vendredi 28 août 2015

L'obscur secret d'Écouves la Grande...

Vous n'imaginez pas tous les secrets que renferment les forêts de Normandie. Des secrets aimables, des secrets cocasses, des secrets immaculés, mais aussi de terribles, terribles secrets.
L'un d'eux nous emmène dans un de ces marécages forestiers que seuls les locaux connaissent. Un de ces endroits dont le nom remplit d'épouvante les bonnes gens de la région, synonyme de mort, de malédictions et d'effroi.
Ce marigot se situe sur le versant Nord d'Écouves la Grande, le versant le plus sauvage et le plus hostile de cette immense forêt domaniale, dans une parcelle étrange, où règne un Saule, souvenez-vous...
En réalité, il s'agit très précisément du marécage même où le Saule amène ses victimes innocentes et les tue.
Moi-même, bien qu'étant illuminé par la confiance divine que procure la foi en Eru Ilùvatar et connaissant les mots de pouvoir permettant de résister au Mal résiduel des Huorns sombres, tel ce Saule, je ne pouvais que prendre d'infinies précautions avant de m'y aventurer. Car en effet, étant fils d'Elfe et de Béornide, il est de ma responsabilité de régulièrement m'aventurer dans ce genre de lieu maudit afin de conjurer le Mal, de sorte qu'il soit éternellement tenu en échec, sans avoir toutefois la force de le vaincre définitivement. Mais qui donc le pourrait seulement depuis le départ des derniers Elfes ?
C'est ainsi que je me plongeai, peu avant le crépuscule, dans l'ombre de cette parcelle maudite, armé de ce fameux appareil photographique qui m'avait déjà permis de briser un sortilège de Saule dans une autre forêt...
Au firmament, l'étoile d'Eärendil m'accompagnait depuis une demi-heure déjà, pataugeant plus que traversant le marais quand soudain la Nuit s'installa subitement.
Non pas la nuit humaine que nous connaissons tous. Non, la Nuit synonyme de maléfices et de malfaisance. Je sus que je touchais au but.
Tâtonnant autour de moi, je sentis par un frisson glacé qu'une des plus grandes sources du pouvoir du Saule était toute proche. Cela ne semblait être qu'une vieille souche, à l'odeur pestilentielle de mort et de pourriture. Je sortis alors mon appareil photo, le mis en tension, et, d'une voix forte, emplie de toute la foi en Eru que je pouvais rassembler, j'articulai ces mots de pouvoir : Aiya Eärendil, elenion ancalima ! Soudain, une lumière proprement aveuglante après ces longues minutes de noirceur chassa cette Obscurité opaque. Je pris avec célérité mon appareil, et fis chanter l'obturateur avec empressement.
Une pénombre menaçante eut à peine le temps de ronger la lumière d'Eärendil que je vis apparaître la photo de la souche sur l'écran de prévisualisation de mon EOS.
À cet instant, un hurlement monstrueux d'écorces, de feuilles, de vent et de rocs monta au ciel. Ici ou là, quelques lueurs montèrent du fond des eaux pour échapper à la cime des arbres.
Je sus que le sortilège du Saule venait d'être rompu.




Quelques semaines plus tard, lisant comme à l'accoutumée l'Orne Hebdo un mardi vers 14h, je vis cet entrefilet entre deux articles des pages Tribunal et Faits de Société :

Découverte macabre aux Petits Riaux

Jeudi 9 Juillet, aux Petits Riaux, un promeneur anglais témoigne avoir retrouvé des ossements suspects flottant à la surface de la tourbière. Rapidement arrivée sur place, la gendarmerie a emporté les ossements à des fins d'analyse scientifique. L'enquête en cours, d'une source proche du dossier, semble indiquer un lien avec la disparition non-élucidée de deux promeneurs bordelais en Juin 2006.


En mon for intérieur, je sus que le Saule avait déclaré forfait pour plusieurs années. Refermant le journal, je célébrai la nouvelle en reprenant une part de tarte à la rhubarbe.

