vendredi 24 avril 2015

Les fantômes du Chêne de Raveton...

Tonton, Tonton, dis, tu nous raconte une autre histoire ? Une autre histoire de fantômes ! La dernière elle était trop marrante ! Allez, dis oui !
Ah mes sacripants ! Toujours prêts à entendre votre vieil oncle radoter les mêmes histoires. J'ai ouï dire de par votre mère que vous étiez intenables hier soir au coucher. Alors je me demande... Fais-je bien de vous raconter une autre histoire de spectres alors même que vous cassiez les pieds de vos pauvres parents pas plus tard qu'hier ?
Allez... On est des gentils neveux ! Et puis promis on sera plus sages maintenant. Et tu racontes si bien les histoires, on dirait un vrai conteur. Allez, mon gentil Tonton. On t'adore tu sais...

Ah, mes petits garnements, vous aimez passer de la pommade dans le dos de votre oncle hein... Vous savez y faire. Eh bien soit, qu'il en soit ainsi.
Je vais vous raconter l'histoire des fantômes du chêne de Raveton. Mais que je ne vous entende pas moufter pendant que je vous raconte !

Très bien. Donc commençons...
Cela se passait en 1889, à une époque donc pas si lointaine. À cette époque la noblesse d'empire était encore riche et stricte sur les notions d'honneur. Les grands bourgeois non encore anoblis les imitait volontiers. La famille Monteclerc était des premiers.
Or il se trouve qu'à Raveton, la famille Monteclerc possédait de nombreuses terres et notamment un champ où était planté un vieux, large et splendide chêne. Leur fils Jean était un fort et beau jeune homme promis aux plus hautes fonctions attaché au député de sa circonscription, et commençait à fortement laisser son empreinte dans les hautes sphères de l'Assemblée Nationale.
Par un pur hasard, son cousin Guy était un de ses collègues attachés à la chambre basse, auprès du député de la circonscription de Laval. Les deux cousins se côtoyaient donc beaucoup et se trouvaient fréquemment l'un chez l'autre.
C'était un jour où Guy Monteclerc se trouvait de passage à Raveton, dans la demeure d'été des Monteclerc que Jean lui proposa de faire la fête au bal populaire de Montabard qui avait lieu pour la soirée du 14 Juillet. Les deux beaux jeunes hommes, enchantés à l'idée de séduire de belles et fringantes jeunes femmes - ces deux demoiseaux étaient certes noble d'une vieille famille, mais peu portés sur la tradition et quelque peu coureurs de jupons à leurs  heures perdues- s'apprêtèrent le soir même à se rendre au bal. Au bal ils allèrent bel et bien, et y firent une rencontre qui allait changer le cours de leurs vies.
En effet, tandis que Jean séduisait une demoiselle répondant au doux nom de Rose, Guy ne trouva rien de mieux à faire qu'arriver à faire trébucher Rose, qui s'écorcha le genou en tombant. Inutile de dire que Jean ne revit pas la demoiselle de la soirée et que les deux jeunes cousins se trouvèrent bien embarrassés. Tout particulièrement Guy, et nous le verrons bientôt dans mon récit.
Car en effet tout le long du chemin du retour, Guy et Jean s'accablèrent de reproches, Jean accusant Guy d'avoir ruiné ses chances de conter fleurette plus avant à Rose, et Guy essayant de se disculper en signalant qu'il n'était pas convenable pour un Monteclerc de fréquenter si intimement la plèbe, qu'un Monteclerc se devait de se marier avec une femme de son statut et non une gueuse.
Ce terme particulier déplut beaucoup à Jean. En réalité il en prit ombrage. Un ombrage féroce. Emporté par la vexation et par plus de vin que de raison, Jean demanda Guy en duel afin de laver son honneur de Monteclerc, que si lui avait sali l'honneur de la famille pour une raison de fréquentations inconvenantes, l'honneur de Guy avait été sali également par son comportement grossier et indélicat envers la jeune femme.
Rendez-vous fut pris sous le chêne le plus beau, sur le pré le plus isolé des terres de la famille, le lendemain matin à l'aube. Il fut également décidé que si mort il y avait, il serait enterré sous le chêne dans le plus grand secret sitôt l'affrontement terminé.
À l'aube naissante, Jean et Guy vinrent comme convenu au rendez-vous sans aucun témoin, de peur d'être trahis par leurs proches et pris par la maréchaussée qui condamnait alors fermement les duels.
L'arme choisie par Jean était l'épée, aussi, alors que le soleil se levait doucement derrière les arbres, embrasant d'écarlate le pré herbeux, nos deux cousins se mirent en garde et commencèrent le combat. L'on raconte qu'au loin, quelques curieux virent des éclats de feu en direction du lieu du combat, au petit matin. Hélas Jean n'eut rapidement pas l'avantage, et se fit percer de part en part en plein cœur par son cousin.
Respectant le code d'honneur tel qu'il avait été convenu, Guy se mit à creuser la tombe de son cousin, non sans maudire ce dernier pour son inconséquence et pour l'avoir poussé à cet excès sanglant.
Malheureusement la belle Rose passa à cet instant devant le pré et vit Guy déposer le corps de Jean dans la fosse creusée. Épouvantée, elle partit en courant à travers chemins quérir l'aide des gendarmes.
Guy fut vite fait prisonnier et n'opposa d'ailleurs pas la moindre résistance lors de son arrestation. Condamné pour meurtre, il fut prestement guillotiné un an plus tard à Alençon.
Quant à Rose, meurtrie par le sanglant faits-divers auquel elle était indirectement liée et tourmentée par les révélations de Guy au tribunal, l'on raconte qu'elle se trancha les veines dans le même pré, tachant de son sang les marguerites qui fleurissaient sur la tombe de Jean.


