mardi 28 juillet 2015

La Fable de Gilles d'Alençon...

L'abeille et la poliste


Dame Polistes paressait sur son chardon bleu,
Se repaissant sans modération d'un suc délicieux.
La jeune Abeille en quête de pollen vint à elle,
Se posa sur son domaine et replia ses ailes.

"Dame Polistes, ayez pitié d'une pauvre ouvrière !
Le suc se fait rare et j'ai faim depuis avant-hier !
Concédez-moi une part raisonnable de votre bien,
Par votre dévouement, vous aurez de Dieu le sien !" 

"Comment ? Une gueuse me réclame de ce délicat suc ?
Dieu m'en préserve, vous êtes chez mon mari le Duc !
Ouste coquine ! Ou souffrez de rester à jamais au cachot
Loin de vos amies, seule et oubliée, au pain et à l'eau !"

Bien jeune était l'Abeille, mais point sotte.
Partit prestement vers une bergamote,
Mais rien ne put y puiser, et, au lendemain,
Les géants roses la trouvèrent morte de faim.


Ainsi en va-t-il des relations entre Puissants et petits,
Les uns usent du pouvoir, les autres s'en trouvent mal lotis.

L'égoïsme est le funeste père de tous les drames.

vendredi 24 juillet 2015

Les sortilèges du Saule...

Une ancienne et lumineuse forêt, quelque part en Normandie...
De beaux chênes, de grands hêtres et un gigantesque étang aménagé, voici où s'ouvrit ma dernière aventure forestière en Avril dernier.
Divers oiseaux me narguaient depuis le début de mon expédition. Certains trouvaient l'audace de se poser à quelques mètres de moi, d'autres préféraient attendre que j'eus sorti mon appareil photo pour déguerpir aussi sec.
Cette forêt normande semblait m'appeler. Ses habitants m'invitaient à les suivre, à m'investir corps et surtout âme dans ses profondeurs, loin des lieux touristiques.
Je soupçonnais alors la présence d'un Vieux Saule dans les environs. Ces vieux arbres rabougris ont souvent le cœur sombre, empli de maléfices et de haine... Et les oiseaux sont leurs premiers messagers. En effet, mon oreille, habituée aux subtilités du Quenya, décela quelques murmures entre rouges-gorges, des murmures dans un sabir désagréable aux oreilles, un sabir pourtant bien issu de cette noble langue elfique.
Ici, j'en aurais mis ma main à couper, sévissait un Saule.
Les touristes affluaient alentours, mais d'une curieuse manière. Tous avaient le regard vide, hagards. Tous  arpentaient les mêmes sentes dans le même sens. Leurs animaux de compagnie eux-même semblaient étrangement calmes.
Sans mes prières secrètes et ininterrompues à Manwë, peut-être aurais-je cédé moi aussi à la douce sorcellerie qui imprégnait les alentours.

Au bout de deux heures de recherches, ma vision commençait à se brouiller.

Les touristes ne cessaient de faire des offrandes aux oiseaux des lieux. Pourtant tous s'envolaient dès le moindre mouvement de ma part vers mon appareil photo.
Je crus un long instant être à jamais prisonnier de cette maléfique parcelle.

C'est pourtant sur un coup de poker que se finit cet envoûtement.
Un oiseau se posa sur une branche devant moi et me regarda fixement. Délibérément, je cessai mes prières à Manwë et ouvris mon esprit à ses dures paroles.
Fort heureusement, le sortilège m'environnant n'avait pas encore eu l'occasion d'imprégner mon esprit. Aussi, tandis que l'envoûtement de ce messager funeste commençait, je pris mon appareil photo mécaniquement et mis à parti les quelques dernières secondes de lucidité qui me restaient pour appuyer sur le déclencheur.

L'oiseau s'enfuit immédiatement.
Pourtant sur mon écran de prévisualisation, je le vis comme je pourrais voir n'importe qui.
Subitement, dans un bruit de cristal qui explose, le sortilège se rompit, net. Les touristes se regardèrent, interloqués d'être toujours sur place.
Tous profitèrent de ce regain de clairvoyance et partirent comme si le Diable les avait poursuivis.


Au moment de quitter la parcelle, alors que je roulais vers l'orée de la forêt, j'entendis une bordée d'insultes elfiques, murmurées à mon encontre...


