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jeudi 1 septembre 2016

Les grandes orgues de Notre-Dame...


Qu'est-ce donc que cette curieuse boîte de bois ? me direz-vous...
Ceci est un soufflet, et pas n'importe quel soufflet. Un des soufflets qui font à présent à nouveau retentir les grandes orgues de la basilique Notre-Dame d'Alençon. Profitez bien de cette image car ce n'est pas nécessairement tous les jours qu'il est donné d'en voir.

En réalité, j'ai suivi le remontage, pièce après pièce, des grandes orgues de Notre-Dame d'Alençon depuis le mois de Février 2016. C'était en effet un moment rare, les orgues n'ayant pas retenti en ces murs depuis l'adolescence de mes parents. Oh, ces orgues subirent mille tourments, vous n'imaginez guère à quel point... Des simples petites négligences aux outrages ravageurs du temps, elles subirent tant et tant qu'il fut récemment décidé de les restaurer. Une sage décision, car ces grandes orgues sont des orgues baroques, et il en existe relativement peu d'époque.

La tâche fut colossale, d'autant plus qu'elle requérait le savoir-faire d'un facteur d'orgues, ce qui ne court pas les rues, vous en conviendrez.
C'est aux soins d'un facteur d'orgues du Gers que la restauration fut confiée. Des mois et des mois de travail acharné, entre deux messes, dans la fraîcheur et la pénombre de cette basilique gothique, furent nécessaires pour qu'enfin les premières notes depuis quarante ans retentissent, courant Juin.

Je ne saurais vous montrer tous les clichés pris lors de l'assemblage. D'abord car beaucoup ne valent guère l'intérêt documentaire passé un bref coup d’œil. Ensuite parce qu'il y en eut beaucoup. Une séance photo par semaine pendant près de six mois, cela représente une somme de photos importante, et malheureusement souvent très proches les unes des autres.

Cela me permit néanmoins, par ma présence régulière, d'entrer petit à petit en contact avec l'équipe du facteur d'orgues. Les gens passionnés sont ainsi, ils adorent expliquer leur passion, leur métier, tout ce qu'il y a de merveilleux pour eux dans ce qu'ils font...
J'appris ainsi de précieuses choses sur ces orgues.
Saviez-vous, par exemple, que le buffet baroque de ces merveilles musicales, tout orné de figures diverses et variées représente une somme et une pression de travail colossale ? Vous rendez-vous compte que chacune des têtes ornant ce buffet fut sculptée directement... dans la masse ?



Par ailleurs, qui se douterait que de telles orgues, dans une si petite ville comme Alençon, puissent exister avec leurs plus de trois mille tuyaux; sifflets et hanches gigantesques... Ou simplement minuscules ?
Qui se douterait que plus de quarante registres puissent être joués sur ce seul et même instrument ? Qui penserait que les progrès de l'électronique habitent dorénavant cette splendeur de jadis ?

Des timbres les plus graves aux aigus les plus perçants, l'unisson d'un tel instrument est une chose qu'on sous-estime tellement.


Le 17 juin 2016, alors que j'errais aux alentours de la basilique, j'eus la chance d'être invité par le facteur d'orgues à visiter en détail les entrailles de ces instruments, à aller voir l'envers du décor, ce qui se cache derrière les tuyaux de montre, derrière le positif de dos et plus encore...

Que d'émotions devant les détails qui apparaissaient face à moi. Que de frustrations ai-je eu à constater le peu de lumière disponible pour immortaliser tout cela...
Oh, vous vous en doutez, pour une personne peu intéressée par la chose, cela aurait été d'un rébarbatif... Néanmoins mon guide fut de ces hommes qui, emportés par la passion qui les anime, savent rendre une explication vivante et captivante car, malgré la monotonie des tuyaux cachés dans la pénombre, il y a une vraie émotion, une vraie poésie dans le gigantisme de tels instruments.




Il y aurait eu tant et plus à faire dans les entrailles de ces grandes orgues... Tellement de photos, tellement de clichés, tellement d'images inoubliables pour qui disposerait de la lumière idoine.
Pourtant ce n'est pas de l'envers du décor dont les Alençonnais se souviendront.
Le remontage non plus ne restera pas dans toutes les mémoires. Beaucoup le suivirent d'un regard distrait.
Non, c'est, et ce sera toujours, la majesté, l'élégance de l'instrument, la pureté retrouvée de ses sons, sa jeunesse restaurée, ancrée enfin dans la modernité pour le plus grand bonheur des organistes locaux...


