lundi 28 septembre 2015
L'ombre est sur vous ! La fin a sonné...
Le temps est écoulé, enfants de Hùrin...
Le vent rapporte le vacarme des combats.
Les figures des Valar ont été mises à bas.
Un faux héros se lève, son nom est Draugluin.
Attendrez-vous que vienne votre frère Tùrin ?
Regardez dans ce puits, il vous attend en contrebas !
Regardez ici, le voici qui danse avec Melkor le sabbat !
Le rejoindrez-vous dans ses folies luciférines ?
Voyez ! Les ténèbres s'avancent ! Yavanna recule !
Voyez ! Morgoth s'approche ! L'équilibre bascule !
Sauverez-vous ce qui peut être sauvé ?
Vos royaumes humains sont en très grand péril !
Bientôt s'éteindra la lueur du dernier Silmaril !
Agissez ! Avant que votre temps ne soit achevé !
jeudi 24 septembre 2015
La légende du Croquemitaines...
Il y a très longtemps, à une époque si lointaine que même votre grand-père n'était pas né, dans ce beau pays de France, vivaient des monstres terribles.
Affamés insatiables de chair tendre qu'ils assaisonnaient de diverses épices, ces monstres vivaient sous l'Astre Maudit, alors que tous les gentils enfants dormaient.
Régulièrement, notre peuple trouvait ses ouvriers, ses chasseurs, ses femmes, et même ses enfants brûlés au troisième degré. Morts. C'était alors une terrible époque pour nous autres à ce qu'on en dit, mes chers neveux... Car ces monstres vouaient une haine féroce à notre peuple Glog.
Leur haine allait croissant de jour en jour à l'aube du XXIe siècle, jusqu'à incendier des forêts entières où, de réputation, nous nous trouvions. Certains eurent même peur de la simple aubépine qui donna notre nom. Peurs de primitifs à peine civilisés.
Un jour, notre Grand Roi Mihnea Ier eut assez de nos persécutions incessantes et totales.
La guerre démarra.
Il y eut de nombreuses batailles. Et chaque bataille engendrait de nouvelles tristesses, de nouvelles persécutions. Jusqu'au jour où notre héros national, Gabriel Belmont, fit cesser une fois pour toutes cette mascarade. À lui seul, mes enfants... À lui seul, il repoussa les armées d'Europe, toutes liguées contre nous, nous rassembla et nous mena à la victoire.
Nous aurions pu croire que le peuple Franc allait accepter sa reddition, mais il apparut bien vite que, malgré leur défaite cuisante en 2109, aucun d'eux n'allait cesser le combat.
C'est ainsi qu'au cours des siècles suivants, le peuple Franc survécut encore difficilement dans les clairières les plus isolées qu'il avait tenté de brûler jadis et, inlassablement, guerroyait contre notre peuple. Nous leur fîmes une traque constante, cherchant toujours à préserver la paix dans le pays et essayant de négocier avec les plus modérés d'eux. Rien n'y faisait. Au début du XXIVe siècle, il ne restait plus que deux communautés de Francs sur ces terres. Les anciens Wisigoths, Ostrogoths, Latins et Slaves étaient eux aussi en pleine déconfiture. Ces peuples étaient pour ainsi dire finis.
À présent, moi qui vous parle, mes chers neveux, il ne reste plus de Francs sur ces terres...
... Plus aucun, à part celui que l'on nomme "le Croquemitaines". Je sais que vous avez déjà entendu cette histoire. Oh, guère plus qu'un homme sur le déclin diront les sages. Guère une menace.
Mais il est là, quelque part sur les terres des Normands...
On dit que, les quelques jours suivant le premier Septembre, il parcourt encore et toujours les voies de fer que son peuple avait jadis bâties... Et ces jours-là, il ne fait pas bon être assoupi, car quiconque n'aurait pas accroché une branche d'échalote à son cercueil ne verrait pas la prochaine Lune se lever...
Ses pieux sont faits d'os de Glog, sa boisson est une eau maudite par le Père Solaire lui-même, sa nourriture est faite d'animaux brûlés vifs et l'Astre Maudit brille toujours sur son chemin...
Méfiez-vous, mes chers neveux... Méfiez-vous du Croquemitaines...
Affamés insatiables de chair tendre qu'ils assaisonnaient de diverses épices, ces monstres vivaient sous l'Astre Maudit, alors que tous les gentils enfants dormaient.
Régulièrement, notre peuple trouvait ses ouvriers, ses chasseurs, ses femmes, et même ses enfants brûlés au troisième degré. Morts. C'était alors une terrible époque pour nous autres à ce qu'on en dit, mes chers neveux... Car ces monstres vouaient une haine féroce à notre peuple Glog.
Leur haine allait croissant de jour en jour à l'aube du XXIe siècle, jusqu'à incendier des forêts entières où, de réputation, nous nous trouvions. Certains eurent même peur de la simple aubépine qui donna notre nom. Peurs de primitifs à peine civilisés.
Un jour, notre Grand Roi Mihnea Ier eut assez de nos persécutions incessantes et totales.
La guerre démarra.
Il y eut de nombreuses batailles. Et chaque bataille engendrait de nouvelles tristesses, de nouvelles persécutions. Jusqu'au jour où notre héros national, Gabriel Belmont, fit cesser une fois pour toutes cette mascarade. À lui seul, mes enfants... À lui seul, il repoussa les armées d'Europe, toutes liguées contre nous, nous rassembla et nous mena à la victoire.
