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lundi 8 mai 2017
Plagiat ?
Qu'est-ce qu'un plagiat ?
Voilà la question que je me suis posée ces derniers temps. C'est une question vieille comme les arts, une question qui tourmente l'ensemble des artistes de tous poils depuis l'invention du droit d'auteur.
Des cohortes entières d'artistes se sont déjà plaintes que leur oeuvre se soit retrouvée singée par un vague tâcheron sans talent particulier, essayant d'imiter à bon compte son artiste favori afin d'en récupérer quelque gloriole.
Il faut toutefois se rappeler qu'il n'en fut pas toujours ainsi.
Des peintures célèbres comme La Dernière Cène du Christ se sont vues imitées, recopiées, dupliquées jusqu'à devenir des memes, des œuvres imprégnant l'inconscient collectif, et cela dès la Renaissance.
En vérité le rapport au droit d'auteur était très différent à ces époques; un auteur qui en copiait un autre rendait simplement hommage au génie de celui qu'il copiait, même si le destinataire de l'oeuvre plagiée n'en savait pas grand chose. Cela n'avait aucune importance puisque la notion de plagiat n'existait pour ainsi dire pas.
A notre époque, les choses sont bien sûr radicalement différentes. La multiplication des moyens de communication -au premier rang desquels nous trouvons Internet-, leur célérité incroyable, leur accès facilité à l'ensemble de la planète et la démocratisation de l'expression artistique ne permettent plus de gérer la question du plagiat à la façon Renaissance Italienne.
De nos jours, face au brouhaha médiatique incessant, face au bruit que représente la somme d'information qui nous parvient, il devient hélas impossible de trouver facilement la source d'inspiration d'un artiste...
Pourtant, l'inspiration vient toujours de quelque part, même dans une oeuvre originale.
Tout artiste ne faisant au final que redigérer les diverses influences artistiques et philosophiques qui ont façonné son être, et ainsi tout est plagiat et rien ne l'est parfaitement.
En bref, où commence et où finit le plagiat, là est la question.
Cette question est d'autant plus cruciale qu'elle est complexe. En effet, on peut placer le plagiat à partir de l'instant où une oeuvre artistique reprend à son compte tellement d'éléments de l'oeuvre précédente qu'on ne peut que remarquer l'influence de l'originale.
Oui, mais ce n'est pas le seul critère.
Doit-on ainsi taxer de plagiat les nombreuses fanfictions de Harry Potter et autres littératures jeunesse ? Est-ce qu'un plagiat commence dès l'utilisation de personnages sous copyright, ou ne commence-t-il vraiment que passé un certain seuil de popularité ? A moins que ce ne soit la légitimité du médium utilisé qui fasse le plagiat. Et dans ce cas, nous sommes en pleine subjectivité.
Le critère central qui met à peu près l'ensemble des artistes d'accord, c'est la volonté de faire passer pour originale et personnelle une oeuvre qui ne l'est pas. Cette volonté permet de différencier le plagiat du pastiche - ainsi que de la fanfiction.
Je songeais à cela alors que je découvrais l'exposition Regards à la Halle au Blé d'Alençon et que j'examinais une série présentée par un des photographes exposés, Thibaud Derien, consistant en un plan frontal d'une véritable collection de devantures abandonnées et usées de commerces des années 60, du boucher au photographe en passant par le coiffeur et la boulangerie.
Cette série m'aura tant fasciné que j'eus l'idée d'essayer à ma manière de m'approprier son idée, idée dont vous voyez plus haut un exemple : une façade d'entrée d'un bâtiment abandonné ou usé par le temps.
Sans doute cette idée aura déjà été exploitée sous cette forme-là par ailleurs (on ne peut guère dire qu'elle brille par son originalité), mais le fait d'avoir vu cette exposition Regards fait-elle de moi un copieur et de cette photo un plagiat éhonté ?
Tout photographe progresse aux dépens de ceux qui le précèdent. Cette leçon que j'ai tardivement retenue vaut bien un fromage, sans doute. Pourtant c'est un fait; on ne progresse vraiment qu'en copiant les autres, qu'en les singeant. Ce n'est pas vrai qu'en art. Tous les parents vous le diront : même les enfants "plagient" leurs adultes préférés pour grandir et s'approprier le monde qui les entoure.
L'imitation, la copie, ne devient-elle donc péché artistique grave qu'au jour où l'imitateur se vante d'être devenu un adulte à part entière ?
...Et si au final, tout artiste devait commencer par plagier avant de créer ?
jeudi 24 mars 2016
Histoire d'une trahison...
