil de travail, son établissement. Il préféra rétorquer Oui toutes sauf ta mère, mais ta mère Gilbert elle t'a déjà dit d'arrêter de forcer sur la bibine.  T'es bien plein là, et en plus c'est pas de la petite bière que tu bois. Dans le métier on appelle ça de la pisse-ivrogne, et ivrogne tu commences à l'être. C'était déjà à cause de l'alcool que tu as perdu ton permis non ? Tu vas gueuler ton malheur envers qui la prochaine fois que les flics te contrôleront à 2,5g au volant ? Les flics, ils vont t'envoyer au trou, j'te le dis. Avec le sursis qui plane au-dessus de toi ça va faire mal... Allez, t'es bien gentil Gilbert mais tu arrêtes l'alcool et maintenant je te sers que des cafés.
En entendant cette provocation caractérisée, le sang de Gilbert ne fit qu'un tour. Il se leva, prit le tabouret de bar sur lequel il était assis et, en le balançant à travers la salle, il hurla Tous des pourris ici ! Y a que des connasses ici, que des chieurs et pas un type bien pour me servir le petit verre qu'y me faut ! Gérard !  Je t'ai dit que c'était la faute des jaunes si j'ai perdu mon boulot ! Mon boulot et ma femme c'était toute ma vie ! Si on peut même plus bosser tranquille chez nous en France, y nous reste quoi ? Puis je m'en fout de ces tarlouzes de flics ! Je les encule eux et leurs contrôles de meeerde ! Et la juge aussi je lui pisse à la raie. C'est de sa faute si j'ai plus mes gosses. Je suis pas alcoolique, je suis un genletman de la bière moi...Un genl...teman... Parfaitement ! Allez salut bande de cons ! J'vais boire ailleurs !
L'explosion de violence avait tétanisé Gérard et les autres clients. C'était la première fois que ce Gilbert était physiquement violent, et bien la première fois qu'il partait de son plein gré.
Cependant, Gérard n'avait pas l'esprit à se réjouir. Gilbert n'était pas bien du tout, il savait qu'il ne fallait pas le chatouiller à propos de son travail ou de son alcoolisme. Puis ce pauvre homme était si beau dans son ivresse, habituellement, un véritable matador de bar-tabac. Gérard se souvint de la fois où Gilbert l'avait embrassé, complètement rond, après qu'il l'eût réconforté le jour où sa femme l'avait quitté. Et le jour où sa femme à lui Gérard l'avait quitté, Gilbert avait été le seul à se soucier de son moral pendant des mois. Il lui avait même offert un exemplaire de collection de son livre favori le jour de son anniversaire... Gilbert était un con, mais un con affectueux. Tout en s'excusant pour le désordre causé par ce gras gueulard auprès de ses clients, Gérard ramassa les débris du tabouret. Il avait explosé sur le mur. En relevant la tête pour se redresser, il ne vit pas grand chose. Une ombre titubante qui allumait quelque chose dans sa main. Un fracas de verre contre la vitrine, scintillant à la lueur des lampes...
Soudain il était une torche vivante, courant désespérément, se roulant par terre dehors, sous la pluie battante, aux pieds de son agresseur pour éteindre le feu dévorant.
Il sentit un liquide froid couler sur lui, des couvertures collées sur lui, brisant les flammes. Et toujours la douleur...
Gérard perdit enfin conscience lorsque retentirent dans ses oreilles les supplications de Gilbert Nooon connards de flics ! Lâchez-moi ! C'est pas moi ! C'est les connards de jaunes ! C'est leur faute ! C'est toujours leur faute ! Y m'ont pris ma femme, mon boulot, mon pote Gérard ! Je vais les niquer sa mèèère ! C'est pas ma faute ! Bande d'enculééés !

lundi 1 décembre 2014

Les punaises Cendrelave, entre mythe et réalité...

