vendredi 19 décembre 2014

L'arbre aux solitaires...

Au bord d'une rivière aux eaux saumâtres et boueuses se tenait un arbre. Non, guère plus qu'un vieux bout de bois planté dans le sol spongieux. À peine quelques feuilles rachitiques s'accrochaient encore au peu de vie coulant en son cœur.
Ce vieil arbre complètement desséché avait, en effet, bel et bien un cœur. Une âme. Un esprit.
Cet antique tas d'écorce, de bois aride, de feuilles mortes avait été témoin de nombreux drames, cependant nul ne pouvait l'écouter depuis que son langage de bruissements et de craquements au vent d'Ouest avait été perdu dans les limbes de la mémoire humaine.
Plus que nul autre, cet arbre était singulier. Tout d'abord, personne ne connaissait son âge ; il semblait n'en pas avoir, tout du moins rester fidèle à son aspect de végétal mourant. D'aussi loin que remontait l'espèce humaine, celui-ci trônait, les racines plongées profondément dans le flux boueux. Ensuite personne ne se souvenait l'avoir vu les branches chargées de feuilles et pourtant il continuait à s'accrocher à sa pathétique existence moribonde. Enfin, nul n'avait réussi à entailler son épaisse armure d'écorce. Il se tenait simplement là, contemplant l'agitation du monde moderne avec détachement et, il faut le dire, dans un état tout à fait végétatif.
Les rares gnomes encore vivants à proximité venaient parfois lui rendre visite. Leur présence l'apaisait. Il semblait devenir plus animal et moins végétal, plus vivant, moins sauvage.
En la présence des gnomes, l'eau de la rivière s'éclaircissait, les nuages alentour se dissipaient, le vent bruissait doucement, la chaleur revenait. Ce micro-climat spécifique à cette rivière s'expliquait par la barrière thermique qu'elle représentait, selon d'augustes et doctes spécialistes de la météorologie. Mais personne jamais ne sut expliquer les apparemment imprévisibles crues de ce cours d'eau, qui ne coïncidaient parfois guère avec les récentes précipitations sur les collines alentour.

Il existe pourtant une légende autour de cet arbre, que jadis se passaient de père en fils les habitants des environs. Guère plus qu'un conte à dormir debout. Ce conte narrait l'histoire d'un homme esseulé qui s'était épris pour une femme de son village, comment il fit un pacte avec le Diable pour obtenir son cœur et son attention, comment il fut dupé par le Malin puis comment sa dulcinée, folle de culpabilité, prit sa place en enfer en échange de sa vie et comment l'homme, privé de paradis et interdit d'enfer fut condamné à revenir sur Terre sous forme d'un arbre desséché jusqu'à la fin des temps. Cette légende, remontant à des époques immémoriales, n'a aucune sorte de fondement historique. Strictement aucun.

Toutefois...
Si un soir d'aventure un couple s'aventure auprès de l'arbre...


Mais j'en ai trop dit. Certaines choses se doivent de rester tues et inexpliquées. Surtout si près de ce vieux bout de bois rabougri. On n'est jamais trop prudent...

1 commentaire: