mercredi 16 septembre 2015

La magie coule dans l'eau...

Vous savez, il est encore très peu de choses que je vous ai dites sur les secrets des forêts normandes.
En réalité je ne vous en ai encore rien dit si je ne vous ai point expliqué les origines de ces forêts.

Toute forêt naît de l'eau. L'eau qui tombe du ciel comme l'eau qui ruisselle à terre, l'eau qui s'infiltre dans le calcaire comme l'eau qui creuse les hautes montagnes.
Il y a ainsi dans toute forêt de Normandie au moins un cours d'eau plus ancien que la forêt elle-même.
Il y a ainsi dans toute forêt de Normandie une source de vie inépuisable sans laquelle chênes et hêtres, pins sylvestres et épicéas ne s'épanouiraient pas.

Il existe dans les environs de nombreux ruisseaux et rivières, certains aux noms bucoliques, comme celui-ci appelé "la Misère" et qui coule dans la vallée du même nom. D'autres aiment mieux les plaines et la ville, comme cette rivière, trop souvent improprement nommé ruisseau à Alençon, qu'on nomme "la Briante", sans qu'aucun historien ne puisse attester de l'étymologie réelle, étant apparemment sans rapport avec le mot "brillante".
Je pourrais aussi bien vous parler de l'Huisne, paisible cours d'eau du sud de l'Orne, ou de la bien-nommée Vie (sic), traversant la commune de Survie (re-sic) au beau milieu du même département...
Il existe tant de cours d'eau en Normandie, et tant semblent anecdotiques...
Aucun d'eux ne l'est pourtant.

Chargés de la vitalité d'une nature forestière et campagnarde sans cesse renouvelée, ces cours d'eau furent certainement au cœur de nombreux et anciens rituels païens, car enfin, comment expliquer sinon que les plus anciens arbres alimentés par ces eaux lumineuses se mettent, au crépuscule de leur vie naturelle, à murmurer, discuter entre eux... Et même se déplacer ? Comment sinon expliquer la noire corruption de cette fameuse parcelle sauvage d'Écouves la Grande ? Comment, sinon par l'éveil d'un Saule au cœur sombre comme la mort ? Et qui pouvait l'éveiller ? Quelle force mystique pouvait lui donner la force de troubler les âmes innocentes et imprudentes passant dans les parages ?

Je vous le dis de but en blanc : la magie coule à jamais dans les veines du monde que sont les cours d'eau.
Non pas la magie blanche. Encore moins la magie noire. Ni même la magie rouge. Non, la magie dans son aspect et sa nature la plus brute. Cette vitalité naturelle que nous avons tort de classer parmi les maléfices, nous autres xylomanciens, nous qui avons pour charge la paix entre arbres rancuniers et humains naïfs.
Les magies noires, blanches et rouges ne sont, de mon avis de xylomancien expérimenté, que la simple classification humaine opérée à partir de nos réactions et sentiments humains, ou, concernant quelques-uns parmi nous, partiellement humains.

L'hydromancie est en effet la base de notre savoir, celle qui fonde toute magie, et elle se révèle d'une puissance sans commune mesure avec les autres éruditions magiques que j'ai pu pratiquer au cours de nombreux siècles. Comment exprimer simplement ce qu'est la magie de l'eau, sinon comme étant "la magie primordiale" ?
C'est cette magie qui ensorcela le cœur des derniers Elfes en entendant le cri des mouettes.
C'est encore cette magie qui façonna lentement les paysages, leur accordant l'honneur d'habiter la vie.
C'est toujours cette magie qui éveilla certains arbres à la conscience claire de leur environnement.
C'est enfin cette magie qui nous emmènera à travers la Voie Droite vers Valinor quand l'heure viendra pour nous de nous retirer.


Il n'est point de source magique plus puissante qu'une rivière forestière...

Ingole celutar minanindar

1 commentaire:

  1. Et le Roule-Crottes dans la Sarthe, et le Merdereau en Mayenne... Les rivières sont toutes porteuses de poésie...

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