D'après la légende, les âmes de Jean, de Guy et de Rose hantent encore ce pré et ce chêne tout particulièrement. On raconte même qu'à l'aube naissante du quatorze Juillet, on voit distinctement des spectres pâles s'affronter avec des épées de feu jusqu'à ce qu'une dame blanche traînant des fleurs dans son sillage arrive à leur hauteur. Ils se dissiperaient alors tous trois en un coup de vent, laissant sur place des fleurs de marguerite flottant au doux vent de sud.

Comme je le disais la dernière fois, il est important de laisser les morts reposer en paix. Certains ne trouvent malheureusement jamais cette paix, faute en est due le plus souvent à l'inconséquence, la colère, la boisson et autres fléaux pour les hommes de bonne famille. N'oubliez jamais ceci mes enfants. Les gens d'honneur, de véritable honneur, savent se comporter dignement en toutes circonstances, et ne perdent pas leur sang-froid pour des sottises, encore moins la vie.
Maintenant, allez vous coucher. Allez, allez !

dimanche 19 avril 2015

Le lai de la fin des temps...

[Note de Tonton Gilles : Les voies de l'inspiration sont impénétrables. Hier encore incapable de sortir la moindre ligne et aujourd'hui, l'illumination. Cela étant, peut-être aurai-je du mal à trouver le huitième texte du mois. Ou pas. Peu importe. Je vous souhaite de profiter de ce rapide et inattendu virage dans mon (manque d') inspiration.]



Figure immense dans les cieux
Ses ailes plongeaient les lieux
Dans les ténèbres d'un Démon,
Du plus vicieux des Dragons.

Son souffle embrasait tout :
Chaumières, tours, forêts.
S'il s'en prenait à vous,
Poussière vous deveniez.

Alduin était son funeste nom,
Ombre et feu était son blason.
Noires, ses ailes immenses,
Plus sombre, sa malveillance.

Trois héros se levèrent alors
Paladin, archer et magicien
Tous revenus d'entre les morts
Avec un Parchemin des Anciens.

Bannirent Alduin du monde,
Dans les couloirs du temps.
S'étirèrent les secondes,
Durant trois cent trente ans.

Au premier jour de l'an
Vinrent les héros légendaires
Pour, qu'à la fin des temps
Naisse une nouvelle ère.

Au sommet du monde
Alduin, se pose, ardent
Lors, le tonnerre gronde !
Débute la fin des temps.

Vint le héros annoncé
Qui Alduin devait tuer
L'anéantit de Tamriel
Le rendant immatériel.

Traqué jusqu'en Sovngarde,
Les trois étaient quatre
Tuèrent le Dragon noirâtre
Et chantèrent les bardes.

Le prophète annonça
"La fin, certes, reviendra
Avec elle, Alduin le Noir.
Nul son âme ne peut boire."

"Aucun héros ne viendra
Toute chose a une fin,
Les jours et lendemains.
Brûleront les cédrats."

"Brûlera le monde
Et ce qui s'y trouve.

En une seule seconde,
Hurleront les louves."


"Oyez mes paroles !
Souvenez-vous-en !
Oyez les louves-garolles !
Sonnera la fin des temps !"

vendredi 17 avril 2015

Je n'avais rien à dire et il fallait que cela soit dit...