Nous aurions pu croire que le peuple Franc allait accepter sa reddition, mais il apparut bien vite que, malgré leur défaite cuisante en 2109, aucun d'eux n'allait cesser le combat.
C'est ainsi qu'au cours des siècles suivants, le peuple Franc survécut encore difficilement dans les clairières les plus isolées qu'il avait tenté de brûler jadis et, inlassablement, guerroyait contre notre peuple. Nous leur fîmes une traque constante, cherchant toujours à préserver la paix dans le pays et essayant de négocier avec les plus modérés d'eux. Rien n'y faisait. Au début du XXIVe siècle, il ne restait plus que deux communautés de Francs sur ces terres. Les anciens Wisigoths, Ostrogoths, Latins et Slaves étaient eux aussi en pleine déconfiture. Ces peuples étaient pour ainsi dire finis.
À présent, moi qui vous parle, mes chers neveux, il ne reste plus de Francs sur ces terres...
... Plus aucun, à part celui que l'on nomme "le Croquemitaines". Je sais que vous avez déjà entendu cette histoire. Oh, guère plus qu'un homme sur le déclin diront les sages. Guère une menace.
Mais il est là, quelque part sur les terres des Normands...
On dit que, les quelques jours suivant le premier Septembre, il parcourt encore et toujours les voies de fer que son peuple avait jadis bâties... Et ces jours-là, il ne fait pas bon être assoupi, car quiconque n'aurait pas accroché une branche d'échalote à son cercueil ne verrait pas la prochaine Lune se lever...
Ses pieux sont faits d'os de Glog, sa boisson est une eau maudite par le Père Solaire lui-même, sa nourriture est faite d'animaux brûlés vifs et l'Astre Maudit brille toujours sur son chemin...
Méfiez-vous, mes chers neveux... Méfiez-vous du Croquemitaines...
dimanche 20 septembre 2015
Vi veri universum vivus vici...
Bien qu'ayant glosé à outrance sur l'absurdité et l'attitude quelque peu néocolonialiste derrière la présence de certains bouddhas se retrouvant jusque chez cette mienne mère-grand collectionneuse de bibelots devant l’Éternel (souvenez-vous, c'était il y a peu.), avec également un zeste de mauvaise foi et probablement beaucoup de préjugés de classe au sujet des premiers et plus grands "consommateurs" de bouddhisme et de développement personnel en France, bien qu'ayant apparemment tout dit et peut-être même trop dit du fond de ma pensée à ce sujet, bien qu'après tout il est un droit inaliénable que d'avoir des goûts philosophiques et une vision du monde qui ne soient point en accord avec les miens, bien que je sois persuadé d'être investi de la vérité divine sur l'ensemble des sujets que j'aborde, comme tout français qui se respecte et enfin bien que cette phrase soit beaucoup trop longue... (prenez le temps de respirer un coup, c'est presque fini), il me reste apparemment encore deux ou trois choses à dire sur ces bouddhas et sur cette philosophie bouddhiste qui semblent irrémédiablement conquérir aussi bien le cœur de mes compatriotes que leurs intérieurs, et particulièrement leurs salons.
Car au fond... Que nous dit véritablement un bouddha tel que celui-ci que vous voyez en photo ?
Ce qu'il nous dit, je gagerais, c'est la nécessité de se retrouver soi-même, c'est même le besoin de se retrouver, d'être à nouveau "authentique", mais plus encore...
... C'est de réussir à accomplir ce que tout philosophe depuis Socrate s'acharne à faire, ce qui prouve bien qu'au fond toute philosophie correctement conduite s'accorde avec n'importe quelle autre philosophie sur l'essentiel.
Ce qui se résume en deux mots en grec ancien, et en quatre en français moderne :
Connais-toi toi-même.
Ou pour les hellénistes érudits :
Γνῶθι σεαυτόν (Gnỗthi seautόn).
Car en effet, à quoi invite toute philosophie voire toute religion, sinon à cette ultime conquête intellectuelle, philosophique et spirituelle gravée au fronton du temple de Delphes ?
Quelle autre conquête peut donc être plus noble ? Quel autre combat peut donc être plus difficile et plus acharné ?
Et pourtant...
Pourtant malgré cette recherche acharnée de soi-même, cette lutte incessante de chaque être pour trouver sa vérité personnelle, doit-on toujours se connaître soi-même ? Le peut-on ?
Il existe de très nombreuses façons d'atteindre cette vérité individuelle, cette substance originelle de notre personnalité qui semble nous définir plus encore que tous nos actes d'adulte.
La confession, la méditation, la cure psychanalytique, la maïeutique, le voyage onirique... Tant de concepts, tant de méthodes cherchant une vérité ultime, telles des pratiques d'accoucheurs d'esprits.
Mais souhaitons-nous réellement nous connaître nous-mêmes ?
Souhaitons-nous réellement embrasser ce qui fait parfois l'horreur de la condition humaine, l'horreur de la pensée humaine ? Souhaitons-nous véritablement embrasser du regard nos lâchetés et nos indignités, nos peurs et nos préjugés, nos vices et nos folies ?
Cela, les guides autoproclamés qui nous accompagnent sur le chemin obscur de la connaissance de soi-même l'ont bien compris... Sinon, pourquoi le but présenté paraît-il toujours si luisant, si brillant, si étincelant, si lumineux et si pur ?
