samedi 5 janvier 2019

Songes et mensonges...


La brume s'étendait à perte de vue...

Au loin, quelques vagues silhouettes blanches, signe distinctif de quelques soignantes du CHIC Alençon-Mamers avançaient sur la passerelle de l'hôpital.

Dans la blancheur de cette soirée silencieuse, Alençon semblait se perdre dans ses propres circonvolutions urbaines.
Il était possible de se méprendre sur le calme apparent de cette ancienne cité, car la rumeur du quotidien, bien que ténue, brouillait la sérénité pourtant proverbiale de mon regard.

Cherchant au hasard de mes vagabondages quelque sujet à photographier, je songeai, en cette fin 2018.


Quel monde me sépare de celui que j'étais, alors que démarrait ce blog de Rêveries.
Quelles infinies nuances de Normandie avais-je pu capter au fur et à mesure des années...

Et pourtant, plus le temps passait, plus je devenais convaincu de n'avoir qu'égratigné la surface des histoires que ces pierres millénaires contenaient.


Depuis maintenant deux bonnes années, la magie des mots s'est progressivement retirée au plus profond de mon regard, emportant avec elle le plaisir que j'avais à peaufiner mes histoires fantasques et parfois fantastiques.
Au travers des ténèbres de ma pupille, cette magie s'est transmutée pour rejaillir, différente, et pourtant toujours identique, dans les photos elles-mêmes.


Pourquoi raconter tant et tant d'histoires au travers de mes photos quand, à présent, celles-ci semblent porter en elles toute la contemplation qui me manquait ?

De fantasque narrateur, jongleur littéraire à ses heures perdues, me voilà devenu rêveur perdu et éperdu, vieux dormeur éveillé, contemplateur déchaîné ?


Voilà ce qu'étaient les tréfonds de mes songes, ce jour-là, alors que je prenais cette brumeuse image.
Comme une pelote de laine, ces songes n'attendaient que d'être déroulés pour prendre forme.


Alençon est-elle une terre de mots ? Alençon est-elle un flot contemplatif ?


Peut-être Alençon est-elle simplement un plasma protéiforme, une dimension aléatoire, un quanta d'émotions en attente de condensation pour devenir matière à tous les songes du monde...


Et si Alençon ne se résumait-elle pas à n'être qu'une brume où se projettent mes rêves ?





Bonne année 2019 !

dimanche 20 mai 2018

Mille et mille pas, cent raisons, une fierté...




Ne reste du printemps
Qu'une fine pluie de pétales...
Parfum arc-en-ciel.



(En souvenir de la première marche des fiertés d'Alençon, le 19 mai 2018, et de ma fierté toute personnelle d'avoir, l'espace d'une journée, agi pour défendre les droits des LGBT+ autrement que depuis mon salon, fût-ce dérisoire en regard des actions des principaux concernés.)

vendredi 16 février 2018

Qui a peur du Grand Méchant Monde ?


La peur...

C'est un drôle de sentiment, mélange d'instinct de survie et de préjugés autour d'un sujet précis, à la fois réaction physiologique et réaction au sens le plus politique du terme.
Ce mot décrit diverses réalités, diamétralement opposées... Mais c'est à sa réalité politique à laquelle je pense, en ce 30 décembre 2017.

Sorti tardivement dans le but de faire quelques photos, me voilà usant mes chaussures sur les pavés du centre-ville. Après quelques peu convaincantes prises de vue, je m'apprête à prendre le chemin du retour, direction le quartier de Courteille, via la rue Cazaut.
Longeant le Petit Nègre, je m'arrête, pour la forme, devant le passage de la Levrette.

Cette ruelle est singulière à plusieurs titres : Son nom est original, prêtant (sûrement à tort) à la grivoiserie et n'est pourtant marqué à aucun endroit, sa discrétion est évidente car coincée entre un tabac-presse et un bar, usant volontiers de l'espace libre entre leurs boutiques pour avancer panneaux, chaises et tables, mais surtout : cette ruelle a une ambiance bien à elle.

