dimanche 30 novembre 2014

Glaurung, Smaug... et les Petits Vers !

Au milieu d'une plaine déserte, sans bruits ni mouvements, une vieille bâtisse se tenait là, dressée, rupture flagrante entre la monotonie des alentours et son imposante carcasse.
Le Soleil dardait ses rayons hivernaux sur sa façade d'entrée, ces rayons si rasants, même en plein midi.
Parmi les larges pierres et les épaisseurs de mortier se tenait un curieux animal. Un lézard de prime abord, idée vite oubliée lorsque par mégarde une abeille passait par là.
D'un rapide et ardent jet de flammes, ce "lézard" brûlait ses proies en ouvrant largement la gueule et poussant un cri strident semblable aux hurlements de dizaines de damnés.

Ce Ver - car c'en était bien un - était l'un des ultimes descendants des Grands Vers qui parcouraient la Terre il y a sept Âges de cela. Nul ne sait comment la lignée des Vers se perpétua jusqu'à nos jours, mais elle le fit, perdant en terrible majesté et en dangerosité avec la disparition des autres êtres féeriques ou maléfiques, par-delà l'Ouest.
Cette race de Petits Vers dormait elle aussi sur un trésor accumulé avec les années. Las, en guise de somptueuses richesses, les Vers couvaient dorénavant les brillantes immondices de l'Humanité ; canettes émiettées, capsules de bouteilles, bouts de plastique doré et parfois des pièces de un à vingt centimes constituaient depuis le début des Âges des Hommes leurs plus grandes richesses.
Néanmoins la maxime professant que nul ne saurait trop se méfier de l'ensorcellement qui prenait ceux qui croisaient le regard d'un Ver restait vraie...dans une certaine mesure.
La malice se lisait toujours dans leur cœur, sombres étaient leurs pensées, tenace était leur haine des Hommes et de leurs bêtes, chats comme chiens ou furets.
Ces derniers ne se risquaient pas à attraper ces Vers-ci, sous peine d'un museau noirci.

Nul ne sait si les Petits Vers ont gardé leurs facultés de compréhension de la Langue Commune, mais parfois, les habitants de la Maison aux Vers entendaient dans leurs rêves de multiples voix sifflantes et menaçantes s'exprimant dans une langue ancienne.

Nous ne serons jamais trop prudents face aux funestes descendants de Glaurung...

samedi 29 novembre 2014

Les hurlements des damnés...

Des créatures au cœur de pierre, aveugles à toute émotion, toute détresse, se pavanaient en haut de ce monument du temps jadis.
De froides ciselures témoignant d'un artisanat de la roche en ces lieux projetaient leur puissante ombre sur les insouciants qui passaient aux pieds de cette bâtisse imposante.
Un temps fut où cet endroit était appelé "Maison de Dieu" par les ancêtres de ces passants, aujourd'hui réduits à moins que néant, ne laissant pas même de souvenir écrit dans la moindre archive.
La Maison de Dieu, ces ancêtres l'avaient vénérée, s'étaient recueillis pour le salut de leurs âmes en son sein, y avaient expié leurs péchés ou conspué l'impie du dimanche matin, jour sacré de repos pour les braves gens.
Ces hommes, ces femmes d'un autre Âge, avaient sûrement pour le lieu une vénération toute charbonnière, sans nul doute...

Et pourtant... Voyaient-ils les monstres et autres créatures infernales ornant la maison de leur Dieu ?
Sentaient-ils sur leurs épaules le poids de leur regard aveugle ? Entendaient-ils résonner dans leur tête les cris muets de ces bêtes prisonnières de la pierre ? Contemplaient-ils avec inquiétude les froides ciselures de la roche, barbelés pour les âmes prises au piège ?
Était-ce pour cela qu'autant de ces hommes, ces femmes, ces enfants par milliers se gardaient bien de saccager ces ornements sinistres, sataniques, superbes dans leur silence, sirotant les larmes de Dieu avec nombre gargouillements ?
L'on disait de Satan qu'il était le Prince de ce monde. Se trouvait-il pour cela à l'extérieur de la maison de son divin Père ou au contraire résidait-il partout chez lui ?
Las, les infâmes démons taillés dans le roc présidaient également à l'abri des pleurs de l'Unique Dieu, se repaissaient des pauvres hères venus à la messe du dimanche, assis à l'ombre de pierre de ces monstres ailés ou contre-nature, gueulards taiseux, buveurs d'âmes discrets, tandis que Monsieur le Curé les vouait au Paradis.

Douce ironie d'un monument à la gloire du Seul et Unique Dieu où, partout, démons et satyres au service de l'Ennemi entraînaient les anima d'ouvriers, de paysans, de bourgeois, de nobles et de prêtres vers les profondeurs insondables de l'oubli, là où personne ne les entendrait crier...

...Dans une gangue de pierre.

vendredi 28 novembre 2014

Les rêveries de Tonton Poil démarrent...



C'était lors d'une soirée semblable à celle-ci, une de ces soirées de fin d'année, où les nuits normandes s'éternisent et où les repas entre amis deviennent monnaie courante... En tout cas dans les familles d'instituteurs, au rythme de vie calqué sur la belle école de la République...

Ou bien était-ce perdu au milieu de nulle part, dans un de ces lieux secrets où l'imaginaire aime se nicher, au chaud près d'un feu de cheminée, alors que tombe la neige et que tous dorment, sereins, sous leurs épaisses couvertures ?

Ou encore était-ce au cœur d'une ville mourante où seuls les ivrognes et les scooters d'adolescents fauchés égayaient la pénombre oppressante d'une nuit orange, auprès des lampadaires et des décorations de Noël ?

Quoi qu'il en soit, c'était un soir...

Un soir, alors qu'un ami de la famille venait passer un dîner en la compagnie de mes parents (et la mienne en passant), tandis que l'apéritif démarrait, mon père me tendit une boîte, boîte au centre de la discussion entre son ami et lui. Il s'agissait de la boîte contenant le vieil EOS 300 D  (que cet ami de la famille avait refilé jadis à mon père) qui avait subi une avanie et qu'il avait réparé avec l'expertise qui sied à un ancien ingénieur en optique.

Il me tendit donc la boîte et m'apprit que cet appareil était pour moi.
Cadeau royal qui s'ensuivit de nombreux conseils sur la manière de prendre une photo et de quelques modestes tests en la présence de ces trois adultes, ravis de faire don d'un reflex à l'adolescent perturbé et inhibé que j'étais...

Longtemps cet objet fut le témoin passif d'une vie monotone rythmée par les cours de lycée...

Il fallut longtemps, le temps de l'ennui, pour que le virus des rêveries prenne celui qui n'était pas encore Tonton Poil et qu'enfin il prenne la peine de s'essayer à la photographie...


Moi, Tonton Poil, ne puis vous promettre de vous ébahir en matière de photos. Mais je puis tenter de modestement partager mon univers mental avec vous, peu importe ce qui vous amène ici.

Car on ne le dira jamais assez, mais la photo est une construction, donc moins un instantané de la réalité qu'une peinture, un tableau, oscillant entre le réel et le fantasme, entre le concret et l'absurde.



Bienvenue dans les rêveries de Tonton Poil.