dimanche 19 février 2017

Quelques instants au cœur du passé...



Le Temps est une chose mystérieuse, puissante... Et dès qu'on y touche, dangereuse !

Ces paroles sibyllines, prononcées jadis par un des mages les plus puissants du monde libre, résonnaient à présent dans l'esprit de la jeune Orphélie. Plus de vingt ans s'étaient écoulés depuis le jour où sa mère avait ouvert la voie à la manipulation illimitée du Temps. Plus de vingt ans s'étaient aussi écoulés depuis le jour où sa mère avait également détruit presque tout espoir pour l'Humanité de remonter le cours des événements.
A présent, Orphélie était sur le point de réussir.

Caché dans les étages condamnés d'une poste centrale, en France, un complexe mécanisme combinant électro-sortilèges, rouages rouillés et alignements planétaires subtils était relié à une vieille horloge, égrainant lentement les minutes et les heures pour les heureux inconscients qui arpentaient les rues de la ville en contrebas.
Orphélie, couverte de bleus, de brûlures magiques, d'un peu de cambouis et de beaucoup trop de poussières de calcaire, émergea des tréfonds de sa machine temporelle en rampant. Les derniers réglages étaient finis.

S'apprêtant à démarrer son premier voyage dans le passé, Orphélie éternua une fois, deux fois.
Des quantités astronomiques de fines particules poussiéreuses s'élevèrent soudain, retombant lentement au sol. Tant d'efforts pendant tant d'années, dans la clandestinité et le rejet de tous, pensa-t-elle. Il est grand temps de rééquilibrer la balance.

Pointant sa baguette vers un cristal chatoyant au cœur de la machine, elle lança d'une voix claire son incantation :

Reverso Momentum !

Le cristal de focalisation vibra, chanta, commença à enclencher le mécanisme raffiné qu'il devait alimenter... Hasard d'un élément mal fixé ? Erreur de conception ? Soudain, un bruit sourd se fit entendre à l'intérieur de l'horloge. Le cristal vibra de plus belle, puis une fissure, deux, et même trois autres apparurent. Orphélie se précipita un instant trop tard. Une explosion magique se fit ressentir, des volutes immenses de poudre de pierre calcaire s'élevèrent dans les combles...

Et tout se figea en un instant.

Un silence de mort s'abattit sur la ville. Par un interstice, Orphélie ne vit au-dehors que rues vides et nuages immobiles. Puis, lentement, quelque chose approchait. Une ombre noire, dans un fracas de pierre, de métal et de plastique aspirait les maisons, les immeubles, les voitures vides, les pavés de pierre et semblait même dévorer les cumulus.

Orphélie se pétrifia de terreur, comprenant bien trop tardivement ce qui allait lui arriver. Ce que ce nuage était, cette légende à laquelle trop peu de voyageurs temporels, jadis, avaient pu échapper. Cette chose qui aspirait le passé au fur et à mesure de la progression du présent...
Cette chose que sa machine était censée fuir.


Le Mangeur Temporel l'avait rattrapée.

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