Mais pourrions-nous seulement soutenir le regard du monstre tapis en nous ?
Pourrions-nous regarder en face nos plus secrets démons ?
Pourrions-nous supporter le regard accusateur de nos souvenirs ?
Pourrions-nous ne serait-ce qu'accepter notre simple animalité ?
Pourrions-nous contempler la Mort en nous qui, chaque jour, s'avance un peu plus ?
Avons-nous réellement envie de nous connaître nous-mêmes ?
... Ou souhaitons-nous simplement vivre heureux en attendant la mort ?
Car au fond... Que nous dit véritablement un bouddha tel que celui-ci que vous voyez en photo ?
Ce qu'il nous dit, je gagerais, c'est la nécessité de se retrouver soi-même, c'est même le besoin de se retrouver, d'être à nouveau "authentique", mais plus encore...
... C'est de réussir à accomplir ce que tout philosophe depuis Socrate s'acharne à faire, ce qui prouve bien qu'au fond toute philosophie correctement conduite s'accorde avec n'importe quelle autre philosophie sur l'essentiel.
Ce qui se résume en deux mots en grec ancien, et en quatre en français moderne :
Connais-toi toi-même.
Ou pour les hellénistes érudits :
Γνῶθι σεαυτόν (Gnỗthi seautόn).
Car en effet, à quoi invite toute philosophie voire toute religion, sinon à cette ultime conquête intellectuelle, philosophique et spirituelle gravée au fronton du temple de Delphes ?
Quelle autre conquête peut donc être plus noble ? Quel autre combat peut donc être plus difficile et plus acharné ?
Et pourtant...
Pourtant malgré cette recherche acharnée de soi-même, cette lutte incessante de chaque être pour trouver sa vérité personnelle, doit-on toujours se connaître soi-même ? Le peut-on ?
Il existe de très nombreuses façons d'atteindre cette vérité individuelle, cette substance originelle de notre personnalité qui semble nous définir plus encore que tous nos actes d'adulte.
La confession, la méditation, la cure psychanalytique, la maïeutique, le voyage onirique... Tant de concepts, tant de méthodes cherchant une vérité ultime, telles des pratiques d'accoucheurs d'esprits.
Mais souhaitons-nous réellement nous connaître nous-mêmes ?
Souhaitons-nous réellement embrasser ce qui fait parfois l'horreur de la condition humaine, l'horreur de la pensée humaine ? Souhaitons-nous véritablement embrasser du regard nos lâchetés et nos indignités, nos peurs et nos préjugés, nos vices et nos folies ?
Cela, les guides autoproclamés qui nous accompagnent sur le chemin obscur de la connaissance de soi-même l'ont bien compris... Sinon, pourquoi le but présenté paraît-il toujours si luisant, si brillant, si étincelant, si lumineux et si pur ?
Mais pourrions-nous seulement soutenir le regard du monstre tapis en nous ?
Pourrions-nous regarder en face nos plus secrets démons ?
Pourrions-nous supporter le regard accusateur de nos souvenirs ?
Pourrions-nous ne serait-ce qu'accepter notre simple animalité ?
Pourrions-nous contempler la Mort en nous qui, chaque jour, s'avance un peu plus ?
Avons-nous réellement envie de nous connaître nous-mêmes ?
... Ou souhaitons-nous simplement vivre heureux en attendant la mort ?
mercredi 16 septembre 2015
La magie coule dans l'eau...
Vous savez, il est encore très peu de choses que je vous ai dites sur les secrets des forêts normandes.
En réalité je ne vous en ai encore rien dit si je ne vous ai point expliqué les origines de ces forêts.
Toute forêt naît de l'eau. L'eau qui tombe du ciel comme l'eau qui ruisselle à terre, l'eau qui s'infiltre dans le calcaire comme l'eau qui creuse les hautes montagnes.
Il y a ainsi dans toute forêt de Normandie au moins un cours d'eau plus ancien que la forêt elle-même.
Il y a ainsi dans toute forêt de Normandie une source de vie inépuisable sans laquelle chênes et hêtres, pins sylvestres et épicéas ne s'épanouiraient pas.
Il existe dans les environs de nombreux ruisseaux et rivières, certains aux noms bucoliques, comme celui-ci appelé "la Misère" et qui coule dans la vallée du même nom. D'autres aiment mieux les plaines et la ville, comme cette rivière, trop souvent improprement nommé ruisseau à Alençon, qu'on nomme "la Briante", sans qu'aucun historien ne puisse attester de l'étymologie réelle, étant apparemment sans rapport avec le mot "brillante".
Je pourrais aussi bien vous parler de l'Huisne, paisible cours d'eau du sud de l'Orne, ou de la bien-nommée Vie (sic), traversant la commune de Survie (re-sic) au beau milieu du même département...
Il existe tant de cours d'eau en Normandie, et tant semblent anecdotiques...
Aucun d'eux ne l'est pourtant.
