samedi 16 septembre 2017

La ligne claire...


Une photo est comme un livre.

C'est étrange à dire, mais c'est une réflexion qui me poursuit depuis près de deux ans, et à chaque fois que j'y songe, je ne peux que m'y soumettre.

Une photo se lit comme un article de blog.
Le blog étant ce que je connais le mieux, c'est ainsi que je la conçois.

Une photo c'est une image dont la structure parle, permet d'exprimer des sentiments, des réflexions, d'annoncer une information. De nombreux journalistes ne font d'ailleurs rien d'autre quand ils écrivent leur édito, leur article, leur chronique.

Une photo peut être drôle, dramatique, informative, contemplative, douce, violente, mensongère, politiquement orientée et j'en passe.

Mais plus que tout, une photo appartient à un genre littéraire.
On ne fait pas une photo de journal comme une photo d'encyclopédie ni comme une photo vouée à être exposée, tout comme on ne fait pas un article de journal comme un article d'encyclopédie ou comme un roman.

De nombreux auteurs m'ont marqué dans ma découverte de la lecture-plaisir. Tolkien, bien évidemment, qui m'inspira de nombreuses histoires et de nombreux rêves. Isaac Asimov, également, pour sa rigueur de scientifique au service de la littérature, Primo Levi et ses terribles témoignages, Marcel Pagnol l'incontournable, pour sa nostalgie de l'enfance et beaucoup de bandes dessinées. Beaucoup, beaucoup de bandes dessinées.

Citer tous les auteurs de BD qui ont construit mon goût pour l'imaginaire, les histoires et la lecture serait un peu long, aussi j'en citerai deux parfaitement dans le sens de mon propos :
Jirō Taniguchi et Hergé.
Jirō Taniguchi est un auteur de bande dessinée japonaise, couramment appelée Manga.
Cet auteur, découvert récemment par le biais de mon ami R.G., est le plus occidental, voire le plus franco-belge des auteurs japonais. Sa façon de construire l'image, littéralement photographique, ainsi que son goût pour la contemplation m'ont permis de me retrouver dans ses personnages, souvent de manière immédiate.

Taniguchi et Hergé sont deux représentants de ce que le monde de la BD appelle "la ligne claire", ce mouvement de bédéistes dont Hergé est un des précurseurs, qui avait pour principe de privilégier un dessin allant à l'essentiel sans sacrifier à la lisibilité de l'image. Les aventures de Tintin sont un exemple parfait de ligne claire; le trait est simple et complet à la fois, facilement identifiable, sans noyer le lecteur dans les détails ni laisser trop le soin à ce dernier d'imaginer l'environnement du personnage.

Eh bien, croyez-le ou pas, mais plus je regarde mes propres photos, plus je suis convaincu que mes photos sont dans le style de la ligne claire.
Pourtant, rien de plus fourni en détails qu'une photo.

Curieusement, chaque fois que l'envie me prend de faire une photo, mon impression est que ma photo, si elle est réussie, sera facile à lire, sans surcharge d'éléments, ni détails infinis.
Peu m'importe la richesse du décor, à chaque fois que je prends une photo, j'essaie de m'approcher d'un rendu "ligne claire".

Chaque fois que je prends une photo, je la lis comme un album de Hergé ou de Taniguchi.

2 commentaires:

  1. Très judicieux et très bien expliqué. Tu as cependant omis de parler de l'importance de la poésie dans la photo, ce qui apporte le petit plus magique. Même Hergé n'y échappe pas, particulièrement dans Tintin au Tibet, mon album préféré.

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  2. La poésie est plus qu'un genre littéraire, en vérité. C'est une manière de construire son rapport au monde, aux sentiments, aux sens, à l'humain, à l'Autre. La poésie est, si je puis dire, la base de toute expression artistique. En parler aurait risqué de nous emmener un poil trop loin... Sans compter que la question de la poésie, qui est au final la question de l'art lui-même, est infiniment complexe, voire indécidable. Ce n'est pas un article de blog qu'il faudrait pour exprimer tout ce qu'il y a à exprimer, mais une thèse de philosophie complète.
    Le "petit plus magique", c'est le coeur de l'art. C'est ce qui fait que la création artistique est habitée d'une âme, cette même âme qui faisait craindre dans les siècles passés qu'un jour les oeuvres artistiques finissent par prendre vie. C'est sans doute de cette peur ancestrale qu'un jour ce qui imite le réel devienne réel que viennent les légendes sur les poupées qui s'animent la nuit ou les histoires sur les statues de pierre qui prennent vie.
    On parle d'ailleurs à ce niveau-là de véritable magie, c'est à dire de viol des lois naturelles (une création qui vit par elle-même) par le supplément d'âme, ce "petit plus magique" dont tu parle, qui habite la création artistique.
    En ce sens, le Dieu des monothéismes, par le fait qu'il est un Créateur, est un Dieu des arts. Peut-être est-ce aussi de là qu'est venue l'idée que l'art devait servir Dieu, et qu'un art profane ne pouvait que menacer la religion.


    Mais comme je disais, ceci risque de nous emmener très loin. ;)

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