Aemaeth


Tout commence par une histoire, dit-on. En effet, le Verbe était à l'origine de toutes choses. La mythologie judéo-chrétienne et islamique le confirme, mais aussi la mythologie de mon auteur favori, le professeur Tolkien. Le Mot, porteur de sens par excellence, est la pierre fondatrice de toutes les civilisations. Pour créer une civilisation, une ville, un village, il faut le Mot. Le Mot est à la base de notre espèce, car notre espèce est une espèce civile. Le premier humain à avoir apprivoisé le Mot a inventé le concept même d'Humanité.
Depuis, notre espèce a fait un long chemin avec le Mot. Elle l'a grimé de toutes les façons possibles, avec toute l'étendue possible de sonorités qui sied à notre espèce humaine.
Mot écrit de droite à gauche, de gauche à droite, de haut en bas, en colonnes, en lignes, avec des caractères nombreux ou limités, en calligraphies variées, en phrases d'un seul bloc ou Mot à Mot, avec ponctuation ou sans aucune, agrémentée de majuscules et de minuscules ou non. Le Mot prit toutes les formes du monde. Le Mot en vint même à signifier des Nombres, autres entités obscures et puissances secrètes de l'Univers. Le Mot permit ainsi la naissance des mathématiques et de la littérature, de l'Histoire et de l'Art.
Le Mot permit à l'Humanité de transcender sa nature animale.
Les humains les plus variés savent dompter le Verbe et utiliser le Mot.
Ceci est diversement le cas, selon le degré de maîtrise des concepts que les personnes possèdent.
Il existe ainsi une expression du Mot particulièrement raffinée chez les personnes ayant pris le temps de le dompter et ayant eu la chance d'être aidés en la matière par des dompteurs plus expérimentés qu'eux.
Au contraire, les personnes qui n'ont pas eu le temps de le dompter ni la chance d'être accompagnés dans leur domptage ont une expression du Mot qui les laisse particulièrement démunis face au vertige de l'étendue cosmique du Mot.

Il y a, plus que partout ailleurs, une oppression des démunis par la puissance du Mot.
Maîtriser le Mot donne les clés pour dominer le monde.
À l'image du golem dont le mot "Aemaeth" ("vérité") gravé sur le front lui donne vie, l'effacement du Ae premier le faisant mourir ("Maeth" ou "mort" en hébreu), il y a un pouvoir mortel dans le fait de maîtriser le Mot.

Cet humble blog où votre serviteur ici présent s'amuse à jouer avec ses Mots est le front du golem. La  vérité du Mot lui donne corps et vie.
Pourtant, qu'arrive-t-il hors du temps de rédaction d'un nouveau billet ? Un blog comme celui-ci vit-il réellement si personne ne façonne de Mots dessus ? N'est-ce pas le propre d'un blog que de ne vivre que le temps de découverte du nouveau Mot ?

Ces songes autour du pouvoir du Mot me furent inspirés par l'absence d'inspiration que le Mot voulait m'accorder. Ainsi paradoxalement, l'absence de Mot est en soit un Mot. Même la Mort est un Mot, et même le Néant, qui conçoit le rien absolu, est "quelque chose".
Prendre conscience du pouvoir suprême du Mot sur la totalité de ce qui est ou n'est pas, c'est peut-être s'ouvrir à l'inspiration ultime. Celle où l'angoisse de la feuille blanche n'est plus qu'une illusion au service de l'inspiration.

Après tout, combien de bloggeurs bien plus talentueux que moi firent un billet dont le contenu était l'absence d'idée de billet ?

Aussi, posons-nous la question de ce que fut ce billet-ci, à l'heure où vous le lisez. Est-ce un billet comme les autres ?  Est-ce une rêverie philosophique autour du Mot ? Est-ce un constat d'échec ponctuel sur l'absence d'inspiration ? Est-ce une fourberie manipulatrice, tricotant du néant en un formidable pull en laine de Mots entremêlés (vous savez, ces fameux pulls en laine qui grattent tricotés avec amour par votre grand-mère) ?

Après tout, le titre de ce billet est-il honnête ? Ai-je vraiment dit du vide en Mots par envie de ne rien dire en le disant ?
Car si ces questions qui me taraudent depuis deux jours sur les sources de l'inspiration m'ont bel et bien inspiré ce billet un peu particulier, est-ce pour autant une entourloupe ?
N'est-il pas légitime, au moins une fois dans sa vie, de se pencher sur le vertige du Néant et d'y plonger jusqu'à en extraire un noyau dur, un "quelque chose" qui soit fascinant à nos yeux ?

La Mort, mes chers lecteurs... N'est-elle pas ce cœur palpitant du Néant qui nous fascine tant ?
La Mort qui nous emporte tous... N'est-elle pas la barrière ultime qu'il faille franchir au crépuscule de son imagination pour en ressortir transcendé ?