Chargés de la vitalité d'une nature forestière et campagnarde sans cesse renouvelée, ces cours d'eau furent certainement au cœur de nombreux et anciens rituels païens, car enfin, comment expliquer sinon que les plus anciens arbres alimentés par ces eaux lumineuses se mettent, au crépuscule de leur vie naturelle, à murmurer, discuter entre eux... Et même se déplacer ? Comment sinon expliquer la noire corruption de cette fameuse parcelle sauvage d'Écouves la Grande ? Comment, sinon par l'éveil d'un Saule au cœur sombre comme la mort ? Et qui pouvait l'éveiller ? Quelle force mystique pouvait lui donner la force de troubler les âmes innocentes et imprudentes passant dans les parages ?
Je vous le dis de but en blanc : la magie coule à jamais dans les veines du monde que sont les cours d'eau.
Non pas la magie blanche. Encore moins la magie noire. Ni même la magie rouge. Non, la magie dans son aspect et sa nature la plus brute. Cette vitalité naturelle que nous avons tort de classer parmi les maléfices, nous autres xylomanciens, nous qui avons pour charge la paix entre arbres rancuniers et humains naïfs.
Les magies noires, blanches et rouges ne sont, de mon avis de xylomancien expérimenté, que la simple classification humaine opérée à partir de nos réactions et sentiments humains, ou, concernant quelques-uns parmi nous, partiellement humains.
L'hydromancie est en effet la base de notre savoir, celle qui fonde toute magie, et elle se révèle d'une puissance sans commune mesure avec les autres éruditions magiques que j'ai pu pratiquer au cours de nombreux siècles. Comment exprimer simplement ce qu'est la magie de l'eau, sinon comme étant "la magie primordiale" ?
C'est cette magie qui ensorcela le cœur des derniers Elfes en entendant le cri des mouettes.
C'est encore cette magie qui façonna lentement les paysages, leur accordant l'honneur d'habiter la vie.
C'est toujours cette magie qui éveilla certains arbres à la conscience claire de leur environnement.
C'est enfin cette magie qui nous emmènera à travers la Voie Droite vers Valinor quand l'heure viendra pour nous de nous retirer.
Il n'est point de source magique plus puissante qu'une rivière forestière...
Ingole celutar minanindar
En réalité je ne vous en ai encore rien dit si je ne vous ai point expliqué les origines de ces forêts.
Toute forêt naît de l'eau. L'eau qui tombe du ciel comme l'eau qui ruisselle à terre, l'eau qui s'infiltre dans le calcaire comme l'eau qui creuse les hautes montagnes.
Il y a ainsi dans toute forêt de Normandie au moins un cours d'eau plus ancien que la forêt elle-même.
Il y a ainsi dans toute forêt de Normandie une source de vie inépuisable sans laquelle chênes et hêtres, pins sylvestres et épicéas ne s'épanouiraient pas.
Il existe dans les environs de nombreux ruisseaux et rivières, certains aux noms bucoliques, comme celui-ci appelé "la Misère" et qui coule dans la vallée du même nom. D'autres aiment mieux les plaines et la ville, comme cette rivière, trop souvent improprement nommé ruisseau à Alençon, qu'on nomme "la Briante", sans qu'aucun historien ne puisse attester de l'étymologie réelle, étant apparemment sans rapport avec le mot "brillante".
Je pourrais aussi bien vous parler de l'Huisne, paisible cours d'eau du sud de l'Orne, ou de la bien-nommée Vie (sic), traversant la commune de Survie (re-sic) au beau milieu du même département...
Il existe tant de cours d'eau en Normandie, et tant semblent anecdotiques...
Aucun d'eux ne l'est pourtant.
Chargés de la vitalité d'une nature forestière et campagnarde sans cesse renouvelée, ces cours d'eau furent certainement au cœur de nombreux et anciens rituels païens, car enfin, comment expliquer sinon que les plus anciens arbres alimentés par ces eaux lumineuses se mettent, au crépuscule de leur vie naturelle, à murmurer, discuter entre eux... Et même se déplacer ? Comment sinon expliquer la noire corruption de cette fameuse parcelle sauvage d'Écouves la Grande ? Comment, sinon par l'éveil d'un Saule au cœur sombre comme la mort ? Et qui pouvait l'éveiller ? Quelle force mystique pouvait lui donner la force de troubler les âmes innocentes et imprudentes passant dans les parages ?
Je vous le dis de but en blanc : la magie coule à jamais dans les veines du monde que sont les cours d'eau.
Non pas la magie blanche. Encore moins la magie noire. Ni même la magie rouge. Non, la magie dans son aspect et sa nature la plus brute. Cette vitalité naturelle que nous avons tort de classer parmi les maléfices, nous autres xylomanciens, nous qui avons pour charge la paix entre arbres rancuniers et humains naïfs.
Les magies noires, blanches et rouges ne sont, de mon avis de xylomancien expérimenté, que la simple classification humaine opérée à partir de nos réactions et sentiments humains, ou, concernant quelques-uns parmi nous, partiellement humains.
L'hydromancie est en effet la base de notre savoir, celle qui fonde toute magie, et elle se révèle d'une puissance sans commune mesure avec les autres éruditions magiques que j'ai pu pratiquer au cours de nombreux siècles. Comment exprimer simplement ce qu'est la magie de l'eau, sinon comme étant "la magie primordiale" ?
C'est cette magie qui ensorcela le cœur des derniers Elfes en entendant le cri des mouettes.
C'est encore cette magie qui façonna lentement les paysages, leur accordant l'honneur d'habiter la vie.
C'est toujours cette magie qui éveilla certains arbres à la conscience claire de leur environnement.