Les punaises daedriques de Morrowind sont originairement issues des territoires de Molag Bal, dans l'Oblivion. Parasitant les galopins, les drémoras et les faucheclans, ces punaises connues sous le nom de "Punaises Cendrelave" dans tout Tamriel sont apparues hors de la terre des Elfes Noirs après l'ouverture des portes d'Oblivion à la fin de l’Ère Troisième. Elles infestèrent la Cité Impériale lors de la Grande Infestation en 4E12. Bien que très sensibles à l'essence des racines de Nirn, abondantes autour de la Cité, ce n'est que par l'usage de l'école d'Invocation que Cyrodiil arrêta l'infestation, découvrant pour l'occasion que ces punaises étaient elles aussi des daedra et répondaient donc aux mêmes lois que les drémoras, les atronachs ou les saintes dorées.
Depuis ce triste épisode de l’Ère Quatrième, les punaises daedriques se sont dispersées sur tout le continent, au gré des déplacements de population, squattant aussi bien les pommes que les sacs de farine qui constituaient une des premières richesses de l'Empire.
De nombreuses légendes circulent autour de cet insecte daedrique, notamment l'idée que les habitants d'une maison infestée deviendraient fous à moins de déposer un cœur de daedroth près du lit, pour chasser ces mauvais esprits.
Il circulait également au sujet des punaises daedriques un vieux dicton disant "Punaises Cendrelave vues manger une russule, cadavre au crépuscule".
Bien évidemment toutes ces légendes et dictons ne sont guère que prétextes de vieux Dunmers aigris, car chacun le sait en Morrowind : aucune punaise Cendrelave n'irait manger une russule phosphorescente ou se sentir effrayée par un cœur de daedroth.
Ces légendes eurent la vie dure car les couleurs funestes de ces punaises rappelaient à chacun les sombres armures daedriques que de sombres seigneurs drémoras portaient en temps de guerre contre elfes et hommes.
De nos jours ces paisibles créatures sont connues sous le nom de pyrrhocores et habitent les villes, les jardins et tous les endroits où se trouve en abondance de la verdure, faisant la joie et l'intérêt des enfants humains, en particulier au printemps lors de la saison des amours où parfois une dizaine d'individus se retrouvent collés les uns aux autres en d'improbables chaînes animales.

Un dernier conseil : en cas d'invasion de ces belles petites bêtes, deux solutions simples s'offrent à vous : la première est de lancer un sort de dissipation sur l'ensemble de votre lieu d'habitation. Si vous ne disposez pas des capacités pour lancer un tel sort, un mage habilité par l'Académie des Mages le fera pour vous contre une somme d'argent d'environ une centaine de Septims. L'autre solution est de vaporiser de l'essence de racine de Nirm dans chaque interstice de la maison. Vous trouverez de l'essence de racine de Nirn chez tous les bons alchimistes tenant boutique en ville. Le prix d'un flacon de produit est fixé par décret impérial depuis le début de l’Ère Quatrième et vaut actuellement 95 Septims. Mais rappelez-vous : ni cœur de daedroth sur le lit, ni peur des russules phosphorescentes ne sont signe de sagesse, comme le rappelait l'auguste Mage de la Cour Impériale
du grand roi Uriel Septim VII.

dimanche 30 novembre 2014

Glaurung, Smaug... et les Petits Vers !

Au milieu d'une plaine déserte, sans bruits ni mouvements, une vieille bâtisse se tenait là, dressée, rupture flagrante entre la monotonie des alentours et son imposante carcasse.
Le Soleil dardait ses rayons hivernaux sur sa façade d'entrée, ces rayons si rasants, même en plein midi.
Parmi les larges pierres et les épaisseurs de mortier se tenait un curieux animal. Un lézard de prime abord, idée vite oubliée lorsque par mégarde une abeille passait par là.
D'un rapide et ardent jet de flammes, ce "lézard" brûlait ses proies en ouvrant largement la gueule et poussant un cri strident semblable aux hurlements de dizaines de damnés.

Ce Ver - car c'en était bien un - était l'un des ultimes descendants des Grands Vers qui parcouraient la Terre il y a sept Âges de cela. Nul ne sait comment la lignée des Vers se perpétua jusqu'à nos jours, mais elle le fit, perdant en terrible majesté et en dangerosité avec la disparition des autres êtres féeriques ou maléfiques, par-delà l'Ouest.
Cette race de Petits Vers dormait elle aussi sur un trésor accumulé avec les années. Las, en guise de somptueuses richesses, les Vers couvaient dorénavant les brillantes immondices de l'Humanité ; canettes émiettées, capsules de bouteilles, bouts de plastique doré et parfois des pièces de un à vingt centimes constituaient depuis le début des Âges des Hommes leurs plus grandes richesses.
Néanmoins la maxime professant que nul ne saurait trop se méfier de l'ensorcellement qui prenait ceux qui croisaient le regard d'un Ver restait vraie...dans une certaine mesure.
La malice se lisait toujours dans leur cœur, sombres étaient leurs pensées, tenace était leur haine des Hommes et de leurs bêtes, chats comme chiens ou furets.
Ces derniers ne se risquaient pas à attraper ces Vers-ci, sous peine d'un museau noirci.

Nul ne sait si les Petits Vers ont gardé leurs facultés de compréhension de la Langue Commune, mais parfois, les habitants de la Maison aux Vers entendaient dans leurs rêves de multiples voix sifflantes et menaçantes s'exprimant dans une langue ancienne.

Nous ne serons jamais trop prudents face aux funestes descendants de Glaurung...

samedi 29 novembre 2014

Les hurlements des damnés...