Oui c'est vrai, ceci est un billet fort peu imaginatif, fort peu rêveur et empli de raisonnement plus ou moins fallacieux selon votre point de vue.
Mais je l'affirme : il nous faut tous, nous qui écrivons, accepter un jour d'avouer notre impuissance à rêver, même temporairement.


C'est dit : ceci ne sera pas une rêverie (ou bien ceci n'est-il pas une pipe ?), malgré la grotte qui aurait tant pu m'inspirer. Ceci sera le billet idéal pour annoncer que Tonton Gilles fait une pause momentanée, le temps de voir l'inspiration lui revenir. J'espère arriver aux huit billets dans le mois d'Avril, mais à raison d'un par semaine, cela me laisse sept jours pour rêver à nouveau.
Acceptez mes excuses pour n'avoir pas su vous faire rêver cette fois-ci.
J'espère cependant vous avoir quelque peu fait songer.


Maeth.

lundi 13 avril 2015

La légende de Marie Anson...

Tonton, Tonton ! Raconte-nous une histoire !
Ah mes chenapans, toujours prêts à me harceler pour entendre vos histoires favorites ! Laquelle voudrez-vous entendre cette fois-ci ? L'histoire de Pierre et le Loup ? L'histoire du Petit Chaperon Rouge ?
Tonton, non ! Raconte-nous une vraie histoire, pas un conte pour enfants !
Ah, une vraie histoire, dites-vous... Et si je vous racontais la légende de la Dame Blanche ? Une histoire terrible et peut-être bien authentique... Une histoire que les gens d'Alençon se repassent de père en fils et de mère en fille depuis le Moyen-Âge et qui glaça les sangs de générations d'écoliers...
Mais êtes-vous prêts à entendre une histoire aussi terrible, cela je n'en suis pas sûr...
Allez Tonton ! Raconte-nous la ! On est grands maintenant. On est en CE2 et CM2, on a l'âge d'écouter des histoires qui font peur ! Alleeeeez ! S'il te plaît...
Très bien, très bien... Mais que je ne vous entende pas dire que vous avez peur du noir cette nuit. Bien. Vous l'aurez voulu, jeunes garnements.


C'était il y a très longtemps, en un temps où les exploits de la chevalerie étaient contés dans tous les bons châteaux, dans le château des Ducs d'Alençon.
À cette époque vivait le chevalier Renaud et sa femme Marie Anson. Tous deux coulaient des jours heureux dans la Tour Couronnée, ainsi nommée parce que son crénelage formait une couronne autour de son sommet.
Mais c'était un temps de troubles, de guerres et d'exploits héroïques. Le chevalier Renaud fut appelé à servir à la guerre, comme il était de coutume en ce temps. Certains preux chevaliers du pays, confrontés  à l'horreur de la bataille, revenaient couverts de gloire... D'autres ne revenaient pas.
Marie Anson était à présent seule dans la Tour Couronnée et comme l'époque le voulait, les prétendants commencèrent à se montrer, profitant traîtreusement de l'absence du chevalier Renaud, qu'ils n'auraient point osé demander en duel.
Et il fut un prétendant qui arriva par malice et par rouerie à faire des avances claires et nettes, sans ambiguïté , bref à déclarer sa flamme pour la jeune et belle Marie.
Marie était certes flattée, mais point sotte. Elle qui vivait dans la lumière de la foi chrétienne, ne voulut pas risquer son âme éternelle en trompant son mari, parti à la guerre certes, mais point encore mort ! Elle avait une grande confiance en ses prouesses de chevalier, et savait qu'il reviendrait un jour.
Elle éconduisit donc son prétendant, avec douceur mais avec une réelle fermeté puisée dans les tréfonds de sa foi de femme fidèle.
Mais cela devait ne pas finir si positivement.
En effet par une malice toute diabolique, cet amant éconduit, au sortir de la demeure de la belle Marie, subtilisa les anneaux d'or que son mari Renaud lui avait offerts et entreprit de payer la création d'une copie de ces anneaux. La malheureuse Marie ne se rendit jamais compte que ses anneaux avaient été volés car le lendemain même, les anneaux avaient repris leur place de toujours...
L'amant éconduit, furieux, s'en alla vers la guerre porter les copies des anneaux de Marie Anson à son mari, escomptant bien évidemment faire éclater au grand jour la tromperie de Marie envers son époux, ce qui n'était en fait qu'une manigance ourdie par l'amant.
Cependant, Marie attendait un enfant, enfant bien évidemment conçu par son mari des mois auparavant. Elle enfanta finalement d'un petit garçon ayant hérité des yeux de sa mère. Ceci arrangea hélas les affaires de l'amant, qui, se servant de ses copies d'anneaux d'or et de la récente mise au monde d'un enfant de Marie, répandit ses sordides menteries devant le chevalier Renaud.
Renaud entra alors dans une colère noire comme les ailes du Démon, et il chevaucha sur le champ son grand destrier en direction d'Alençon. Se croyant trahi par la femme qu'il aimait, fou de rage, de tristesse et de désespoir, il tua son propre enfant sous les yeux de sa mère. -Oui, mes enfants, il le tua, emporté par la rage et la colère que le poison versé dans ses oreilles par l'amant éconduit de Marie avait instillé dans son sang.- Puis, il attacha sa femme par les cheveux à la queue d'un cheval fou, et lança la bête au galop à travers toute la ville.
La chanson populaire dit "qu'il n'y eut ni arbre ni buisson qui n'eut de sang de Marie Anson".