C'est enfin cette magie qui nous emmènera à travers la Voie Droite vers Valinor quand l'heure viendra pour nous de nous retirer.
Il n'est point de source magique plus puissante qu'une rivière forestière...
Ingole celutar minanindar
samedi 12 septembre 2015
Tout ce qui est or ne brille pas...
Existe-t-il des miroirs plus déformants que ces reflets que nous offrons à la vue de tous, que ce soit sur Internet ou en bonne société ?
Ainsi, un blog comme celui-ci est un miroir redoutablement déformant une fois entre les "bonnes" mains. La maîtrise de la langue est pour ainsi dire l'outil le plus radical pour falsifier son apparence, sa personnalité. Elle est tel un flou artistique ou un miroir convexe : une fois maîtrisée, celle-ci déforme les aspects que l'on souhaite déformer jusqu'à rendre méconnaissable l'auteur, jusqu'à même le masquer derrière de splendides oripeaux aussi factices que séduisants.
Mais qu'en est-il en société ? N'étant guère adepte des soirées mondaines, et même plus proche de l'ours dans sa grotte au fin fond des bois que de tout autre animal, je ne saurais que témoigner du comportement d'autrui en de telles situations.
Au vu de la nécessité de briller, de ne présenter aucune aspérité, de garder les "bonnes convenances" en toutes circonstances, il est évident que la tentation de contrefaire sa personnalité, ses idées et ses envies est grande.
Ainsi l'on voit, dans ces soirées mondaines, des coqs qui caracolent, des paons qui déploient leur roue, de grands félins grondant dans de grandes farandoles... Mais aucune trace de sensibilité, de vulnérabilité ou d'hésitation.
La bonne société n'admet que cela : la force, la volonté, le courage. Valeurs cardinales érigées en impératifs absolus... Au point d'en nier les faiblesses, les fragilités et les sentiments...
Tout ceci est finalement peu différent, sur ce blog. Ici non plus aucune aspérité, seulement le chatoyant et le luisant, caractéristiques communes des lieux où l'apparence compte et des périodes de l'année où vérité et amertume sont à la fois rejetées.
N'est-ce qu'un hasard si plateaux de télévision et sapins de Noël partagent une même passion pour la chatoyance et l'illumination à outrance, jusqu'à ce que certains spectateurs en frisent le malaise ?
Il serait tout à fait pertinent de relever une certaine tendance ignacienne à rejeter les ors et les honneurs, comme s'il s'agissait de souillures en soi, dans le sous-texte de ce billet...
Mais pour reprendre les mots d'un grand auteur catholique du XXe siècle qui n'aurait certes pas rejeté une éducation jésuite :
Tout ce qui est or ne brille pas...
Et s'il est vrai que la contrefaçon des apparences n'est que peu de mon goût (ce qui est certes une façon ironiquement convenue et hypocrite de me présenter sous un jour aussi favorable, vous en conviendrez) et pourtant presque systématiquement une règle que moi-même j'applique en public, quitte à me mentir moi-même...
... Il reste encore la photo pour développer une idée et son opposé.
Car qui croirait au miroir déformant que me tendait cette boule brillante complètement abîmée ?
Même vous qui ignorez mon apparence le voyez clairement : Cette photo ne me montre pas. Elle ne montre que ce que j'ai voulu vous montrer.
Cette image est donc un avertissement face au brillant de ce coin d'internet...
Tout ce qui est or ne brille pas...
Ainsi, un blog comme celui-ci est un miroir redoutablement déformant une fois entre les "bonnes" mains. La maîtrise de la langue est pour ainsi dire l'outil le plus radical pour falsifier son apparence, sa personnalité. Elle est tel un flou artistique ou un miroir convexe : une fois maîtrisée, celle-ci déforme les aspects que l'on souhaite déformer jusqu'à rendre méconnaissable l'auteur, jusqu'à même le masquer derrière de splendides oripeaux aussi factices que séduisants.
Mais qu'en est-il en société ? N'étant guère adepte des soirées mondaines, et même plus proche de l'ours dans sa grotte au fin fond des bois que de tout autre animal, je ne saurais que témoigner du comportement d'autrui en de telles situations.
Au vu de la nécessité de briller, de ne présenter aucune aspérité, de garder les "bonnes convenances" en toutes circonstances, il est évident que la tentation de contrefaire sa personnalité, ses idées et ses envies est grande.
Ainsi l'on voit, dans ces soirées mondaines, des coqs qui caracolent, des paons qui déploient leur roue, de grands félins grondant dans de grandes farandoles... Mais aucune trace de sensibilité, de vulnérabilité ou d'hésitation.
La bonne société n'admet que cela : la force, la volonté, le courage. Valeurs cardinales érigées en impératifs absolus... Au point d'en nier les faiblesses, les fragilités et les sentiments...
Tout ceci est finalement peu différent, sur ce blog. Ici non plus aucune aspérité, seulement le chatoyant et le luisant, caractéristiques communes des lieux où l'apparence compte et des périodes de l'année où vérité et amertume sont à la fois rejetées.
N'est-ce qu'un hasard si plateaux de télévision et sapins de Noël partagent une même passion pour la chatoyance et l'illumination à outrance, jusqu'à ce que certains spectateurs en frisent le malaise ?