Depuis cette dernière, l'on se croirait tantôt revenu dans les années 1950, à une époque où tout était encore usé, peu entretenu, tantôt tombé dans un véritable coupe-gorge. En effet ce sombre passage n'offre en aucun cas une mine avenante au passant.

Un graffeur local l'aura d'ailleurs signalé à son entrée : Pour vendre de l'espoir, il faut offrir de la peur.

Je sais depuis longtemps que cette ruelle fait partie des sujets potentiellement exploitables. Mais il n'est guère facile de mettre en avant un endroit si délabré et si repoussant de prime abord.
Pourtant, ce soir est LE soir.

Équipé d'un grand-angulaire sur mon appareil photo, je me mets en tête d'installer mon trépied, sans le déplier totalement, fixe mon appareil dessus et commence à chercher la photo qui me comblera d'aise concernant cet endroit.

Je le sais, j'ai toutes les chances de n'en rien tirer, tant j'ai déjà arpenté la rue de la Levrette sans jamais trouver un point de vue plaisant.
Pourtant, dans un de ces moments qui rappelle la frénésie de l'arcade si chère aux joueurs de jeux vidéos, je commence à trouver la bonne écriture pour ce lieu.

Au bout d'une dizaine de photos, je sais que j'ai un matériau intéressant à retravailler le lendemain.


Et en effet, le matin suivant venu, après avoir mouliné mes photos de base, j'obtiens une ruelle sombre, éclairée par des lumières orangées et verdâtres, dans une ambiance blafarde, glauque, suintante. Seule (petite) ombre au tableau : la présence d'une voiture garée au bout de l'allée.


Pour vendre de l'espoir, il faut offrir de la peur. Voilà ce que dit cette phrase placée à proximité d'une des fenêtres du Petit Nègre. A cet instant, je songe qu'en effet, il est facile d'offrir de la peur... Tout n'est qu'une question de perspective, de choix des lumières et de temps.



Puissions-nous offrir de l'espoir, et vendre notre peur à un ferrailleur...

dimanche 24 décembre 2017

Ragnarök !

Ton âme est à moi !

Un voile noir saisit Gilles, prostré au sol, alors que Commode le saisissait, plaquant ses mains crochues sur son front et vissant son regard de glace dans ses yeux dorés...

Le monde des Ombres l'appelait.

De la Place Lagmadelaine, de sa piste de luge, ses bancs, ses pavés et ses badauds en retard pour leurs courses de Noël, où ces deux ennemis mortels s'étaient rencontrés, ne subsistait plus qu'un chaos de pierres et de flammes... Et la Basilique, pivot mystique de cet interminable Hiver qui se répandait dorénavant alentour.

Ne résonnaient plus aux oreilles du Change-Peau que le rythme lent de son propre cœur et le glas de son existence...

Aiya  Eär...endil...el..


Eh bien, Gilles, que marmonnes-tu donc ? Parle ! Tu n'en auras bientôt plus l'occasion, dans l'Enfer du Vénéré Klaus. Ceci est ton moment !

Rapprochant la tête de sa victime près de son oreille, Commode savourait ce moment d'ultime faiblesse qui précédait toujours le trépas, cet instant si délicieux où l'âme de ses proies s'échappait de leurs yeux, happées puis digérées par ses entrailles maléfiques.


Gilles eut un spasme, un filet de sang coula à la commissure de ses lèvres. Au moment où le blanc de ses yeux semblait luire de sa propre énergie, quatre mots retentirent du fond de sa gorge d'une voix rauque mais soudainement puissante, et Commode le sut : il était échec et mat.


Aiya Eärendil elenion ancalima ! 


 Son hurlement retentit au-delà du temps et de l'espace. Commode, comme maudit, lâcha brutalement sa proie et se tint les tempes comme devenu fou. Son regard roulait, sa pupille pulsait, et sa sclère se remplissait de son sombre sang.