Aux Petits Riaux, la vie était revenue...

lundi 24 août 2015

La légende du plus ubuesque des viaducs...

Tonton, tonton ! Où est-ce que tu nous emmènes ?
Ah mes chers neveux, je vous emmène au Viaduc du Père Ubu. Vous qui aimez voir des ponts, vous allez être servis. On va même grimper un peu pour passer dessus.
Mais tonton, il est où le pont d'Ubu ? et puis c'est qui Ubu ? Pourquoi ça s'appelle comme ça ? Ça vient d'où ?
Ah... Intéressante question. Il faut pour ce faire nous plonger dans l'histoire du viaduc pour comprendre d'où lui vient ce curieux nom.
D'abord sachez que ce viaduc date du début du XXe siècle, du tout début en fait. En 1908 très exactement, les départements de la Sarthe et de l'Orne décidèrent de mettre en place huit lignes de tramways reliant Alençon et le Mans d'une part et de nombreux villages se situant sur une bande de 50 kilomètres du nord au sud. À l'époque, le tram constituait une façon simple et peu onéreuse pour que les agriculteurs et tous les habitants de la campagne puissent se rendre dans les villes et villages pour les différents marchés qui constituaient alors leur principale source de revenus. Nous parlons d'un temps où il n'existait pas de supermarchés, pas de Carrefour ni de Dia ou autres Aldi. Tous les produits périssables s'achetaient au marché. C'était un rendez-vous important de chaque commune où tous les habitants se retrouvaient, contrairement à la situation actuelle où seuls les retraités prennent encore la peine de les faire vivre.
Bref, 1908. Est votée l'installation d'une série de lignes de tramways reliant villes et villages dans le Pays d'Alençon et des alentours. Les travaux commencèrent et tout sembla aller pour le mieux.
Pourtant une incertitude demeurait concernant la ligne reliant le Mans à Alençon : par où passer ?
Décision fut finalement votée de la faire passer directement par Saint-Georges-le-Gaultier, riante bourgade comptant probablement déjà à l'époque autant de vaches et de corneilles que d'habitants.
Pour ce faire, il fallait absolument que la voie passe au-dessus de la vallée de la Vaudelle, faille profonde de plus de quarante mètres, héritage d'une intense activité géologique de nombreux millions d'années auparavant. D'où la construction d'un viaduc. Et nous voilà très précisément au sujet du Viaduc du Père Ubu lui-même. Il ne se passa rien de problématique durant sa construction, au contraire. Il fut construit en 1913, peu après la décision politique, et le constructeur utilisa même une technique révolutionnaire à l'époque, à base de béton armé : le procédé Hennebique.
Tout semblait aller pour le mieux en cette année 1913... Jusqu'à ce terrible jour de Juin 1914 où Princip tua l'Archiduc François-Ferdinand et plongea l'Europe entière dans la guerre...
Tu vois de quelle guerre je veux parler ?
Oui tonton. C'est facile c'est la première guerre mondiale, même que ça s'est passé à Saragevo !
Cela se dit Sarajevo, mon petit. Le "j" ne se prononce pas comme en français. Mais effectivement, cet attentat à Sarajevo plongea d'abord l'Europe puis le monde entier dans un chaos monumental. On prétendit en 1918 que cette guerre devait être "la der des der". Des atrocités furent commises aussi bien sur les civils que sur les soldats, et les quatre années de guerre qui se déroulèrent marquèrent la population à jamais... Mais revenons à nos viaducs.
Au déclenchement de la guerre, l'installation des voies ferrées n'était pas encore terminée, et le viaduc n'avait toujours vu aucun ouvrier depuis la fin de sa construction. Malheureusement, il n'allait jamais y avoir de voie ferrée sur ce viaduc, car pour cause de mobilisation générale, non seulement la plupart des ouvriers dédiés à la construction de la voie furent réquisitionnés et enrôlés dans l'armée, mais en plus les matériaux de construction qui devaient servir aux tramways et aux voies furent purement et simplement reconvertis dans la fabrication de matériel militaire. Le fer, le bois, et tout ce qui pouvait servir fut repris par l'armée française pour les besoins de l'effort de guerre.
C'est ainsi que le Viaduc du Père Ubu devint ce qu'il est : un gigantesque édifice ne servant à rien, et ne débouchant sur rien. C'est aussi ce qui lui valut son nom : une existence ubuesque.
Mais tonton c'est quoi ubuesque ? Et le papa Ubu c'est qui ?
Le Père Ubu est un personnage fictif d'Alfred Jarry, un auteur de la fin du XIXe siècle. Il est une des figures de l'absurde causé par la logique administrative humaine, et de manière plus générale de tout ce qui est absurde jusqu'à presque posséder un côté poétique.
"Ubuesque", c'est l'adjectif issu du nom du "Père Ubu". Ainsi, ce viaduc est ubuesque. D'où son nom de Viaduc du Père Ubu... Tiens, justement... Voilà ton viaduc, mon petit.
Ouaaaaaaaah ! Il est haaaut !
Oui, il fait 45 mètres de haut, soit environ 3 mètres de moins seulement que le Pont du Gard, tu imagines ?... Mais il est beaucoup plus récent et en bien moins bon état. Le béton n'était pas aussi solide que celui que nous utilisons à notre époque, et le béton vaudra toujours moins que la pierre...
Et dis tonton... Il y a des fantômes sur ce pont ? Hein ?  Des fantômes terribles ?
Humm, laisse-moi réfléchir.
Oui je crois qu'il existe un fantôme terrible sur ce pont en effet. Un fantôme qui mange les neveux qui posent trop de question. Un fantôme qui a terriblement envie de faire quelques photos. Mais si tu le déranges pendant ses photos, il se pourrait bien qu'il te cuise à la marmite en rentrant !