Marie, aux portes de la mort, demanda à se confesser. Renaud, saisissant alors l'occasion d'apprendre toute la vérité, décida de se grimer en prêtre et vint recueillir les dernières paroles de sa femme mourante.
La pauvre Marie jura sur le Christ lui-même être innocente de la tromperie que son mari lui reprochait. Elle jura pardonner son cher et tendre de l'avoir tuée, mais jura également qu'elle ne pourrait jamais pardonner le meurtre de leur enfant, tué avant d'avoir été baptisé et voué aux limbes par sa faute.
Renaud, le chevalier, comprit alors que sa femme avait dit vrai. La parole d'une mourante est toujours véridique au plus haut point, dit-on. Fou de douleur, ayant tué sa femme sur de fausses accusations et ayant tué leur enfant avant son baptême, fou de chagrin, ayant perdu la femme qu'il aimait ainsi que le pardon de son acte, Renaud s'enferma pendant une journée entière dans la Tour Couronnée.
Le lendemain, ses serviteurs le retrouvèrent pendu dans la chambre conjugale.

Ainsi se termina dans un bain de sang, l'histoire de Renaud et Marie Anson, de leur fils et de leur amour. Cette terrible histoire ne s'arrête toutefois pas là, en ce qui nous concerne. Car... Certaines nuits, on peut encore apercevoir la Dame Blanche, le fantôme de Marie Anson, hurler de douleur sur les hauteurs de la Tour Couronnée et laver les linges ensanglantés de son enfant.

Voici, mes chers enfants, la légende de Marie Anson.

Et à présent, laissons les morts reposer en paix.

samedi 11 avril 2015

Cinq haïkus libres comme le vent...


Au matin d'été
Doux chant d'oiseau haut perché
Le lion rugit.






Genêts printaniers
Sur le chemin du levant
Je mâche un œillet

L'eau ruisselle lentement
Les fleurs mangent le soleil






Un matin d'hiver
Le sol gelé sous mes pieds
Est un sablier







Aurore automnale
L'âtre rougit, le chat dort
Le feu ronge le bois

Les braises jaillissent dehors
Un félin aux poils roussis







À la pleine Lune
Le parfum de ma bougie
Éclaire mes songes

lundi 6 avril 2015

Au cœur des ombres de la nuit...

Sombre comme les ténèbres, gris comme l'acier.
Deux individus entrent en ce lieu usé, rouillé,
Porteurs d'idées, d'objets et d'espoirs incertains.
Trois sacs, un trépied, une lampe, deux appareils,
Voilà que le premier promet monts et merveilles
Au second. La nuit est pour eux un véritable écrin,
Promesse de jeux d'ombres et de clichés colorés.

Nos deux compères commencent leurs longs clichés
Pourtant dans l'ombre, l'un d'eux se sent observé.
Après maints jeux de lumières, les voici sur le retour.
À cette heure la nuit est silence, le monde est sourd.
Autour d'eux, les ombres rampent, les ombres fuient
À la lueur des lampes, au plus profond de la nuit.
Ils en sont sûrs, quelque chose les suit, les chasse.

Rentrés à l'abri, toute couleur a disparu de leurs faces.
Sombres comme les ténèbres, gris comme l'acier
Deux individus sont sortis de ce lieu usés, rouillés
Laissant là idées, objets et espoirs, car c'est certain,
La nuit a fait de tout cela un indestructible écrin.
Les merveilles promises s'affichent sur l'écran

Mais en lieu et place d'ombres, ce sont leurs couleurs
Qui prennent vie et forme, absorbant de nos amis la vie.
Ombres et poussières, ces derniers s'effondrent ici :
Au sol, rampants, fuyants...Au-delà la nuit se meurt.
Aux premiers rayons du matin, les ombres fuient

Nos deux amis prisonniers d'une opaque obscurité
Regagnent leurs pénates, loin de tout, loin d'ici,
Frappés, maudits, emportés par une soif illimitée
D'un lieu gris comme l'acier, rouillé et usé
D'une soif infernale d'âmes et de chairs
Que seuls les damnés connaissent sur Terre.

vendredi 3 avril 2015

Dystopie juridico-punk...