Il serait tout à fait pertinent de relever une certaine tendance ignacienne à rejeter les ors et les honneurs, comme s'il s'agissait de souillures en soi, dans le sous-texte de ce billet...
Mais pour reprendre les mots d'un grand auteur catholique du XXe siècle qui n'aurait certes pas rejeté une éducation jésuite :
Tout ce qui est or ne brille pas...
Et s'il est vrai que la contrefaçon des apparences n'est que peu de mon goût (ce qui est certes une façon ironiquement convenue et hypocrite de me présenter sous un jour aussi favorable, vous en conviendrez) et pourtant presque systématiquement une règle que moi-même j'applique en public, quitte à me mentir moi-même...
... Il reste encore la photo pour développer une idée et son opposé.
Car qui croirait au miroir déformant que me tendait cette boule brillante complètement abîmée ?
Même vous qui ignorez mon apparence le voyez clairement : Cette photo ne me montre pas. Elle ne montre que ce que j'ai voulu vous montrer.
Cette image est donc un avertissement face au brillant de ce coin d'internet...
Tout ce qui est or ne brille pas...
mardi 8 septembre 2015
De vert et d'eau...
Alençon est une cité aquatique.
Je sais, cela surprend quand on a déjà eu l'occasion de se rendre dans cette petite préfecture aux confins de la Normandie.
Pourtant, Alençon est bien une cité aquatique.
Coulant au travers de la ville, la rivière Sarthe apporte à ses habitants l'eau nécessaire à leurs douches, leur vaisselle, leur soif et tant d'autres choses.
Mais les alençonnais aiment la Sarthe pour une raison qui leur est propre.
Car Alençon est une ville d'eau.
Flânez un jour de printemps sur les bords de la Sarthe, alors que le Soleil brille et qu'une douce chaleur se répand sur la ville. Posez-vous quelques instants sur un banc et écoutez l'eau.
Longez la Sarthe au niveau de la rue de la Fuie, goûtez aux raisins suspendus au-dessus de votre tête.
Abritez-vous d'une averse dans un des nombreux lavoirs encore présents au bord de l'eau.
Traversez le parc Courbet et l'Arboretum en zone humide, la rivière coulant doucement à votre gauche. Un matin, vous serez surpris de constater que de nombreux lapins aiment à se retrouver dans les hautes herbes dudit arboretum, fuyant comme des ombres à votre vue. Puis, allez à la base de canoë-kayak, sur un chemin de terre ombragé par de beaux saules (toutefois gare à leur malice parfois peu amène)...
Alençon est une ville d'eau et en conséquence de cela, la mairie a entrepris des travaux de mise en valeur de ce patrimoine... Car tous les kayakistes vous le diront... Le visage d'Alençon se transforme depuis la Sarthe.
Il existe en effet de très nombreuses villes miteuses et mourantes comme Alençon. Des villes au passé industriel ou minier. Des villes frappées par la crise et les décisions politiques hasardeuses ou peu soucieuses du destin des petites communes urbaines.
Mais il n'existe finalement que peu de villes dont l'apparence change à ce point à bord d'un kayak. Du gris bétonné triste patché bitume et pavés usés, la ville se révèle à ce qu'elle fut jadis et aurait dû être de nos jours...
...Un joyau aquatique et végétal. Une de ces balades sur l'eau vous dépayserait au point, par moments, de vous faire penser à la Comté hobbite du Professeur Tolkien. Car oui, Alençon est une ville verte, près de l'eau.
Au final, Alençon est tout à fait à l'image de la Normandie. Un joyaux caché derrière une pauvreté grandissante et un délaissement politique et économique général. Une de ces beautés qu'il faut connaître pour pleinement les apprécier.
Alençon n'est guère une ville où passer ses vacances, je le concède fort bien. Ce n'est d'ailleurs qu'à peine une ville où travailler.
Cependant, j'affirme qu'un bon guide du cru, un alençonnais aimant sa ville, saurait vous la faire apprécier comme moi-même je finis par apprécier de parcourir ses rues, loin des clichés d'un office de tourisme concentré presque exclusivement sur le tourisme religieux de Sainte Thérèse et sur la dentelle au point d'Alençon.
Ouvrez l’œil sur les détails cachés au sein des rues, au sein des rives. Et vous verrez qu'en effet...
Alençon est une ville d'eau et de verdure...
Je sais, cela surprend quand on a déjà eu l'occasion de se rendre dans cette petite préfecture aux confins de la Normandie.
Pourtant, Alençon est bien une cité aquatique.
Coulant au travers de la ville, la rivière Sarthe apporte à ses habitants l'eau nécessaire à leurs douches, leur vaisselle, leur soif et tant d'autres choses.
Mais les alençonnais aiment la Sarthe pour une raison qui leur est propre.
Car Alençon est une ville d'eau.
Flânez un jour de printemps sur les bords de la Sarthe, alors que le Soleil brille et qu'une douce chaleur se répand sur la ville. Posez-vous quelques instants sur un banc et écoutez l'eau.
Longez la Sarthe au niveau de la rue de la Fuie, goûtez aux raisins suspendus au-dessus de votre tête.
Abritez-vous d'une averse dans un des nombreux lavoirs encore présents au bord de l'eau.