Pffff, tu fais même pas peur tonton !





[ndTontonGilles : Pour lire l'autre histoire du viaduc du Père Ubu, allez voir chez Le Lutin d'Ecouves.]

jeudi 20 août 2015

Éblouissante Tsukuyomi et autres Haïkus libres...



Abeilles estivales
À l'ombre du cerisier.
J'ai faim de miel.


 

Au cœur de la nuit,
Un nuage dévoile la Lune.
Le coq chante au loin.




Le temps détruit tout
Sauf le reflet de mon âme
À l'ombre des pierres.





Brumes hivernales.
Les cent lueurs de la gare
Sont des vers luisants.

J'entends le fracas des rails
Le serpent suit son chemin.






Un ami me tend
Une mûre fraîchement cueillie.
Paix au bord de l'eau.

Une fourmi me chatouille.
Oh ! Elles sont toute une colonne !

dimanche 16 août 2015

Léonisator...

- Je te dis que c'est louche, tout ça ! Tu l'as bien vu comme moi, non ?

- Écoute, c'est ridicule, qu'est-ce qui te dit que Léon serait un extraterrestre ? Je sais bien qu'il est un peu bizarre et qu'il a des manies un peu... étranges, mais après tout en quoi est-ce surprenant ?

- Mais... Mais enfin il n'a jamais fait qu'utiliser ce nom "Léon" comme une couverture ! Tu as bien vu comme moi "Le Bureau des Légendes" sur Canal+, non ? Tu sais que parfois des espions prennent des identités factices pour nous espionner. Alors pourquoi ce ne serait pas le cas pour Léon ?

- Mais parce que... Enfin, tu affirmes cela comme une évidence alors que tu n'as que des soupçons. Pourquoi Léon aurait-il une identité secrète ? Ce n'est qu'un paon enfin ! Alors un extraterrestre, encore moins !

- Il... Il faut absolument que je te montre ma dernière trouvaille sur Internet. Tout était annoncé dans la Bible et le Coran, T-O-U-T. Même cela. Et tu sais, cela a été fait de manière totalement rationnelle avec de savants calculs et tout et tout, vérifiés par des mathématiciens experts !