Au loin, le Saule se remettait à tisser sa toile...

lundi 20 juillet 2015

Poésie d'un courageux végétal...

Sachez-le, je suis un survivant !
Vingt fois mis à terre, vingt fois rétabli !
Né dans la poussière, je m'y plais et j'y vis !
J'étais petit, j'ai poussé, je suis grand !



Je suis un survivant,
Un témoin du sablier,
Je mange la pierre et le vent,
Jamais je n'oublierai.

 Les cieux me nourrissent
Mes branches verdissent
Poussières et cendres...






Au printemps précoce,
Un guerrier soudain jaillit.
Armure d'écorce...

Vert tendre, racines noueuses...
Izanami me sourit.


jeudi 16 juillet 2015

Le jugement du Loup...

Pardonnez-moi, mon Père, car j'ai péché.
Je vous écoute, mon Fils.
Je... C'est dur à dire, j'ai fait des choses vraiment... Terribles et je crains plus que tout le jugement de Dieu.
Dieu est miséricordieux, Son pardon, Il l'accorde à ceux qui font pénitence de leurs fautes... Seuls les péchés les plus terribles, les actes les plus odieux sont dignes de Son éternel courroux et, mon cher Gilles, je doute que vous soyez une si mauvaise personne et...
Si, mon Père. C'est... horrible. Je... Je crois que je suis un loup-garou.
Un  loup-garou ? Mais... Mais, qu'est-ce qui vous fait dire cela ?
Eh bien, vous avez peut-être entendu parler de ce jeune couple qui s'est fait tuer de manière abominable en forêt par une sorte d'ours ? Vous savez, j'étais là cette nuit-là. Et c'était la pleine Lune, j'ai pu le vérifier sur le calendrier en venant.
Je ne peux pas le dire à la police, ils me prendraient pour fou et m'enfermeraient... Mais voyez-vous, depuis dix ans maintenant, à chaque pleine Lune, je me réveille totalement perdu à plusieurs kilomètres de Radon, où j'habite, en pleine forêt d'Écouves. En général la forêt est déserte la nuit. Mais je me suis déjà réveillé au petit matin avec un plomb de chasseur dans l'épaule droite. Et ce n'est pas tout, un matin en émergeant au chêne au Verdier, j'ai vu que l'arbre le plus proche de moi avait été gratté par une...une bête. Et il y avait un croc de loup par terre. C'est là que je me suis rendu compte que j'avais perdu une canine dans la nuit. Coïncidences ? Et quel loup pourrait se trouver en Écouves ? Il n'y a plus de loup dans cette forêt depuis la fin du XIXe siècle !
Je vous en prie, mon Père ! Il faut que vous m'aidiez à me purifier ! Je suis maudit !
Mon Fils... je suis profondément peiné de vous dire cela, mais vous faites probablement de simples crises de somnambulisme. C'est un trouble du sommeil tout à fait banal et bénin si on prend quelques menues précautions. Vous savez je connais un très bon spécialiste du sommeil au Mans qui pourrait vous aider. Il a soigné le somnambulisme de ma nièce à son adolescence...
Je... Je savais que vous ne me croiriez pas, mon Père. Je suis maudit, c'est certain. Loup-garou ou simple possédé, j'ai été touché par la malédiction du Malin... Tenez, regardez ce que j'ai trouvé à mon dernier réveil, ce que je mâchouillais en dormant.
Oh mon... C'est un doigt humain ?! Mais que... Vous... Je suis désolé mon Fils, mais ceci concerne la Justice des Hommes avant celle de Dieu. Puisse-t-Il vous pardonner... Jésus Marie Joseph.

Non, je regrette, mon Père. Ce n'est pas leur Justice que je souhaite mais la miséricorde de Dieu.
Mon Fils, je... Je crois que vous ne vous rendez pas compte... C'est... C'est un morceau d'humain ! Dieu ne... Enfin, Sa miséricorde touche qui Il veut, mais... Mais ceci est grave. Je vous en prie, rendez-vous au commissariat sans perdre de temps... C'est plus raisonnable.
Je vois... Pardonnez-moi pour ce que je m'apprête à faire, mon Père. Puisse Dieu me pardonner...

