Le Grand Soir eut lieu un matin.
Cela peut surprendre de prime abord, mais c'était ainsi. Le Grand Soir démarra un matin, un jour d'été. Comme à chaque fois, l'événement qui mit le feu aux poudres était plutôt insignifiant. Un simple documentaire sur ce que les médias et les patrons appelaient "la génération Y". Un documentaire sans complaisance, il faut l'avouer, pour cette génération ayant grandi dans les années 90' et 2000, un documentaire de trop.
Cela commença par des signes discrets. Invisibles aux yeux des baby-boomers et des dirigeants politiques. Éclatants aux yeux des "jeunes". Menés par une avant-garde de geeks ayant pignon sur Youtube, Dailymotion et Tweeter, c'était toute une jeunesse qui s'était levée d'un commun accord, avait déferlé dans la rue et commencé à monter des barricades dans chaque ville de France, prenant d'assaut les hauts lieux du pouvoir : écoles de commerce, lycées privés, sièges des banques, écoles de management et bureaux des partis politiques. La bourse de Paris fut la première conquise, la première à se voir hisser des couleurs nouvelles, d'un drapeau inconnu jusqu'alors, fait d'un chat en pixels avec une tartine sur le dos, un arc-en-ciel et des étoiles sur fond sombre.
Les récentes armes de surveillance massive du Réseau Internet ne purent rien endiguer. Chaque leader de chaque mouvement était soutenu par des milliers de ces "jeunes" qui osaient prétendre renverser l'ordre établi, annihiler la valeur travail et instaurer une "société horizontale", ces milliers de "jeunes" militants attirant à eux des milliers d'autres jeunes, récupérant jusqu'aux collégiens.
À la télévision, les quolibets fustigeaient pour qualifier ce qu'ils appelaient des "émeutes de casseurs, noyautés par des néo-fachos et des trotskystes de 16 ans sans vision à long terme". Il ne fallut pas longtemps pour qu'on les appelle "terroristes". À la radio, les reportages sur les magasins saccagés occupaient carrément plus du quart du temps d'émission. Dans les journaux s'étendaient sur les unes les images de Paris, Lyon et Marseille en flammes, des reportages sur les jeunes des cités qui continuaient à répandre la terreur dans les beaux quartiers toute la nuit.
Sur Internet l’effervescence battait son plein. Les jeunes français avaient fini par donner des idées aux américains et aux allemands et même aux égyptiens. En l'espace de deux mois, presque plus aucune place boursière ne fonctionnait. En l'espace d'un an, la moitié des gouvernements des grandes démocraties étaient tombés. Les chefs d’État gouvernaient tout juste leurs palais.
Qu'était-il arrivé à cette jeunesse gâtée pour qu'elle devienne à ce point enragée ? Qu'avaient donc fait leurs parents pour les amener à se retourner contre un système qui leur avait tout donné ? Leurs iPhones, leurs ordinateurs, leurs jeux vidéos, leurs consoles, leur confort, leur éducation... Tout avait été mis à terre soudainement.
Un reportage, mes amis. Un simple reportage. Sans complaisance, il est vrai. Mais réaliste. Analysant le narcissisme ultra-développé des "Y", leur rapport au travail ambigu, pour dire simple et leur désinvestissement politique antidémocratique qui avait conduit tant d'entre eux à ne plus voter.
Était-ce cela, notre faute de trop ? Avoir tellement gâté nos enfants qu'ils n'acceptaient plus la moindre critique ?
Ou était-ce... autre chose ?
C'est la lutte finale !
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