lundi 24 avril 2017

R.G.


Nos chemins se sont rejoints il y a maintenant fort longtemps...
Lui était en 5e, et moi en 3e. Nous n'avions pourtant qu'à peine 8 mois d'écart, mais le hasard des dates de naissance, les choix de filière et les redoublements ne nous permirent jamais de nous retrouver ensemble dans la même classe.

Nous n'étions à l'époque que deux adolescents aux profils très singuliers à l'intérieur d'un petit groupe de geeks qui s'était soudé autour de son talent très prononcé pour le dessin et les arts en général.
Pièce rapportée par un camarade de classe, je ne puis prétendre avoir été son ami dès cette année.
Il fallut attendre une année entière de fréquentation assidue à chaque récréation, la séparation du groupe à l'occasion du temps du lycée et de nombreuses conversations le soir venu sur Microsoft Messenger - le fameux MSN de nos années perdues - pour qu'enfin nous nous parlions régulièrement, avec une vraie cordialité.
Nous datons le début de notre amitié par le jour de notre rencontre, il y a de cela plus de treize ans, mais ce fut précisément au bout de la seconde année de lycée, soit deux ans plus tard, que notre amitié se scella dans l'adversité et la solidarité.

Peu d'adolescents peuvent se vanter d'avoir une vie idyllique. En réalité, sa vie à lui était largement aussi mouvementée que la mienne, sans doute même bien plus.
Pourtant cela ne l'empêchait pas, alors que ma santé se dégradait, de venir me faire prendre l'air plusieurs soirs par semaine sur un banc au niveau des Réservoirs, où il me parlait de sa vie, de ses rêves, de ses envies et de ses difficultés pendant parfois plusieurs heures sans rien attendre en retour que mon écoute distraite. A cette époque, il avait déjà compris les tourments qui me traversaient, sans pour autant me considérer comme un impotent. Il se contentait de m'aider, me faisait prendre l'air, arrachant parfois quelques phrases de mes douloureuses rêveries, m'attendait à la sortie des cours ou pendant les récréations et, inlassablement restait à mes côtés.

Aujourd'hui encore, je me demande comment il a bien pu tenir les deux années de Première Scientifique, les deux années les plus difficiles de mon parcours jusqu'alors, sans se lasser.

Une partie de la réponse tient bien sûr dans la solitude; lui aussi savait ce que cela faisait d'être seul à l'école et puisque ma réputation était celle d'un type bizarre, il s'est spontanément rapproché de moi, me connaissant déjà un peu, et a, semble-t-il, trouvé un être avec qui il partageait des points communs.


Des points communs, à présent nous en avons. Beaucoup. Les années ont eu le temps de passer. J'ai presque 28 ans à présent, et je n'en avais que 14 quand nos chemins se rencontrèrent. Treize années d'amitié commune laissent des traces; nous partageons des références  humoristiques, culturelles, musicales, avons deux activités communes qui nous relient; la photographie et la marche à pied.
En presque 14 années d'amitié, nous nous sommes vus l'un et l'autre dans les états les plus difficiles possibles, mais au nom de notre amitié nous sommes toujours restés fidèles l'un à l'autre... Nous étant construits ensemble, ayant grandi ensemble, nous avons su ne jamais perdre de vue l'importance de notre relation, même quand cet intrépide aventurier s'embarquait pour trois mois au Canada, dans une histoire d'amour que seuls les jeunes esprits peuvent imaginer.



Nombreux sont ceux qui, à nous voir, nous entendre parler de l'un et de l'autre, pourraient supposer que des liens amoureux aient pu se glisser dans notre relation.
Ce ne serait pas tout à fait faux; cet amour est celui de deux frères qui se seraient trouvés après avoir erré des années seuls... Il le répète assez souvent : bien qu'étant en couple avec une dulcinée, il me considère souvent comme "l'homme de sa vie", tout comme de mon côté j'avoue avoir trouvé un frère en lui.


Les amitiés peuvent se distendre, se détruire même. Deux grands amis peuvent finir par se brouiller ou ne plus se reconnaître en l'autre. Pourtant, lui comme moi nous prenons toujours à rêver être encore les meilleurs amis du monde à l'âge de la retraite.
Toutefois, nos parcours singuliers font qu'aujourd'hui encore, à l'approche de nos quatorze ans révolus d'amitié, nous avons confiance dans le fait que nos pas retentiront de concert dans les environs pour encore de longues années...

2 commentaires:

  1. Belle histoire que la vôtre.
    Vous ne méritiez pas une jeunesse si difficile mais vous méritez votre amitié qui fut un indispensable fanal quand la navigation était périlleuse.

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  2. Très belle histoire...émouvante....mais n'ayez aucun regret , votre amitié est, sans aucun doute, indéfectible et saura se jouer des aléas de la vie.

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