Des créatures au cœur de pierre, aveugles à toute émotion, toute détresse, se pavanaient en haut de ce monument du temps jadis.
De froides ciselures témoignant d'un artisanat de la roche en ces lieux projetaient leur puissante ombre sur les insouciants qui passaient aux pieds de cette bâtisse imposante.
Un temps fut où cet endroit était appelé "Maison de Dieu" par les ancêtres de ces passants, aujourd'hui réduits à moins que néant, ne laissant pas même de souvenir écrit dans la moindre archive.
La Maison de Dieu, ces ancêtres l'avaient vénérée, s'étaient recueillis pour le salut de leurs âmes en son sein, y avaient expié leurs péchés ou conspué l'impie du dimanche matin, jour sacré de repos pour les braves gens.
Ces hommes, ces femmes d'un autre Âge, avaient sûrement pour le lieu une vénération toute charbonnière, sans nul doute...

Et pourtant... Voyaient-ils les monstres et autres créatures infernales ornant la maison de leur Dieu ?
Sentaient-ils sur leurs épaules le poids de leur regard aveugle ? Entendaient-ils résonner dans leur tête les cris muets de ces bêtes prisonnières de la pierre ? Contemplaient-ils avec inquiétude les froides ciselures de la roche, barbelés pour les âmes prises au piège ?
Était-ce pour cela qu'autant de ces hommes, ces femmes, ces enfants par milliers se gardaient bien de saccager ces ornements sinistres, sataniques, superbes dans leur silence, sirotant les larmes de Dieu avec nombre gargouillements ?
L'on disait de Satan qu'il était le Prince de ce monde. Se trouvait-il pour cela à l'extérieur de la maison de son divin Père ou au contraire résidait-il partout chez lui ?
Las, les infâmes démons taillés dans le roc présidaient également à l'abri des pleurs de l'Unique Dieu, se repaissaient des pauvres hères venus à la messe du dimanche, assis à l'ombre de pierre de ces monstres ailés ou contre-nature, gueulards taiseux, buveurs d'âmes discrets, tandis que Monsieur le Curé les vouait au Paradis.

Douce ironie d'un monument à la gloire du Seul et Unique Dieu où, partout, démons et satyres au service de l'Ennemi entraînaient les anima d'ouvriers, de paysans, de bourgeois, de nobles et de prêtres vers les profondeurs insondables de l'oubli, là où personne ne les entendrait crier...

...Dans une gangue de pierre.

vendredi 28 novembre 2014

Les rêveries de Tonton Poil démarrent...



C'était lors d'une soirée semblable à celle-ci, une de ces soirées de fin d'année, où les nuits normandes s'éternisent et où les repas entre amis deviennent monnaie courante... En tout cas dans les familles d'instituteurs, au rythme de vie calqué sur la belle école de la République...

Ou bien était-ce perdu au milieu de nulle part, dans un de ces lieux secrets où l'imaginaire aime se nicher, au chaud près d'un feu de cheminée, alors que tombe la neige et que tous dorment, sereins, sous leurs épaisses couvertures ?

Ou encore était-ce au cœur d'une ville mourante où seuls les ivrognes et les scooters d'adolescents fauchés égayaient la pénombre oppressante d'une nuit orange, auprès des lampadaires et des décorations de Noël ?

Quoi qu'il en soit, c'était un soir...

Un soir, alors qu'un ami de la famille venait passer un dîner en la compagnie de mes parents (et la mienne en passant), tandis que l'apéritif démarrait, mon père me tendit une boîte, boîte au centre de la discussion entre son ami et lui. Il s'agissait de la boîte contenant le vieil EOS 300 D  (que cet ami de la famille avait refilé jadis à mon père) qui avait subi une avanie et qu'il avait réparé avec l'expertise qui sied à un ancien ingénieur en optique.

Il me tendit donc la boîte et m'apprit que cet appareil était pour moi.
Cadeau royal qui s'ensuivit de nombreux conseils sur la manière de prendre une photo et de quelques modestes tests en la présence de ces trois adultes, ravis de faire don d'un reflex à l'adolescent perturbé et inhibé que j'étais...

Longtemps cet objet fut le témoin passif d'une vie monotone rythmée par les cours de lycée...

Il fallut longtemps, le temps de l'ennui, pour que le virus des rêveries prenne celui qui n'était pas encore Tonton Poil et qu'enfin il prenne la peine de s'essayer à la photographie...


Moi, Tonton Poil, ne puis vous promettre de vous ébahir en matière de photos. Mais je puis tenter de modestement partager mon univers mental avec vous, peu importe ce qui vous amène ici.

Car on ne le dira jamais assez, mais la photo est une construction, donc moins un instantané de la réalité qu'une peinture, un tableau, oscillant entre le réel et le fantasme, entre le concret et l'absurde.



Bienvenue dans les rêveries de Tonton Poil.