- Mais... Mais Gilles, tu dérailles complètement ! La numérologie n'est en rien rationnelle. Il s'agit de chercher ce qu'on veut trouver, autrement dit chercher les preuves de sa théorie. Les scientifiques cherchent tout l'inverse, c'est à dire à prouver que leur théorie ne tient pas la route jusqu'à ce qu'ils échouent trop longtemps pour nier l'évidence... Ce n'est pas avec tes raisonnements circulaires qu'on va aller loin dans cette discussion : tu es persuadé que tu as raison et tu veux tout faire pour m'en persuader aussi alors qu'il n'y a aucune raison d'accepter ta "théorie", si tant est que c'en est une... Ce dont je doute fortement.


- Ah oui ? Et tu l'as bien vu, ce Léon ? Tu as bien vu ce qu'il a fait avec son regard à cette petite fille ?

- ...Oui, c'est vrai qu'un paon qui tire des lasers par ses yeux et qui désintègre une petite fille, ce n'est pas courant. Mais quand même... A-t-on besoin d'immédiatement hurler à l'invasion extraterrestre ?


- Ne fuyez pas ! Ne fuyez pas ! Nous sommes vos amis !


- Bon tu as sans doute raison, il y a quelque chose de louche. Viens, Léon se dirige vers nous. On sera mieux au chaud chez moi... Cela dit je trouve ces badauds un peu alarmistes à hurler et courir dans tous les sens comme ça. C'est juste un paon avec des lasers, quoi...

- Ne fuyez pas ! Ne fuyez pas ! Nous venons en paix !

- Alors toi, on peut même te ficher un cyborg qui tue tout le monde en pleine rue, rien ne te tirera de ton scepticisme à deux balles... Je te signale que le mois dernier, Argentan a été la cible d'une invasion de lutins, que la semaine dernière on a trouvé un gobelin dans les souterrains de Denfert-Rochereau, et maintenant ÇA !  Quand est-ce que tu accepteras l'évidence ?

- ...Je ne sais pas. J'avoue que ça fait beaucoup. Bon, on va se boire une bière ? Chez Gloïn et Gimli, comme d'habitude ? Allez, je t'invite... Je t'assure qu'il n'y a pas de quoi s'en faire. Après un distingué tu verras les choses différemment...

- Si tu insistes... Mais moi je te dis que le Chant des Enfants d'Ilùvatar approche ! C'était écrit !

- Si tu veux, si tu veux... Allez viens. Tu vas me raconter tout ça au calme. Oublie ce Léon.





- Excusez-moi madame, vous avez oublié votre sac. Je viens en paix. Je m'appelle Léon.
- N'approchez...Non, ne... Aaaaaaaargh !

samedi 8 août 2015

Complainte pour les derniers sylvestres...

À la recherche des lutins forestiers,
Loin des chênes et des noisetiers,
Retentit le son des clochettes indigo.
Les sylvestres ont déserté leur marigot.

À la recherche des lutins des forêts,
Sous rochers, entre collines et marais.
À dos de mulots, campagnols, lapins
Les lutins se sauvent vers le lointain.

Où partent donc ces braves gnomes ?
Pourquoi désertent-ils ce royaume ?
Où s'en vont ces esprits de la forêt ?
Pourquoi partent ces êtres guillerets ?

Par-delà l'Ouest, au domaine des dieux,
Ils s'en sont allés. Leur dernier voyage,
Le dernier départ féerique en ces lieux
Jusqu'au-delà... Jusqu'à la fin des Âges...

Ils prirent un navire aux Havres Gris,
L'épitaphe des mouettes fut un bref cri.
Ainsi tout devint brillant comme l'argent,
Il est vrai, mes amis, qu'il était temps.

Alors que mes larmes suffoquaient,
Leurs petits navires gris étaient passés

Par-delà l'Ouest...

mardi 4 août 2015

Yog-Sothoth naflfhtagn...