-Messieurs, la Cour !

-Vous pouvez vous asseoir. Bien, j'appelle la première affaire. Les parties en présence sont Maître Furission, représentant le parc animalier d'Écouves, plaignant contre monsieur Ledoyenné, prévenu. Madame la Substitut du Procureur de la République Juniel représente le ministère public dans cette affaire. Monsieur Ledoyenné, vous avez pris décision avant le début de ce jugement d'être assisté d'un avocat commis d'office, celui-ci n'ayant pas été commis d'office lors de votre audition. Maître Elas s'est vu transmettre le dossier. Avez-vous pu vous concerter avec votre avocat ?

-Oui Votre Honneur !

-"Monsieur le Président", je vous prie. Nous ne sommes pas aux États-Unis, monsieur. Bien donc, le dossier, je vous prie. Merci. Alors... Le 21 Juillet 2014 à 17h30 environ le parc animalier d'Écouves vous reproche d'avoir pénétré dans un enclos et d'avoir... agressé sexuellement...Une biche ? Monsieur, pouvez-vous nous éclairer quelque peu sur le sujet ?

-Eh bien Votr...euh m'sieur le juge...

-"Monsieur le Président". Ce n'est peut-être qu'un détail, mais ce détail signifie beaucoup. Reprenons... Donc.

-Eh bien m'sieur le président, en fait je suis célibataire depuis trois ans. Ma copine m'a quitté parce que je buvais trop. Et bon, vous voyez m'sieur le président, la chose me manque pas mal depuis trois ans.

-Excusez-moi, c'est sans doute très intéressant, mais nous aimerions vous entendre sur votre version des faits de ce jour-là. Pouvez-vous nous raconter votre après-midi du 21 Juillet dernier ?

-Pardon, Votre Ho...Euh m'sieur le président. Ben en fait j'ai passé le début d'après-midi au bar de la place de la Pyramide, et euh... Ben j'ai p'têt pris un verre ou deux de trop.

-C'est peu dire. Lors de votre audition, les gendarmes ont relevé un taux d'alcool par litre d'air expiré de 0,75g. C'est trois fois la dose tolérée pour la conduite, monsieur. Bref. Continuez.

-Oui et euh... Je ne sais pas trop pourquoi mais mon dernier verre m'a donné envie d'aller voir les animaux du parc d'Écouves. J'avais envie de voir de jolies bêtes. J'ai toujours aimé les animaux vous savez m'sieur le... président.

-Ne vous dispersez pas, continuez. Les faits, monsieur. Rien que les faits.

-Eh beeen j'ai pris la voiture et j'ai roulé jusqu'au parc animalier. Je suis entré, j'ai payé mon ticket et puis je suis allé voir les animaux. Puis j'ai vu la biche dans son enclos, elle était pas loin de moi et j'ai vu...Euh... un petit trou tout rose... Je sais pas trop pourquoi, j'ai pas résisté, j'ai franchi la clôture, j'ai pris un préservatif et j'ai...eh bien, j'ai fait l'amour à la biche.

-Ah... Donc vous reconnaissez les faits ?