Péniblement, Gilles se relevait. Le monde des ombres s'atténuait autour de lui. Commode le regardait fixement. Mais voyait-il encore ?

Dix-huit heures trente sonnèrent.



Eh bien... nous y sommes, Commode. Tu attendais ce moment... depuis tant d'années. Toi qui rêvais de me tanner... Toi qui espérais me réduire... à moins que vivant... J'espère que tu es heureux à présent... Dans tes propres ténèbres.


Que m'as-tu fait, Gilles ? Quelle sorcellerie est-ce là ? Maudit sois-tu !

Je ne t'ai rien fait, Commode... Nous sommes à la croisée des chemins... je n'ai fait que susurrer à ta mémoire... qu'enfin il arrive...

Quoi ? Quoi ? Qui arrive ..? Aaaah ! Tu... Cette lumière dans... Ma tête !


Oui, Commode... C'est la lumière du Ragnarök.



Joyeuses fêtes à tous !
Puisse la Lumière revenir en ces jours sombres...

mardi 28 novembre 2017

Tout commencement a une fin, toute fin a eu un commencement...


Tout commencement a une fin...

Voilà trois ans, jour pour jour, que les Rêveries de Tonton Poil ont commencé.

Il s'est passé énormément de choses entre ce 28 novembre 2014 au soir, où, encore jeune adulte timide, réservé et hésitant, je posai les premiers mots de cet espace d'écriture personnel.

J'eus, dès le départ, l'idée d'associer mots et images personnelles.

Pendant plus de deux ans, j'enchaînai des histoires plus ou moins indépendantes issues de mes fantaisies personnelles, développant un univers fait d'être féeriques, de gardiens de l'équilibre entre humains et "Surnaturels", d'ours-garous, de lutins et de divinités diverses en particulier.

Mais les choses progressaient en moi, et j'eus, petit à petit, de plus en plus de mal à me raccrocher à cet univers imaginaire que j'entretenais. A la fois trop dense et devenu trop encombrant, je pris de moins en moins plaisir à écrire des féeries.
Par ailleurs, la photographie avait pris de plus en plus d'importance dans ma vie, et dès lors je me vis me spécialiser de plus en plus dans cet art difficile, et abandonner petit à petit le plaisir de l'écriture et de l'imaginaire littéraire.

Est-ce un choix judicieux ? Sans doute pas. Etait-ce nécessaire ? Certainement.

Au cours de ces trois dernières années, mon imaginaire s'est réduit proportionnellement à l'augmentation de mon intégration dans cette réalité à la fois merveilleuse et terrible du quotidien, cette réalité qui, en 2014, ne m'avait toujours pas accordé la moindre place. Comprenez qu'un refus aussi durable ne pouvait qu'inciter à se réfugier dans quelques rêveries éveillées...

Les choses ont bien changé, disais-je.
En cette fin d'année 2017, Tonton Poil est devenu, aux yeux des Alençonnais "un photographe". Peu importe qu'ils sachent qui je suis, ce que je fais au quotidien est devenu une part de mon identité.
"Sois ce que tu fais et non ce que tu es", telle est la devise de mon père.
Peut-être suis-je en train d'accomplir cette maxime. Ou peut-être est-ce un nouveau danger qui me guette...

Quoi qu'il en soit, je ne suis plus l'éternel post-adolescent à l'esprit éthéré qui avait créé ce blog, il y a trois ans.
Malgré tout, il reste étroitement lié à la personne que je suis devenu, et même si je me refuse à me dire que j'en ai fini avec ce dernier, force est de reconnaître qu'une page s'est tournée au cours de cette année 2017.



Ce blog continuera d'exister. Je m'en suis fait la promesse.
Mais ce blog ne sera plus aussi régulièrement alimenté. Peut-être même ne le sera-t-il plus.
J'ai sans doute besoin de vacances littéraires. Besoin d'abandonner les mots. J'espère les retrouver, mais j'aspire d'abord à vivre en paix avec ces derniers, sans que plus jamais ce ne soit un effort de poser quelques mots en ces lieux.


