dimanche 22 mars 2015

L'Hiver s'enfuira-t-il ?

Cela faisait maintenant trois mois que l'Hiver était arrivé. De simple fraîcheur encore automnale, la météo avait tourné rapidement à la dure morsure du givre. Chaque jour se levait avec des brins d'herbe pétrifiés dans de dures gangues cristallines. Chaque jour se terminait avec les grelottements des habitants rentrant chez eux. La consommation de gaz de ville n'en finissait plus de grimper. Le bois de chauffe vint même à manquer. Le gibier se fit de plus en plus rare avec les semaines, les chasseurs trouvant chaque jour davantage de chevreuils morts de froid, gangrénés jusqu'à l'os.
Les chiens des villes et villages disparaissaient mystérieusement. Certains étaient retrouvés en piteux état, victimes d'assauts inexpliqués. Les chats eux-même en venaient à ronger le carton, de concert avec leurs derniers rongeurs, trop faméliques pour faire ne serait-ce qu'une bouchée. Progressivement, le givre s'était installé aux fenêtres de chaque maison, de chaque appartement. Il était devenu coutumier en moins d'un mois de ce régime, de porter manteaux et écharpes jusque dans les lits. Seuls les plus fortunés se chauffaient encore au gaz. Les autres accumulaient épaisseurs sur épaisseurs de vêtements.
Lorsque les derniers moteurs de véhicules tombèrent en rade, la ville et ses villages alentour se trouvèrent démunis de toutes ressources, y compris des derniers aliments qui acceptaient de pousser par ce temps rude.
La situation devenait préoccupante, d'autant que la neige avait durablement bloqué tous les accès autour de la cité. Le maire et le préfet étaient sur le point de déclencher la loi martiale quand elle arriva.
D'abord timide, elle réchauffa les cœurs et les âmes. Sa présence redonna un semblant de vie aux alentours. Petit à petit, les habitants des environs vinrent se blottir contre elle, humains comme animaux et végétaux. Les oiseaux revinrent progressivement habiter les nids qu'ils avaient tristement abandonnés au début de l'Hiver et, à la fin du troisième mois, les survivants eurent le plaisir d'entendre des chants depuis longtemps oubliés. Les bêtes sauvages restantes recommencèrent à manger ce que la Nature leur avait prévu, cessant de consommer l'écorce et le bois des arbres.
Ces derniers luttèrent alors pour leur survie, pansant leurs cicatrices tant bien que mal, ou, décédant, pourrirent rapidement, donnant leur essence pour la pérennité de leurs voisins. Les gens virent reverdir les feuillus et résineux. L'herbe se remit à pousser.
Et tandis qu'elle continuait à accomplir sa destinée, les gens de la cité des Ducs rirent aux éclats, sentant que leur peine s'adoucissait, que bientôt elle leur annoncerait la nouvelle maintes fois prophétisée et maintes fois reléguée au rang de fable.
Ce fut effectivement le cas. Un vendredi de mars, alors qu'elle s'affairait comme toujours à répandre sa douceur sur les habitants du cru, la cité toute entière se rassembla auprès d'elle, attendant qu'elle leur réponde enfin.
Elle ne leur répondit que par un simple signe. Pointant en direction d'une motte de terre, elle les enjoignit à contempler ce dont ils rêvaient.

Là, issu du terreau enfin fertile, une primevère avait poussé et fleuri. Ainsi la fée Lumière annonça la venue du Printemps. Tandis que le vent tournait au sud et que la chaleur dégelait les derniers cristaux de glace, elle leur sourit silencieusement, illuminant les alentours d'un chatoiement de couleurs comme il leur avait paru ne plus devoir en connaître. Les habitants le surent alors.

L'Hiver était fini.

2 commentaires:

  1. Voilà un texte qui fait chaud au coeur !
    Dégusté après une fraîche mais lumineuse journée, il nous donne joie et espoir. Le printemps vient...

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  2. J'ai trouvé pour toi ces petites fleurs merveilleuses et t'en ai rapporté un bouquet ... J'en ai remercié la fée Lumière... Tu as raison, l'hiver est fini...

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