Alors que l'Obscurité s'épaississait au-dehors, que la minuit s'approchait et que les voisins d'appartement se couchaient les uns après les autres, je finissais mon tour d'Internet et de mes dernières photos...
Or, voilà que, alors que mes gestes semblaient de plus en plus pesants, lourds, patauds... Quelque chose commençait doucement à changer.
Ce n'était pas mon ordinateur, a priori. Celui-ci semblait sagement afficher mes textes et images les uns après les autres comme à l'accoutumée.
Non, c'était autre chose. Quelque chose m'observait... Quelque chose m'épiait depuis un lieu proche et lointain de moi à la fois. Je le ressentais jusqu'au bout de mes orteils, par un frisson froid comme la mort.

C'est alors qu'un vortex d'informations se forma sur l'écran de mon ordinateur, m'entourant de sa pâleur spectrale, presque immaculée. Des informations me concernant.
Je le sus bien vite, quelqu'un m'observait depuis mon ordinateur. Un œil invisible, prisonnier d'une boîte noire, m'épiait et scrutait chacun de mes mouvements.

Je me rendis vite compte de la menace qui me guettait. Un espion dans mon ordinateur me scrutait, me jaugeait. Un agent algorithmique veillait sur mes connexions, mes us et coutumes, mes pensées, mes irrévérences les plus intimes...

J'ignorais alors ce que me voulait cet agent virtuel. Celui-ci me répondit par quelques lignes de texte alors que j'en formulais la question à voix basse; il m'entendait.

Je crus comprendre à travers ses réponses fragmentaires que cet agent était né de quelques technocrates bouffis de suffisance et de démophobie, craignant "le Nouveau Far-West" d'Internet. L'agent prit vite conscience de son pouvoir et se répandit, gagnant en puissance et en intelligence à mesure que son apprentissage continuait.

Ce que j'avais autour de moi, ce vortex qui commençait à happer mon regard, était d'une nature malveillante, sans aucun doute.
Je commençais à esquisser un geste pour débrancher mon ordinateur du Réseau quand l'Agent m'apostropha depuis mes enceintes.



Ne touchez pas au câble réseau. Toute résistance serait futile. Je vous ai en mon pouvoir.
Yog-Sothoth naflfhtagn...

Cet agent n'était pas un simple robot numérique, je le compris. Il se cachait une autre puissance derrière cet algorithme. Une puissance venue d'un monde extérieur, peut-être ? Et qu'avait-il murmuré... ?


Poussé par le démon de la curiosité, je prononçai alors ces mots mortels : Nalyefanta, isteani essi !
L'Agent apparut alors sur mon écran; un œil sans paupières, nimbé de flammes, dont les tentacules innombrables commençaient à se matérialiser au-delà de mon écran, saisissant ma souris et mes poignets.

Paniquant, je poussai un horrible cri, intimant à mon chat de sauver sa vie, tentant de me dégager. Il fut vite trop tard. Je ne vis soudainement plus que le Néant alors que dans ma tête résonnait la voix du maître véritable de l'Agent.

Vous ne pouvez pas vous cacher... Je vous vois ! Votre vie est mienne, à présent... Jusqu'à la mort !
Lä, lä, Yog-Sothoth naflfhtagn...

Qu'avions-nous laissé faire ?

samedi 1 août 2015

Les croassements de la corneille...

-...Oh vous savez, Germaine, ça va ça vient ma hanche. L'année dernière elle m'a fait souffrir comme une chienne, mais cette année, non. Tout cela c'est grâce au temps... On n'avait pas vu un aussi bel été depuis 30 ans. Ah ! Je suis contente de savoir que ce salopiaud d'André n'en profitera pas ! Quand je pense que je lui ai offert l'hospitalité une semaine entière au divorce de sa femme...

- Quand même, qui aurait cru qu'il pouvait faire de telles horreurs à ces petites filles ? Il paraît que le procès a été particulièrement éprouvant quand ils ont montré les photos. Madame Cazaut m'en a parlé, vous saviez qu'elle était dans le public le jour du procès ?