...Mais que... ?! Posez cette arme ! Il y a des solutions, il y a des gens qui peuvent vous... Non !

dimanche 12 juillet 2015

Le tranchant de la pierre, la brûlure des âmes...


Dans les hauteurs infinies d'une gloire passée,
En ce lieu béni se cache un terrible secret.
Ni divin ni satanique, mais purement magique.
Car ce lieu est un lieu de forces mystiques.

Sa dentelle blanche cache bien son vrai rôle;
Barreaux et barbelés, barrières et barricades,
À la fois forteresse, à la fois grande geôle,
Où s'enferment les âmes faibles, malades.

Pivot du monde, canalisant toutes les énergies,
Pavot des âmes, toutes emprisonnées par magie.
Prison pour tous : seigneurs, oisifs, lavandières,
Perpétuité sur Terre, dans une gangue de pierre...




Chaleur estivale,
Loin de la fraîche forêt,
Les Esprits hurlent...

mercredi 8 juillet 2015

Les rodomontades légendaires de Tonton...

Attends-nous, tonton ! Tu marches trop vite !
Allons, mes galopins, ça ne vous plaît pas de prendre le bon air de juillet par cette chaleur ? De toute façon vous ne me perdrez pas, je suis le chemin jusqu'au bout, à la chapelle.
Mais !! Tonton, tu nous avais pas dit qu'on irait dans une chapelle ! Je croyais qu'on allait manger sur l'herbe !
Oui, eh bien mes enfants, on va manger pas loin de la chapelle, ne vous en faites pas mes petits estomacs sur pattes ! Et d'ailleurs, ça m'étonne que tu ne me poses pas de questions sur cette chapelle, parce qu'elle aussi a une histoire...
Non, mais tonton...
Allez, je vous la raconte en chemin...
Mais tonton ! On a faim et...Oh bon... D'accord, si ça peut te faire plaisir... C'est nul les vacances avec tonton... J'ai faim moi.
Eh bien, déjà demandons-nous d'où vient le nom du village : Saint-Céneri-le-Gérei est une ancienne place forte du Pays d'Alençon, fondée par la famille Giroye, autrefois nommée Gérei ou Girei.
Ensuite, il existe une très ancienne légende à propos de ce village et du lieu où fut bâtie sa chapelle où je vous emmène.
Saint Céneri est un saint ermite de l'église catholique qui est né dans le centre de l'Italie au VIIe siècle. Il est connu comme étant l'un des évangélisateurs majeurs de la future Normandie.
Oui mais tonton, est-ce qu'on mange bientôt ?
Bientôt, on est presque arrivé, c'est à peine à deux cents mètres, garnements.
Bon, où en étais-je ?... Ah oui ! Saint Céneri était autrefois appelé Serenicus bien sûr. À l'époque la langue latine était largement et couramment employée par les religieux.
Toujours est-il que notre camarade Serenicus fut un matin appelé par Dieu lui-même qui lui apparut devant une source d'eau, en Toscane, et qui l'élisit pour se rendre là où l'on avait le plus besoin de Dieu, dans les lointains royaumes Francs. Il fit le voyage par ses propres moyens, qui se voulaient dépouillés de tout le superflu : en sandales et chausses de paysan, des vêtements de laine et un bâton de marche.
Le voyage fut long et difficile. Arrivé aux portes de l'actuelle Normandie, il n'avait, de plus, pas même un sou en poche et pourtant terriblement soif. Or, il suivait  depuis deux jours le cours de ce qu'on appellera plus tard la rivière Sarthe. Dans cette bordure de forêt où il se trouvait, il vit, en pleine après-midi de mai, de l'autre côté de la rivière, au pied d'une colline terriblement abrupte et rocheuse, une biche qui le regardait.
Oui mais euh... Tonton, on a faim. On peut s'arrêter ici ?
Encore quelques minutes, je voudrais photographier la chapelle de plus près. Bon, reprenons.
Oui mais...
Bref, il s'approcha et traversa la Sarthe tant bien que mal, manquant de trébucher sur les rochers du lit de la rivière. Lorsqu'il arriva devant la biche, celle-ci bondit, d'un bon extraordinaire qui la fit retomber côté plaine, et bientôt ne fut qu'un simple souvenir.
Serenicus vit alors sortir du sol une petite source d'eau pure, une eau des centaines de fois plus pure que l'eau de la Sarthe, connue pour être porteuse d'humeurs détestables. Il but en pleine confiance et se sentit revigoré d'une nouvelle énergie.
Ainsi découvrit-il la Source de Saint Céneri.
La suite est, semble-t-il, beaucoup plus banale. Il installa son camp en face de la source, sur la plaine et commença son travail d'évangélisation. Sa foi, paraît-il, était si puissante que, lorsqu'il invoquait l'aide de Dieu, celui-ci l'aidait à guérir enfants incontinents, à sauver des femmes accouchant et à préserver les paysans des mauvaises récoltes, tant et si bien qu'à sa mort ce n'était plus un piètre abri de fortune qui se tenait là, mais un véritable monastère tout entier dédié à la Gloire divine... et une chapelle face à la source. Finalement, Saint-Céneri-le-Gérei fut fondé par les Giroie au XIe siècle autour de la communauté réunie ici. Ce village resta bucolique et humble dans sa splendeur. C'est d'ailleurs un des plus beaux villages de France.
Le monastère n'existe plus, à présent. Mais la chapelle a été rebâtie au XIVe siècle et des légendes circulent autour d'elle. L'on trouve notamment à l'intérieur la pierre qui servait de lit à Serenicus et dont on dit qu'elle guérit les enfants incontinents et permet de meilleurs accouchements aux femmes enceintes. Enfin la statue de Saint Céneri qui s'y trouve est bénie, on dit que si on pique la statue avec une aiguille et qu'elle reste plantée, notre vœu sera exaucé. Et puis, les vitraux de l'endroit y sont magnifiques. C'est d'ailleurs une personne formidable que je connais qui les a faits.
Tonton ! Tonton ! On mange ?!
Bon, je vois qu'il n'y a pas moyen de vous intéresser à mes histoires cette fois-ci. Qu'est-ce qui vous arrive ? Elle ne vous plaît pas mon histoire ?
Ben non mais on a faim, tonton. Et en plus nous on préfère les histoires de fantômes. Les moines c'est nul... En plus la mère de mon copain Guillaume nous l'a racontée, la vraie légende de Saint Céneri, et c'est pas du tout ça...
Bon, eh bien je m'incline. Tu connais mieux Saint Céneri que moi. Alors tu vas nous la raconter !

