Des créatures au cœur de pierre, aveugles à toute émotion, toute détresse, se pavanaient en haut de ce monument du temps jadis.
De froides ciselures témoignant d'un artisanat de la roche en ces lieux projetaient leur puissante ombre sur les insouciants qui passaient aux pieds de cette bâtisse imposante.
Un temps fut où cet endroit était appelé "Maison de Dieu" par les ancêtres de ces passants, aujourd'hui réduits à moins que néant, ne laissant pas même de souvenir écrit dans la moindre archive.
La Maison de Dieu, ces ancêtres l'avaient vénérée, s'étaient recueillis pour le salut de leurs âmes en son sein, y avaient expié leurs péchés ou conspué l'impie du dimanche matin, jour sacré de repos pour les braves gens.
Ces hommes, ces femmes d'un autre Âge, avaient sûrement pour le lieu une vénération toute charbonnière, sans nul doute...
Et pourtant... Voyaient-ils les monstres et autres créatures infernales ornant la maison de leur Dieu ?
Sentaient-ils sur leurs épaules le poids de leur regard aveugle ? Entendaient-ils résonner dans leur tête les cris muets de ces bêtes prisonnières de la pierre ? Contemplaient-ils avec inquiétude les froides ciselures de la roche, barbelés pour les âmes prises au piège ?
Était-ce pour cela qu'autant de ces hommes, ces femmes, ces enfants par milliers se gardaient bien de saccager ces ornements sinistres, sataniques, superbes dans leur silence, sirotant les larmes de Dieu avec nombre gargouillements ?
L'on disait de Satan qu'il était le Prince de ce monde. Se trouvait-il pour cela à l'extérieur de la maison de son divin Père ou au contraire résidait-il partout chez lui ?
Las, les infâmes démons taillés dans le roc présidaient également à l'abri des pleurs de l'Unique Dieu, se repaissaient des pauvres hères venus à la messe du dimanche, assis à l'ombre de pierre de ces monstres ailés ou contre-nature, gueulards taiseux, buveurs d'âmes discrets, tandis que Monsieur le Curé les vouait au Paradis.
Douce ironie d'un monument à la gloire du Seul et Unique Dieu où, partout, démons et satyres au service de l'Ennemi entraînaient les anima d'ouvriers, de paysans, de bourgeois, de nobles et de prêtres vers les profondeurs insondables de l'oubli, là où personne ne les entendrait crier...
...Dans une gangue de pierre.
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