Vous vous demandez sans doute ce que je représente, ou plutôt qui je représente. À dire vrai, je suis assez heureux de voir que quelques badauds s'intéressent encore aux ornementations des vieilles bâtisses. Mais je vous sais impatients d'écouter mon histoire. Ne perdons pas de temps.
Jadis j'étais Girolamo Luigi Ferruccio Luzzaschi, jeune frère du fameux Luzzasco Luzzaschi, un organiste comme on n'en compte guère qu'un par siècle, et encore.
Nous étions jeunes, mon frère et moi et aurions pu mener une vie discrète mais heureuse... C'était sans compter l'ambition démesurée de Luzzasco.
Ce grand dadais prétendait devenir un jour le plus grand organiste et madrigaliste de son époque mais ne cessait d'essuyer échec sur échec. Je me souviendrai toujours de cette réception mémorable où il fit une suite de huit fausses notes sur les grandes orgues de la Cathédrale Saint-Georges de Ferrara devant une assistance composée d'illustres musiciens et du non moins important duc Alphonse II, pourtant crucial pour son avenir.
Il me vient en mémoire tellement de gaffes de sa part, toutes plus absurdes les unes que les autres qu'il était vite devenu la risée de Ferrara.
Un soir, pourtant, il vint me proposer un voyage qui allait changer, disait-il, nos vies à jamais. Je l'entends encore me parler d'une sainte femme dans le duché de Normandie, capable d'intercession afin de le doter, lui, du talent qu'il méritait et moi d'une longue vie, à l'abri du besoin et des affections propres aux déboires amoureux. Ce faux frère savait à qui il s'adressait, et comment. Par un mélange de défaite sentimentale et d'arrogance toute maligne, j'accédai à sa demande, et nous entamâmes un long voyage d'un an dans le doux pays de France jusqu'au terme de notre voyage, au sein d'une forêt nommée Écouves.
Pourtant, au moment de pénétrer une sombre parcelle marécageuse, à peine balisée par un chemin barré de ronces, je le perdis de vue une seconde. Une seconde fatale. Un coup sec au niveau du crâne me fit perdre connaissance. Ce bougre devait avoir préparé son coup depuis un moment.
Quand je repris connaissance, j'étais ligoté à un saule... Ou plus exactement, les racines de cet odieux arbre étaient comme enroulées autour de mon corps, me condamnant à l'immobilité totale.
Mes vêtements avaient été arrachés, et mis à part un linge négligemment posé sur mon intimité, seules se voyaient une série de signes cabalistiques tracés à l'encre sur des frusques grotesques et bariolées.
La situation devint insoutenable quand j'entendis la voix du Saule. Sombres incantations sataniques...
Murmures et malédictions mélangées. Je crus devenir fou et ne vis que trop tard la vase m'entourer de plus en plus à mesure que je m'y enfonçais. Ma dernière sensation en tant qu'être humain fut le goût âcre et lourd de cette glaise qui m'envahissait. Puis je sombrai...
Je fus réveillé par les coups de burin d'un ouvrier sur ma face. Toute douleur avait disparu de mon être, je me sentais léger et éternel... Aussi éternel que l'on puisse en juger à présent.
Le décor de mon éveil avait totalement été bouleversé. Nous avions bien sûr fait une longue halte dans la cité d'Alençon, proche de la forêt d'Écouves... Pourtant ce n'était pas la cité de mon souvenir. Les bâtiments, les accoutrements de ses habitants, leurs outils, leur langage... Sorcellerie ou long sommeil, ce qui était sûr c'est que le temps s'était écoulé durant mon sommeil de fer.
Puis, je sombrai à nouveau.
Je fis ainsi plusieurs bonds à travers les époques. J'appris petit à petit les événements du passé au contact des chats, pigeons et corneilles. J'appris à communiquer a minima avec les quelques créatures sensibles des environs.
Et voici que vous me réveillez d'un autre long sommeil. J'apprécie cette rencontre messires.
J'en appelle maintenant à vous, car après tout, tout enchantement doit cesser, tôt ou tard.Voyez-vous, ni les chats, ni les pigeons ni les corneilles n'ont su répondre à une question qui me hante depuis maintenant une éternité :
Depuis combien de temps suis-je ici ? Combien de temps souffrirai-je encore à cette porte ?
mercredi 16 décembre 2015
Conciliabule à Goult...