D'abord on mange ! On verra après, si tu es sage tonton...

samedi 4 juillet 2015

Le testament d'une gargouille...

Combien de temps suis-je resté ici sur cette arête infâme de ce lieu béni par ce tyran imaginaire ?
Ne croyez pas un instant que je suis une gargouille comme les autres, issue d'un ancien artisanat de la roche, telle l'expiation des démons qui hantaient ces malheureux soumis à leur dictateur surnaturel.
Non, en ce qui me concerne, j'étais bien plus que cela. L'esprit toujours rebelle et indomptable d'ici-bas coulait en mes veines dès ma naissance. J'étais de ces esprits naturels qui passaient pour démoniaques auprès de ces chimpanzés à peine surdoués. En fait j'étais l'esprit protecteur des... Mais je suppose qu'il vaut mieux que je reprenne depuis le début ?

Au commencement des temps, avant que votre monde ne naisse, le Néant était et contenait une foultitude d'esprits en tous genres, et j'étais parmi eux. Oui, je suis plus vieux que votre monde.
Nous chantâmes votre monde et nos mélodies râpeuses, harmonieuses, dures, tendres, complexes, brutales, déliées, compactées, froides, chaleureuses, donnèrent non seulement corps mais aussi âme à cette formidable polyphonie. Le monde qui est naquit ainsi de la poésie et des cantiques.
Une majorité de ces esprits décida de contempler le monde d'en-haut, considérant qu'une œuvre d'art ne se dénature pas mais se laisse admirer de loin. Nous autres, les plus téméraires et les plus passionnés, décidâmes de nous incarner et de ne faire qu'un avec notre création. Nous croyions en nous et en notre capacité à sublimer le sublime, à vallonner les plaines et à rendre plus vivants encore ces lieux.
De nombreux esprits s'incarnèrent dans des formes éthérées, mais plus encore investirent un corps fait de la matière de nos cantiques quantiques, croissant et multipliant par leur descendance jusqu'à y perdre leur essence métaphysique et se dissoudre dans les racines du monde.
Je fis partie des quelques-uns qui préférèrent la joie de la spiritualité éternelle, ne s'incarnant qu'à l'occasion pour défendre notre création.
Bien vite les descendants de nos frères commencèrent à réclamer ce lieu comme leur dû.
Bien vite ils dénaturèrent notre magnifique peinture cosmique.
Tous les esprits protecteurs tombèrent les uns à la suite des autres dans cet affrontement millénaire.
Mais le sort qui fut réservé aux derniers des Mohicans fut bien plus terrible que la dissipation dans la terre, l'air et l'eau.
Après mille ans de combats, les vivants cessèrent de croire en nous. Et nous-mêmes, las que nous étions de protéger en vain un joyau miné par les coups de pioche, avions déjà cessé de croire en nous-même.
Nous étions devenus faibles. De simples esprits frappeurs. Aisément piégés dans la roche, le bois, le fer, nous fûmes mis à contribution dans l'achèvement de leur foi nihiliste : l'érection de monuments à la gloire d'une fable mit un terme final à notre confiance en nous. Leur art simiesque devint notre dernière demeure. Nous mourons à petit feu depuis ce jour.