-Monsieur le Président, je tiens à signaler que l'expertise psychiatrique de mon client montre une simplicité intellectuelle et affective telle que cet homme ne devrait même pas se retrouver ici mais en structure de soins adaptée à son handicap. Il est tout bonnement intolérable qu'un homme aussi simple que mon client soit traîné sur le banc d'infamie pour un comportement que lui-même ne peut vraiment saisir. Durant l'heure que vous nous avez gracieusement accordé pour préparer sa défense, Monsieur le Président, j'ai découvert un homme complètement dépassé par les événements, son comportement et traumatisé par une garde à vue de 24h, lui, cet homme qui n'a pas une compréhension aussi aigüe que vous et moi du bien et du mal. Face à moi j'ai eu un enfant apeuré qui avait été pris la main dans le sac avec une violence sans commune mesure avec ce que ses facultés lui permettaient de prévoir. Excusez-moi, Monsieur le Président, mesdames les Assesseurs, mais accepteriez-vous de voir votre fils de 11 ans enfermé 24 heures durant dans une cellule de garde à vue, dans les odeurs d'urine rance et le bruit des cellules voisines où de véritables délinquants bien au fait de leurs actes hurlent des insanités à l'égard des gendarmes ? Pourtant c'est ainsi que l'on a traité mon client, monsieur Ledoyenné. Avez-vous lu la première page de l'expertise psychiatrique ? C'est la première chose qui saute aux yeux : l'expert estime son âge mental comme étant celui d'un garçon de 11 à 12 ans. La suite est éloquente : carences affectives béantes, immaturité sociale et sentimentale considérables. Mon client est allé de familles d'accueil en Instituts Médico-Éducatifs toute son enfance jusqu'à sa majorité. On le lâche dans la nature à ses 18 ans, prétendûment accompagné par un système d'aide sociale réduit à peau de chagrin depuis quinze ans et incapable de seulement gérer tous les cas similaires à mon client en institution, pour raison de manque de personnel et de moyens. Résultat, mon client fait la manche depuis 12 ans, dort dans une voiture d'un ami, se trouve des places parfois en secteur psychiatrique, où, gavé de médicaments psychotropes puissants, il joue le rôle de simplet shooté par les traitements. Il en ressort régulièrement au bout de quelques mois, retourne à la rue jusqu'au prochain ramassage. C'est déjà un miracle que mon client ne soit pas allé en prison. Dieu merci, il n'est pas violent... Pour l'instant. Il ne tient qu'à cette Cour de lui éviter cela et d'enfin imposer à une structure Médico-Éducative convenable, peu importe où en France, de lui trouver une place et de l'aider à enfin avoir une vie acceptable. Il est révoltant qu'en notre beau pays on laisse des enfants de douze ans, même dans des corps d'adultes, croupir entre la rue et l'hôpital, avant qu'on lui promette finalement la prison.

-Monsieur Elas ? Ai-je besoin de rappeler que j'ai sans doute lu le dossier plus que vous ? Je sais ce qu'il contient. Il est clair que monsieur Ledoyenné ne dispose pas de toutes ses facultés intellectuelles et je crois savoir que Madame la Substitut est d'accord avec moi pour lui épargner une peine de prison ferme.

-Tout à fait, Monsieur le Président. Il nous apparaît cependant indispensable de faire œuvre de fermeté face au comportement du prévenu qui s'il n'est pas accessible à la sanction pénale, a néanmoins besoin de comprendre qu'en République, qu'en société, il y a des règles à respecter. C'est pourquoi je demande la mise en place d'un suivi médico-judiciare et  une peine d'un mois de prison intégralement assortie du sursis. J'ai aussi ici les conclusions de Maître Furission, réclamant un euro symbolique de dommages et intérêts au prévenu, eu égards à sa limitation intellectuelle flagrante que tous les employés du parc ont noté.

-Monsieur le Président, Mesdames les Assesseurs... Je vous prie de bien réfléchir à cela : ce n'est pas d'un suivi judiciaire ou médico-judiciaire dont monsieur Ledoyenné a besoin, mais d'une simple et complète prise en charge Médico-Éducative. Cet homme qui se tient devant vous. Cet enfant dans ce corps d'homme qui se tient devant vous n'a rien d'un délinquant. C'est un enfant perdu dans un monde trop grand et trop hostile pour lui. C'est un être sur lequel la vie s'est acharnée avec une férocité rare depuis sa naissance. Je vous rappelle qu'il est sans domicile fixe à l'heure actuelle et qu'il vient de passer deux semaines en maison d'arrêt. Deux semaines qu'il ne méritait pas. Vous le dites vous-même, Monsieur le Président : la prison n'est pas faite pour lui. Vous rappelez-vous ce qui arrive aux pointeurs en prison ? Vous rappelez-vous qu'il a passé deux semaines en tant que pointeur en maison d'arrêt ? La République ne doit pas condamner mon client, Emmanuel Ledoyenné, pour les carences qu'il a subies par sa faute. Par notre faute à nous autres citoyens , par notre faute à tous, de n'avoir pas su protéger les plus fragiles. Je le dis clairement. La République lui doit réparation pour ce parcours dramatique. Aujourd'hui vous avez possibilité de relaxer mon client et de contraindre la société à la juste réparation de son préjudice. Ce dossier est jonché d'irrégularités qui auraient dû faire sonner l'alarme plus tôt. Il est trop tard pour que je défende plus sur le fond mon client, hormis par son dossier d'expertise, n'ayant eu qu'une heure pour préparer un semblant de défense.
Mais je souhaite poser une dernière question à la Cour, malgré tout le respect que je vous dois, toute la déférence que je dois à la Justice de notre pays et son esprit des lois... Pourquoi donc monsieur Emmanuel Ledoyenné, se tient-il donc là devant vous malgré son dossier d'expertise psychiatrique éloquent ? Je n'ose croire que la Cour ait pu rester indifférente devant ce document.
Aussi je soutiens la relaxe pure et simple de mon client.