Une semaine plus tôt, j'avais reçu un curieux courriel, signé d'un sibyllin "B.", au contenu surprenant. En effet l'adresse de l'expéditeur était une de celles que d'obscurs pirates informatiques se refilent sous le manteau afin d'accomplir leurs basses œuvres de chapeaux noirs. Or ce "B." me connaissait de toute évidence, alors même que le milieu des pirates informatiques ne pouvait me connaître ni de près ni de loin.
Tout à mes réflexions, je relisais une fois de plus le contenu de ce courriel, devant le lieu du rendez-vous fixé ce mardi 15 à 16h sonnantes. Quel hurluberlu irait se ficher dans un endroit pareil ? La chapelle de Goult n'était clairement pas un endroit habituel pour un "hacker".
Monsieur Gilles,
Nous nous sommes rencontrés durant le mois d'Octobre. Comme convenu, je vous adresse rendez-vous en la chapelle de Goult mardi prochain à 16h précises. Entrez seul et asseyez-vous sur le premier banc à droite. J'ai besoin de m'entretenir avec vous dans un lieu discret.
Sincères Salutations,
B.
Fermant prestement l'application Gmail de mon smartphone, je poussai la lourde porte de bois de la chapelle et entrai d'un pas hésitant dans la pénombre.
Je ne vis sur l'instant personne, mais en m'asseyant à l'endroit indiqué, je fus surpris de sentir dans mon cou le souffle aviné de quelqu'un...
... Bruno.
- Bonjour, monsieur Gilles. Je vois que vous êtes à l'heure, c'est bien. Je crains que nous n'ayons pas eu le temps de nous entretenir suffisamment longtemps lors de notre dernière rencontre... Et j'ai deux choses pour vous : un service rendu et un service à rendre.
Se relevant, Bruno vint s'asseoir tout à côté de moi, d'un air décontracté et néanmoins... étrange.
- Que voulez-vous ? Vous... Vous n'êtes pas un homme normal, n'est-ce pas ?
- Peu importe qui je suis, monsieur Gilles. L'important c'est que je puis vous aider, et que vous pouvez m'aider. Car, voyez-vous, les rumeurs circulent vite dans les environs. Je sais de quel mal vous êtes atteint depuis votre prime enfance. Je connais le moyen de vous en délivrer... Si vous daignez me rendre un tout petit service. Trois fois rien, et néanmoins beaucoup pour moi.
- Qu'est-ce qui me dit que vous pouvez m'ôter cet enchantement ? Depuis des centaines d'années de vie sur cette terre, personne n'a su me désenvoûter... Et je ne suis d'ailleurs pas sûr de vouloir m'en séparer, vu les nombreuses occasions où cet enchantement m'a été utile.
- Ah, monsieur Gilles, si ce n'est que cela, je puis simplement rendre cet...enchantement plus discret. Il est important pour votre propre survie qu'il le soit, car vous le savez... L'hiver vient.
Vous ne souhaitez tout de même pas affronter toute la puissance déchaînée de l'hiver sur votre petite personne ? Et je ne vous parle pas de ce qui arriverait à votre chat.
À ces mots, un courant d'air aigre et glacial hurla à travers l’entrebâillement de la porte, accompagné par le grincement des gonds millénaires qui la soutenaient.
- L'hiver vient... Avec lui s'éveillera Njörd, n'est-ce pas ? ...Je crains d'être embarqué dans une histoire qui me dépasse... Et j'entrevois un mythe derrière votre masque. Que voulez-vous ?
- Rien de bien difficile pour un être aussi puissant que vous, Gilles, vous vous en doutez.
Je souhaite simplement que vous alliez libérer chez un de vos amis du village de Radon deux boucs qui sont chers à un de mes fils. Je les ai égarés il y a longtemps et maintenant qu'ils ont refait surface, je n'aspire qu'à les lui rendre... Mais je redoute d'approcher d'Écouves en ce moment; depuis cette histoire de bête affamée, j'y suis pratiquement persona non grata. Faites attention, vous aussi, tout de même... Il ne fera pas bon rôder par ici demain.
- Je n'aime guère être votre pantin, Bruno... J'ose espérer que vous ne me filouterez pas le moment venu. Je pourrais moi aussi avoir une botte secrète qui vous est réservée.
- Gilles, voyons... Ceci est important pour vous, mais vital pour moi... Et pour ma famille. Vous ne le regretterez pas. Je le jure sur mon petit Gami.
Pensifs, nous regardions ensemble le vent qui faisait trembler les vitraux de l'endroit... A quoi allais-je devoir m'attendre ?
Bruno se tourna vers moi et, prenant mon bras, me chuchota sur un ton angoissé :
- Gilles, faites vite, car n'oubliez pas : l'hiver est proche !
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