Et me voilà. Prisonnier de la pierre. Bâillonné pour m'être rebellé une dernière fois. Ne pouvant pas même gargouiller... Voilà ce que vous fîtes des esprits fondateurs de votre monde, par orgueil et vanité.



Pourtant, en moi se meurt un peu plus votre avenir...
... À moins que vous ne cessiez d'avoir peur de nous. De vous. De tout.
Vous êtes seuls maîtres à bord à présent.

mercredi 1 juillet 2015

Impressions soleil de Juin...

Un soleil ardent chauffait durement le Parc des Promenades. Les chèvres, le paon, les lapins et les cochons d'inde se cachaient, profitant du moindre coin d'ombre que les jeunes arbres de leur enclos acceptaient de leur octroyer. Les alençonnais étaient de sortie. Ici et là, des amoureux étaient allongés dans l'herbe, profitant du moindre instant de tranquillité qu'offraient les grands arbres et la pelouse.
Quant à l'amoureuse que mon cœur étreint depuis bientôt un an déjà, elle et  une de ses formidables amies avaient adopté la même stratégie que la plupart des promeneurs : sus à la moindre parcelle d'ombre et de fraîcheur !
Seuls les enfants et quelques parents soucieux de les surveiller avaient l'audace d'affronter les brillants espaces accaparés par l'astre du jour.
Et moi, bien sûr... Moi-même j'affrontais le grand espace de la fontaine du parc, fontaine dont les jets d'eau avaient été activés, signes superfétatoires d'une journée splendide voire étouffante.
Autour de moi, quelques enfants jouaient, se couraient après ou quémandaient l'attention de leurs pères.
Je vis les jets fonctionner et s'arrêter par intermittence, une de ces intermittences programmées à l'avance, créant qui un bouillon de bulles digne d'un geyser, qui un de ces jets dont la limpidité cristalline liquéfiait la lumière tout du long de la chute de cette eau pourtant moins propre et moins pure qu'il ne me semblait à première vue.
Ces jets titillèrent mon envie d'expérimentation photographique; surtout elles étaient une superbe occasion de tester les capacités débridées de mon vieux reflex.  En effet, ayant fait l'acquisition de deux cartes mémoires de grande capacité et de grande vélocité, je m'étais mis en tête de m'essayer au RAW, ou pour les non-initiés, à ce que d'aucuns appellent le développement de photos numériques, via un format d'image conservant des informations brutes de l'appareil au moment de la prise de vue.

Je pris deux dizaines de photos au jugé, profitant à la fois de la lumière du moment qui m'autorisait de grandes vitesses d'exposition et de mon téléobjectif favori pour saisir au plus près le sentiment que j'avais en regardant ces jets clairs au milieu d'une eau reflétant l'ocre du fond du bassin.

Je ne pris la peine de rester qu'une dizaine de minutes. Déjà, la femme que je chéris m'appelait pour que nous nous rendions à l'arboretum tous les trois. Convaincu qu'il y aurait au moins une photo à sauver dans le lot, je m'éloignai du bassin en espérant que cette sortie m'inspire quelques mots, fussent-ils simplement de simples impressions d'un jour de Juin en Normandie...


Dont acte.