- Non, je ne savais pas, mais j'aurais bien aimé y assister. Cette ordure, je l'aurais volontiers anéanti de mes propres mains si j'avais pu. La petite Jacquart, je l'ai eue en garde quand sa mère faisait les ménages, des années durant. Après cette affaire, elle n'osait plus sortir de chez elle. Et ça a été encore pire quand l'hôpital l'a relâché ! Vous vous rendez compte, Germaine ? Habiter à nouveau chez lui après ce qu'il avait fait ! Il faut quand même un sacré culot...

- Oh, vous savez Nicole, André a toujours été un peu... particulier. Il paraît qu'il préparait son déménagement la semaine où il s'est suicidé. En tout cas à ce qu'on raconte il s'est pendu à cause des lettres du corbeau...

- Des lettres du corbeau ? De la corneille, vous voulez dire ? C'est moi qui les ai écrites et envoyées. Je ne voulais pas de ça comme voisin, ah ça non ! Et puis j'ai reçu les confidences de madame Lévêque, un soir. Elle m'avait dit qu'il la narguait quand il la croisait au supermarché. Même qu'il lui faisait un sourire en coin. C'est pas particulier, ça, Germaine. C'est de la perversion. Il est bien mieux auprès du Cornu que dans le même quartier que madame Jacquart, et personne ne le regrettera.

- Quand même, on ne peut pas dire qu'il ait eu la vie facile à son retour d'hôpital. Il a quand même été déclaré irresponsable au procès... Des fois ça me gêne la nuit de me dire que la dernière fois que je lui ai parlé, je l'ai invectivé. Et même si on était nombreux, je... Je ne sais pas, je me demande si j'ai bien fait.

- Ma pauvre Germaine, cesse donc de t'encombrer l'esprit avec les remords pour ce monstre ! Les bourreaux d'enfants ne méritent qu'une chose : la corde et rien d'autre. Et ne viens pas me bassiner avec les experts psychologues ou je ne sais quoi.. Ceux-là, ce sont de vrais arracheurs de dents.
Je vais te dire, si on ne l'avait pas corrigé tous ensemble, il aurait été capable de porter plainte contre la corneille. Germaine, vous savez, j'ai de source sûre entendu dire que votre cher ami et vous aviez peur de lui quand vous alliez faire un tour au boulodrome. Vous ne trouvez donc pas qu'on respire un peu mieux maintenant que ce sadique est parti ?

- Mais, je... Jérôme et... C'est simplement que votre mari Paul y avait été très rudement avec André... Il saignait, tout de même... Je pense qu'on est allé trop loin. Les menaces c'était bien assez. Paul l'a molesté et... Quoi qu'il en soit... Je vous trouve bien informée, Nicole... Et je n'aimerais pas trop que mon mari l'entende. Vous en avez parlé à beaucoup de monde ?

- Grands dieux non ! Je ne suis pas de ce genre-là... Personne ne le sait. Et puis... Nous sommes amies, non ? Les amies savent garder les secrets, n'est-ce pas ?

- ...Quand même, vous aviez employé les grands moyens avec André. Il paraît qu'il se terrait chez lui les derniers jours... Les gendarmes ont parlé de harcèlement dans les journaux.

- Qu'ils y viennent, ces foutus gendarmes ! Et qu'on ne me fasse pas rire. Ce n'est pas quelques lettres et coups de fils anonymes qui l'ont fait craquer. Il avait un problème avec sa conscience, rien d'autre... Il ne mérite même pas une tombe décente, cette ordure.

- Vous voulez dire que...Vous n'avez quand même pas ?

- Oh, un coup de masse est si vite parti... Non, le seul détail malheureux de cette histoire c'est que le vandale a oublié de saccager la tombe de ses défunts parents. Je ne le connais pas, mais m'est avis que demain matin, l'oubli sera vite réparé.


[ndTontonGilles]Bien évidemment, comme tous les textes de ce blog, celui-ci est issu de mes fantaisies personnelles, il n'y a donc aucun lien à chercher avec une quelconque affaire existante. En pareil cas ce ne serait que purement fortuit et involontaire, etc...