-Bien... Bien... Messieurs, la Cour se retire pour délibérer.


-Oh la vache, c'était quoi ce dossier ahurissant ? Ils vont pas le condamner quand même ? À votre avis, mon cher confrère, comment ce pauvre homme a pu atterrir là ?
-Oh, la routine, trop de dossiers à gérer, pas le temps de tout lire, se contentent juste des rapports des gendarmes et basta !
-Quand même, c'est pas humain. Combien de types ont eu l'occasion de le libérer et de sonner l'alarme ? Le président en plus a été particulièrement sec, ce coup-ci.
-Oh, ne vous en faites pas. Je crois que Elas notre cher confrère l'a bien ébranlé. Sa spécialité c'est le droit des étrangers. Des situations ubuesques, il en mange douze au petit-déjeuner.
Ne vous en faites pas, ce monsieur est déjà relaxé. Ils se sont retirés pour ne pas perdre la face. Cela ne devrait plus tarder.




-Messieurs, la Cour !


-Veuillez vous asseoir. Monsieur Ledoyenné, levez-vous.
Au chef d'inculpation principal d'agression sexuelle sur animal, au chef d'inculpation secondaire d'exhibition sexuelle et au dernier chef de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, la Cour vous reconnaît coupable.
En conséquence, vous êtes condamné à trois mois de prison ferme, je décerne également mandat de dépôt. Vous êtes condamnés aux dépends et à l'euro symbolique de dommage et intérêts. Je fais également annuler votre permis de conduire.

-Quoi, il n'est pas sérieux ?
-Je crois que si... C'est délirant...

-La séance est levée !





[ndTonton Gilles : Cette histoire est purement fictionnelle, toute ressemblance avec quoi que ce soit et qui que ce soit ayant réellement existé quelque part dans le multivers est purement fortuite et en aucun cas le fruit de ma volonté. Ceci est une dystopie juridico-punk dans laquelle il est fort probable que le connaisseur en Droit français reconnaisse typiquement le mekesskidi cher à Maître Eolas, c'est de la fiction pure, donc je prends des libertés avec tout, y compris  avec le droit le plus élémentaire..]

mercredi 1 avril 2015

Le destin finit souvent en queue de poisson...


Onze mondial contre Onze de légende. 1 à 1 à la première mi-temps. Jeu impeccable, tension insoutenable. Le ballon, aérien. Les joueurs, impossibles à rattraper. L'arbitre principal, attentif et impitoyable face aux fautes. Ribéry au sommet de sa forme, Facchetti toujours propre. Le démon des buts, Cissé, au taquet à la moindre occasion.  Le jeu, carrément flou. Les joueurs, de simples traînées de couleurs sur le terrain. Marron et blanc contre violet et jaune. Une tache noire et cyan au centre du jeu, l'arbitre. Un but ! Un coup de sifflet ! Hors-jeu pour le Onze mondial. La balle au Onze de légende. Les supporters, scandalisés ! Faute sur Facchetti par Ribéry ! Carton jaune et penalty ! Manqué ! Au Onze de légende la balle. 75e minute, toujours égalité. Les deux équipes, sous haute pression ! Fernando Alonzo remplacé pour fatigue intense. Un vent frais sur le terrain. Le Onze mondial devant les buts du Onze de légende...Éric Cantonna, puissant et rapide. La passe décisive et le but tant attendu de Hadji ! Exultations de la moitié de la foule aux gradins ! Huées de l'autre moitié ! 90e minute, encore deux minutes de jeu. L'arbitre et les joueurs, fatigués, ralentis, acclamés par les supporters, portés par les supporters, motivés par les supporters, en vie par la force des supporters !
Fin officieuse du jeu pour le Onze de légende. Passes molles et peu convaincantes entre eux. Sortie de la balle pour l'arrêt du jeu. Trois coups de sifflets. Le Onze mondial, victorieux !
Le tableau des scores des équipes, enfin. Le début de la mi-temps des commentateurs...


Et tandis que les équipes rentrent aux vestiaires, une vérité terrible surgit à leurs yeux troublés :
ils sont dans une cinématique de jeu vidéo.

Terrible poisson d'avril pour ces joueurs pixellisés... Une vie de pantomime pour le simple plaisir de deux joueurs de console. Une soirée de plaisir pour ces derniers, vingt minutes pour le destin de ces joueurs en polygones.