Au bord de l'Eau, un petit peuple vivait en toute discrétion parmi les herbes basses, les brindilles et les racines des paisibles peupliers, hêtres, chênes, pins, épicéas et autres saules habitant cette zone humide, organisée par la main de l'Homme.
Ce petit peuple était à la fois tout pour ce lieu et rien de significatif.
Il n'était rien de significatif car il redoutait plus que tout la vue des gros balourds d'humains que nous étions, prompt à disparaître en silence, le pas léger. Et il était pourtant tout en ce lieu, car sans ce petit peuple, point de renaissance des végétaux au printemps, point de floraison parmi les herbes, de ces si belles marguerites ou de ces pissenlits dont les petits d'humains raffolent. Sans eux, les arbres se desséchaient, les buissons s'étiolaient, les herbes se raréfiaient et les écureuils, lapins et castors s'en allaient chercher fortune ailleurs.
Le petit peuple en question était un de ces peuples féeriques dont il est fait mention dans de vieux contes nordiques, de ces pays où l'on estimait encore récemment que fées et esprits malins participaient à leur manière à la marche du monde.
Il s'agissait du petit peuple des lutins.
Chaque année, à chaque solstice d'hiver, les lutins des champs, les lutins des rivières et les lutins des forêts se rassemblaient sous les racines d'un vieux hêtre tortillard bien connu des environs et chantaient de leur petite voix mélodieuse des chants traditionnels de leur peuple. Ah, si vous aviez déjà entendu un tel chant, vous auriez eu un aperçu de la beauté intemporelle de ces elfes minuscules.
Ce n'est qu'au jour de Noël, après quatre jours entiers de chants, que chance pouvait être humainement donnée d'entr'apercevoir un lutin rentrant chez lui.
Les lutins des forêts, les plus primesautiers, se balançaient de branche en branche, parfois sur des dizaines de mètres, ils s'élançaient dans les airs à une vitesse folle. Pour les apercevoir, il fallait avoir la tête dans les nuages.
Les lutins des campagnes, solides marcheurs, galopaient à une vitesse folle sur les chemins de gravier et de bitume. Difficile de ne pas les confondre avec quelque hallucination conséquente à un chapon trop solidement ancré dans l'estomac.
Les lutins des rivières, eux, étaient les plus discrets de tous, passant leur temps en apnée sous la surface ou à dos de poule d'eau, entre deux duvets de plume.
Mais bref, c'est à propos des lutins des rivières que je voulais arriver, car me voici apte à prouver au monde entier leur existence, après tant de siècles relégués aux contes pour enfants. Enfin les voici revenus au monde.
Balivernes, sornettes, sottises d'enfant trop longtemps bercé par les contes à dormir debout me répondrez-vous ? Qu'en savez-vous ? Ce petit peuple ne survit encore que parce que, comme tout être féerique, il a besoin qu'on croie en eux pour exister.
Vous prétendez donc que tout cela n'est que pure invention de la part d'un esprit un peu trop rêveur ? Mais n'avez-vous donc pas vu ce cliché ? Ne voyez-vous donc pas le jeune lutin des rivières qui s'ébroue vigoureusement sur la berge ? Êtes-vous donc à ce point aveugles pour ne pas savoir contempler la vérité nue ? Le féerique ne signifie-t-il donc plus rien à vos yeux ?
Les lutins existent, ceci en est la preuve !
Il ne tient qu'à vous de les voir...
Le début du texte décrit ce que Ian Anderson décrit dans sa chanson Jack-in-the green : https://www.youtube.com/watch?v=HUZSwHXKu0Q
RépondreSupprimerLes lutins existent, ce n'est pas moi qui vais dire le contraire !