Un billet tous les quatre jours en l'espace de trois ans. 294 billets au total, en comptant celui-ci.
Une régularité de métronome, et une constance dans la surveillance orthographique de ces derniers.
C'est devenu trop pour moi, à l'heure actuelle...


Peut-être pourrai-je revenir bientôt ici et vous écrire cette heureuse phrase :

"Les rêveries sont à nouveau un plaisir."



A bientôt, peut-être...


Tonton Poil.





(Vous pourrez toujours me retrouver via mes photos sur Les clichés de Tonton Poil, qui ne sont pas près de s'arrêter...)

vendredi 24 novembre 2017

Ô temps, prolonge ton vol !


Il fait froid.

Cette nuit est une de celles qui nous hurlent l'arrivée de l'hiver depuis la fin octobre. Depuis le changement d'heure, l'obscurité tombe vers 18h à peine, accompagnée d'un froid que ne renieraient pas les plus solides canards colverts de Normandie.

Dix minutes auparavant, j'étais encore en compagnie de R.G. au Café du Théâtre à savourer mon cadeau de Noël.
Oui, nous sommes en Novembre. R.G. venait de recevoir mon cadeau de Noël et n'aura pas su attendre pour me l'offrir.
Ce cadeau n'est qu'une simple télécommande filaire, mais ce genre de cadeau est bien utile pour un photographe amateur de poses longues, voire très longues...

Il fait froid dans le passage de la Briante. Je viens d'installer mon trépied et mon appareil photo au milieu de cette ruelle, avisant le scooter négligemment posé contre le mur et la vitrine chatoyante d'un des magasins.

Il fait froid et le vent s'intensifie...
Ce n'est jamais évident de manier un appareil photo dans la pénombre, encore moins avec des doigts engourdis.
Je déclenche.
Je réalise soudainement qu'une dame me regarde, à ma droite, semblant me demander l'autorisation de passer dans le champ.
Je la rassure et l'enjoins à passer.



La beauté de ces temps de pose est d'effacer tout mouvement.

Mais la beauté de ces temps de pose est aussi de nous obliger à prendre notre temps...

lundi 20 novembre 2017

Erable de Proust...


Certaines photos ne sont pas seulement d'excellents souvenirs, mais aussi des défis éternels...

L'an dernier, un 11 novembre, un dimanche pluvieux, j'avais fait quelques-unes parmi mes meilleures photos à ce jour, armé de mon chouette 50mm et de mon reflex, en contemplant un érable japonais, sis à la Roseraie du parc des Promenades. Le rouge de ses feuilles et le dénuement de ses branches après un méchant coup de vent et l'arrivée des jours du Froid m'avaient inspiré une série d'images en blanc, rouge et noir, ressemblant beaucoup à une esthétique d'estampe japonaise.


Me revoilà, un an et quatre jours plus tard, à la même Roseraie du même parc, devant le même érable japonais, armé de mon objectif à tout faire et du même reflex. R.G. m'avait parlé de cet érable quelques jours auparavant, exhibant une magnifique photo composée avec l'érable et un banc situé quelques mètres plus loin sur le chemin de promenade.

J'eus beau tenter une vaine copie de son image, je savais pertinemment qu'il n'était pas question de le plagier; nos styles photographiques sont bien trop différents, et la lumière n'est clairement pas la même. Un ciel d'un gris uniforme surplombe l'érable. D'innombrables feuilles d'un rouge pétant chargent encore ses branches.
Mes réglages sont font à l'instinct. Ce sont exactement les mêmes réglages pour une météo exactement identique à celle de l'an passé.
Je commence ma nouvelle série.


Finalement, il n'y a pas cinquante façons de prendre cet érable. C'est au grand angle que cela marchera le mieux.


Cet érable est bien parti pour être ma madeleine de Proust photographique...