Traversez le parc Courbet et l'Arboretum en zone humide, la rivière coulant doucement à votre gauche. Un matin, vous serez surpris de constater que de nombreux lapins aiment à se retrouver dans les hautes herbes dudit arboretum, fuyant comme des ombres à votre vue. Puis, allez à la base de canoë-kayak, sur un chemin de terre ombragé par de beaux saules (toutefois gare à leur malice parfois peu amène)...
Alençon est une ville d'eau et en conséquence de cela, la mairie a entrepris des travaux de mise en valeur de ce patrimoine... Car tous les kayakistes vous le diront... Le visage d'Alençon se transforme depuis la Sarthe.
Il existe en effet de très nombreuses villes miteuses et mourantes comme Alençon. Des villes au passé industriel ou minier. Des villes frappées par la crise et les décisions politiques hasardeuses ou peu soucieuses du destin des petites communes urbaines.
Mais il n'existe finalement que peu de villes dont l'apparence change à ce point à bord d'un kayak. Du gris bétonné triste patché bitume et pavés usés, la ville se révèle à ce qu'elle fut jadis et aurait dû être de nos jours...
...Un joyau aquatique et végétal. Une de ces balades sur l'eau vous dépayserait au point, par moments, de vous faire penser à la Comté hobbite du Professeur Tolkien. Car oui, Alençon est une ville verte, près de l'eau.
Au final, Alençon est tout à fait à l'image de la Normandie. Un joyaux caché derrière une pauvreté grandissante et un délaissement politique et économique général. Une de ces beautés qu'il faut connaître pour pleinement les apprécier.
Alençon n'est guère une ville où passer ses vacances, je le concède fort bien. Ce n'est d'ailleurs qu'à peine une ville où travailler.
Cependant, j'affirme qu'un bon guide du cru, un alençonnais aimant sa ville, saurait vous la faire apprécier comme moi-même je finis par apprécier de parcourir ses rues, loin des clichés d'un office de tourisme concentré presque exclusivement sur le tourisme religieux de Sainte Thérèse et sur la dentelle au point d'Alençon.
Ouvrez l’œil sur les détails cachés au sein des rues, au sein des rives. Et vous verrez qu'en effet...
Alençon est une ville d'eau et de verdure...
vendredi 4 septembre 2015
Songes cotonneux...
Nés au fin fond des océans,
Uniques et grands géants,
Allégories de la liberté,
Gullivers aéroportés,
Enfants de la Terre,
Saints fils de l'Air...
.
Cieux estivaux.
Une tortue mange une oie
Entre deux guépards.
雲
mardi 1 septembre 2015
Le bouddha de mère-grand...
"Tu veux le journal, mon chéri ? Il est sur la table !", ainsi m'apostrophait ma grand-mère depuis sa cuisine tandis que je répandais mon regard dans les coins et recoins de son salon, tel un magma particulièrement visqueux, s'accrochant et coulant le long du moindre des bibelots qui chargeaient la pièce. Il faut dire que ma grand-mère aime les bibelots de toutes sortes. Elle en a même une vitrine complète, majoritairement composée de hiboux et autres chouettes.
Au-dessus de ladite vitrine trônait un autre bibelot, parmi les plus anciens que je lui connaisse; un bouddha doré et cuivré..
Ce bouddha, plus que tout autre bibelot du lieu, est un des symboles que j'associe le plus à ma grand-mère. Parce qu'il est chatoyant et luisant, il attirait mon œil dès le plus jeune âge et je n'ai pas souvenir de cette salle sans ce bouddha cuivré.
Par ailleurs, son apparence exotique correspond tout à fait à ma grand-mère qui, même il y a encore dix ans se permettait des vacances aux quatre coins du monde, afin d'admirer les nombreuses, fragiles et malheureusement parfois maintenant disparues merveilles artistiques que les peuples du monde ont dressé pour la postérité.
Il est amusant de constater que, du fait de mon attachement pour la propriétaire des lieux et néanmoins membre importante de ma famille, j'ai toujours associé ce bouddha en tailleur à une certaine sérénité et satisfaction -ce qu'il est d'ailleurs censé représenter- alors que le bouddhisme est une de ces religions qui ont tendance à me donner de l'urticaire.
Non pas que le bouddhisme ait donné naissance à plus d'aberrations philosophiques que les autres théories philosophiques, mais la simple mode en Europe des préceptes bouddhistes comme façons d'atteindre le bien-être me donne par moments de la tension.
Cette mode me fait penser au film Wasabi, dans lequel une jeune japonaise au cœur de l'intrigue porte un magnifique pull-over en laine arborant des lettres latines, comme d'autres vêtements en France porteraient des kanjis. Ironiquement c'est ce goût pour l'exotisme et la croyance dans la sagesse des vieux maîtres de contrées "lointaines et moins corrompues par le rapport à l'argent" que je soupçonne d'être à l'origine de cette passion bouddhiste chez tant d'occidentaux en mal de cours de philosophie.
Non pas qu'on ne puisse trouver des choses pertinentes chez les penseurs orientaux, voire même y puiser des concepts utiles pour sa vie personnelle, mais je doute qu'il y ait tellement d'occidentaux élevés à l'occidentale qui soient en mesure de percevoir le bouddhisme comme un chinois, un tibétain ou un japonais. Je parle là d'une vision exotique d'une religion qui demande un peu plus de réflexion que ces résumés qu'on peut trouver dans des livres et magazines de développement personnel.
Plus encore, et alors que ma grand-mère m'appelait pour me faire venir à table, je me demandais dans quelle mesure un bouddhiste de Chine ou du Vietnam accepterait qu'on use d'un bouddha, objet religieux par excellence, comme d'une simple décoration dépouillée de tout son lustre mystique.
De la même manière, j'imagine que peu de chrétiens comprendraient qu'on utilise un crucifix comme on pourrait utiliser un faux Brueghel en canevas ou qu'on le présente à ses invités comme "un souvenir d'Europe". J'avoue que, face à un tel comportement, j'ai par moments l'impression que nos vieux comportements de "colonisateurs blancs détenteurs du progrès" (avec tous les aspects négatifs que cela comporte) ne sont pas totalement effacés.
Mais l'espace de quelques seconde, j'imaginais un Jésus crucifié bronze et or au milieu de représentations miniatures kitsches du saint Chrême et autres vierges maries de bazars... Et je me mis à sourire...
Malgré ce que sous-tendent ces réflexions, comme le colonialisme intellectuel et l'exotisme, je me pris à rêver qu'un jour finalement il y ait effectivement des crucifix décoratifs flirtant -pourquoi pas- avec un certain kitsch dans les maisons de vieilles dames japonaises voire même -gare au blasphème- des Ka'aba-souvenirs dans les marchés de Shangaï...
Ne serait-ce que par un goût immodéré pour l'absurde, j'en trouverais l'idée presque poétique.
Cela existe-t-il ?
C'est tout à fait possible. On n'arrête pas les marchands de souvenirs.
Au-dessus de ladite vitrine trônait un autre bibelot, parmi les plus anciens que je lui connaisse; un bouddha doré et cuivré..
Ce bouddha, plus que tout autre bibelot du lieu, est un des symboles que j'associe le plus à ma grand-mère. Parce qu'il est chatoyant et luisant, il attirait mon œil dès le plus jeune âge et je n'ai pas souvenir de cette salle sans ce bouddha cuivré.
Par ailleurs, son apparence exotique correspond tout à fait à ma grand-mère qui, même il y a encore dix ans se permettait des vacances aux quatre coins du monde, afin d'admirer les nombreuses, fragiles et malheureusement parfois maintenant disparues merveilles artistiques que les peuples du monde ont dressé pour la postérité.
Il est amusant de constater que, du fait de mon attachement pour la propriétaire des lieux et néanmoins membre importante de ma famille, j'ai toujours associé ce bouddha en tailleur à une certaine sérénité et satisfaction -ce qu'il est d'ailleurs censé représenter- alors que le bouddhisme est une de ces religions qui ont tendance à me donner de l'urticaire.
Non pas que le bouddhisme ait donné naissance à plus d'aberrations philosophiques que les autres théories philosophiques, mais la simple mode en Europe des préceptes bouddhistes comme façons d'atteindre le bien-être me donne par moments de la tension.
Cette mode me fait penser au film Wasabi, dans lequel une jeune japonaise au cœur de l'intrigue porte un magnifique pull-over en laine arborant des lettres latines, comme d'autres vêtements en France porteraient des kanjis. Ironiquement c'est ce goût pour l'exotisme et la croyance dans la sagesse des vieux maîtres de contrées "lointaines et moins corrompues par le rapport à l'argent" que je soupçonne d'être à l'origine de cette passion bouddhiste chez tant d'occidentaux en mal de cours de philosophie.
Non pas qu'on ne puisse trouver des choses pertinentes chez les penseurs orientaux, voire même y puiser des concepts utiles pour sa vie personnelle, mais je doute qu'il y ait tellement d'occidentaux élevés à l'occidentale qui soient en mesure de percevoir le bouddhisme comme un chinois, un tibétain ou un japonais. Je parle là d'une vision exotique d'une religion qui demande un peu plus de réflexion que ces résumés qu'on peut trouver dans des livres et magazines de développement personnel.
Plus encore, et alors que ma grand-mère m'appelait pour me faire venir à table, je me demandais dans quelle mesure un bouddhiste de Chine ou du Vietnam accepterait qu'on use d'un bouddha, objet religieux par excellence, comme d'une simple décoration dépouillée de tout son lustre mystique.
De la même manière, j'imagine que peu de chrétiens comprendraient qu'on utilise un crucifix comme on pourrait utiliser un faux Brueghel en canevas ou qu'on le présente à ses invités comme "un souvenir d'Europe". J'avoue que, face à un tel comportement, j'ai par moments l'impression que nos vieux comportements de "colonisateurs blancs détenteurs du progrès" (avec tous les aspects négatifs que cela comporte) ne sont pas totalement effacés.
Mais l'espace de quelques seconde, j'imaginais un Jésus crucifié bronze et or au milieu de représentations miniatures kitsches du saint Chrême et autres vierges maries de bazars... Et je me mis à sourire...
Malgré ce que sous-tendent ces réflexions, comme le colonialisme intellectuel et l'exotisme, je me pris à rêver qu'un jour finalement il y ait effectivement des crucifix décoratifs flirtant -pourquoi pas- avec un certain kitsch dans les maisons de vieilles dames japonaises voire même -gare au blasphème- des Ka'aba-souvenirs dans les marchés de Shangaï...
Ne serait-ce que par un goût immodéré pour l'absurde, j'en trouverais l'idée presque poétique.
Cela existe-t-il ?
C'est tout à fait possible. On n'arrête pas les marchands de souvenirs.
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