mercredi 16 décembre 2015

Conciliabule à Goult...


Une semaine plus tôt, j'avais reçu un curieux courriel, signé d'un sibyllin "B.", au contenu surprenant. En effet l'adresse de l'expéditeur était une de celles que d'obscurs pirates informatiques se refilent sous le manteau afin d'accomplir leurs basses œuvres de chapeaux noirs. Or ce "B." me connaissait de toute évidence, alors même que le milieu des pirates informatiques ne pouvait me connaître ni de près ni de loin.
Tout à mes réflexions, je relisais une fois de plus le contenu de ce courriel, devant le lieu du rendez-vous fixé ce mardi 15 à 16h sonnantes. Quel hurluberlu irait se ficher dans un endroit pareil ? La chapelle de Goult n'était clairement pas un endroit habituel pour un "hacker".

Monsieur Gilles,

Nous nous sommes rencontrés durant le mois d'Octobre. Comme convenu, je vous adresse rendez-vous en la chapelle de Goult mardi prochain à 16h précises. Entrez seul et asseyez-vous sur le premier banc à droite. J'ai besoin de m'entretenir avec vous dans un lieu discret.

Sincères Salutations,
B.

Fermant prestement l'application Gmail de mon smartphone, je poussai la lourde porte de bois de la chapelle et entrai d'un pas hésitant dans la pénombre.
Je ne vis sur l'instant personne, mais en m'asseyant à l'endroit indiqué, je fus surpris de sentir dans mon cou le souffle aviné de quelqu'un...

... Bruno.

- Bonjour, monsieur Gilles. Je vois que vous êtes à l'heure, c'est bien. Je crains que nous n'ayons pas eu le temps de nous entretenir suffisamment longtemps lors de notre dernière rencontre... Et j'ai deux choses pour vous : un service rendu et un service à rendre. 

Se relevant, Bruno vint s'asseoir tout à côté de moi, d'un air décontracté et néanmoins... étrange.


- Que voulez-vous ? Vous... Vous n'êtes pas un homme normal, n'est-ce pas ?

- Peu importe qui je suis, monsieur Gilles. L'important c'est que je puis vous aider, et que vous pouvez m'aider. Car, voyez-vous, les rumeurs circulent vite dans les environs. Je sais de quel mal vous êtes atteint depuis votre prime enfance. Je connais le moyen de vous en délivrer... Si vous daignez me rendre un tout petit service. Trois fois rien, et néanmoins beaucoup pour moi.


- Qu'est-ce qui me dit que vous pouvez m'ôter cet enchantement ? Depuis des centaines d'années de vie sur cette terre, personne n'a su me désenvoûter... Et je ne suis d'ailleurs pas sûr de vouloir m'en séparer, vu les nombreuses occasions où cet enchantement m'a été utile.


- Ah, monsieur Gilles, si ce n'est que cela, je puis simplement rendre cet...enchantement plus discret. Il est important pour votre propre survie qu'il le soit, car vous le savez... L'hiver vient.
Vous ne souhaitez tout de même pas affronter toute la puissance déchaînée de l'hiver sur votre petite personne ? Et je ne vous parle pas de ce qui arriverait à votre chat.

À ces mots, un courant d'air aigre et glacial hurla à travers l’entrebâillement de la porte, accompagné par le grincement des gonds millénaires qui la soutenaient.


- L'hiver vient... Avec lui s'éveillera Njörd, n'est-ce pas ? ...Je crains d'être embarqué dans une histoire qui me dépasse... Et j'entrevois un mythe derrière votre masque. Que voulez-vous ?



- Rien de bien difficile pour un être aussi puissant que vous, Gilles, vous vous en doutez.
Je souhaite simplement que vous alliez libérer chez un de vos amis du village de Radon deux boucs qui sont chers à un de mes fils. Je les ai égarés il y a longtemps et maintenant qu'ils ont refait surface, je n'aspire qu'à les lui rendre... Mais je redoute d'approcher d'Écouves en ce moment; depuis cette histoire de bête affamée, j'y suis pratiquement persona non grata. Faites attention, vous aussi, tout de même... Il ne fera pas bon rôder par ici demain.


- Je n'aime guère être votre pantin, Bruno... J'ose espérer que vous ne me filouterez pas le moment venu. Je pourrais moi aussi avoir une botte secrète qui vous est réservée.


- Gilles, voyons... Ceci est important pour vous, mais vital pour moi... Et pour ma famille. Vous ne le regretterez pas. Je le jure sur mon petit Gami.


Pensifs, nous regardions ensemble le vent qui faisait trembler les vitraux de l'endroit... A quoi allais-je devoir m'attendre ?

Bruno se tourna vers moi et, prenant mon bras, me chuchota sur un ton angoissé :


- Gilles, faites vite, car n'oubliez pas : l'hiver est proche !

1 commentaire: