Existe-t-il des miroirs plus déformants que ces reflets que nous offrons à la vue de tous, que ce soit sur Internet ou en bonne société ?
Ainsi, un blog comme celui-ci est un miroir redoutablement déformant une fois entre les "bonnes" mains. La maîtrise de la langue est pour ainsi dire l'outil le plus radical pour falsifier son apparence, sa personnalité. Elle est tel un flou artistique ou un miroir convexe : une fois maîtrisée, celle-ci déforme les aspects que l'on souhaite déformer jusqu'à rendre méconnaissable l'auteur, jusqu'à même le masquer derrière de splendides oripeaux aussi factices que séduisants.
Mais qu'en est-il en société ? N'étant guère adepte des soirées mondaines, et même plus proche de l'ours dans sa grotte au fin fond des bois que de tout autre animal, je ne saurais que témoigner du comportement d'autrui en de telles situations.
Au vu de la nécessité de briller, de ne présenter aucune aspérité, de garder les "bonnes convenances" en toutes circonstances, il est évident que la tentation de contrefaire sa personnalité, ses idées et ses envies est grande.
Ainsi l'on voit, dans ces soirées mondaines, des coqs qui caracolent, des paons qui déploient leur roue, de grands félins grondant dans de grandes farandoles... Mais aucune trace de sensibilité, de vulnérabilité ou d'hésitation.
La bonne société n'admet que cela : la force, la volonté, le courage. Valeurs cardinales érigées en impératifs absolus... Au point d'en nier les faiblesses, les fragilités et les sentiments...
Tout ceci est finalement peu différent, sur ce blog. Ici non plus aucune aspérité, seulement le chatoyant et le luisant, caractéristiques communes des lieux où l'apparence compte et des périodes de l'année où vérité et amertume sont à la fois rejetées.
N'est-ce qu'un hasard si plateaux de télévision et sapins de Noël partagent une même passion pour la chatoyance et l'illumination à outrance, jusqu'à ce que certains spectateurs en frisent le malaise ?
Il serait tout à fait pertinent de relever une certaine tendance ignacienne à rejeter les ors et les honneurs, comme s'il s'agissait de souillures en soi, dans le sous-texte de ce billet...
Mais pour reprendre les mots d'un grand auteur catholique du XXe siècle qui n'aurait certes pas rejeté une éducation jésuite :
Tout ce qui est or ne brille pas...
Et s'il est vrai que la contrefaçon des apparences n'est que peu de mon goût (ce qui est certes une façon ironiquement convenue et hypocrite de me présenter sous un jour aussi favorable, vous en conviendrez) et pourtant presque systématiquement une règle que moi-même j'applique en public, quitte à me mentir moi-même...
... Il reste encore la photo pour développer une idée et son opposé.
Car qui croirait au miroir déformant que me tendait cette boule brillante complètement abîmée ?
Même vous qui ignorez mon apparence le voyez clairement : Cette photo ne me montre pas. Elle ne montre que ce que j'ai voulu vous montrer.
Cette image est donc un avertissement face au brillant de ce coin d'internet...
Tout ce qui est or ne brille pas...
Il m'est arrivé de dire à certains élèves très doués en Français :"Ecrire, c'est mentir", non pour qu'ils comprennent tout de suite mais pour que plus tard ils réalisent que dès que l'on couche un mot sur l'écran de son traitement de texte, on travestit la réalité.
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