Et ce sera aussi l'assurance que ces orgues traverseront encore quelques siècles, léguées à nos descendants comme le témoignage que, sacrés ou profanes, l'art et la musique sont avant tout les reflets de ce qu'il y avait de beau en nous.



lundi 22 février 2016

Des orgues entre au-delà et réalité...


À Alençon, il existe de vieilles, très vieilles bâtisses. Il existe aussi des lieux de culte à l'histoire tourmentée. Il existe même une tour hantée.
Pourtant, je suis, par la photo présente, le premier témoin (à ma connaissance) de grandes orgues hantées.

Mais permettez-moi de vous expliquer comment je les ai découvertes.

Dans la basilique Notre-Dame d'Alençon, il y avait jadis de grandes orgues datant du XVIe siècle.
Après une longue et difficile activité, les orgues avaient été démontées, ainsi que leur buffet, pour restauration, comme il est de coutume pour les pièces de musée.

Or donc, j'arrivai peu après le départ des ouvriers et du maître de chantier (un homme véritablement passionné) au sein de la basilique, bien décidé à prendre quelques clichés de cette œuvre d'art magnifique à chaque étape de sa réinstallation. Cette petite compagnie de professionnels avait laissé la majeure partie de ses outils, ceux dont le déplacement quotidien serait trop fastidieux.
Un long ruban de sécurité indiquait la place prise par les ouvriers pour le remontage, et pourtant de nombreuses pièces de ce précieux puzzle dépassaient allègrement de la zone interdite aux touristes et fidèles.

M'installant comme à mon habitude, sans me presser donc, je dépliai mon trépied, installai mon appareil préféré et commençai à faire mes réglages.

(Je dois vous dire, en aparté, que parfois l'usage de ce reflex enchanté est une véritable plaie. En effet, peu importe la vibration surnaturelle qui hante l'endroit visé... S'il y a quelque manigance magique, je suis sûr et certain de la percevoir sur l'image.)

À 18h21 très exactement, je déclenchai la prise de vue. C'est alors qu'une forte odeur de poussière brûlée me vint aux narines. Lorgnant sur mon écran de prévisualisation, je vis alors deux ombres vagues s'afficher au milieu du chantier sis quelques mètres en hauteur.
Pris par le démon de la curiosité, j'appuyai sur la touche de grossissement et commençais à apercevoir des formes vaguement humaines et clairement éthérées, quand soudain les cloches sonnèrent les 19h !
Plongé subitement dans une pénombre à peine dominée par les cierges sur les côtés de la nef, je commençais à me douter qu'un fantôme m'observait. Peut-être deux. Un air d'orgue venu d'au-devant se mit à retentir. Toccata et fugue en D mineur.

- Vous... n'êtes  pas... le bienvenu !

- Je ne vous veux pas de mal ! Je photographiais juste le chantier des orgues pour mes archives personnelles...

- Ces orgues... sont... notre caveau...

- Vous... Vous êtes prisonniers des orgues ? Je peux peut-être faire quelque chose... Je vous entends, après tout, votre monde ne m'est pas inconnu.

- Vous... n'êtes pas... le bienvenu !

La lumière revint brutalement, comme elle était partie. L'air d'orgue cessa soudain, comme il était arrivé.
Asticoté par toute cette odeur de poussière brûlée, j'éternuai alors bruyamment, dans cette nef où chaque mur semblait amplifier le moindre son.
Sentant une main sur mon épaule, je me retournai.

- À vos souhaits ! M...Monsieur, vous m'avez l'air pâle ? Avez-vous besoin d'un prêtre, mon Fils ?

- Non merci, mon Père... Vous m'avez juste surpris, je ne vous avais pas entendu arriver.
Ces orgues ont un très beau buffet, vous ne trouvez pas ? Leur restauration était bienvenue.

- Oui, en effet. À la fin de la réinstallation, il est prévu de les bénir. Il semble qu'il y ait des histoires horribles et récurrentes avec ces orgues. Des gentilshommes ont été retrouvés gisant derrière les sifflets. À l'époque, les autorités religieuses avaient suspecté un acte de sorcellerie d'un des artisans, quand l'église a été construite, un de ces hérétiques francs-maçons.

- Vous croyez aux fantômes, mon Père ?

- Non, mon Fils. Je n'y crois pas...



Il me regarda de ses yeux, des yeux d'un gris acier, perçants, et, semblant presque voir en moi, il murmura :

- Non. J'en suis convaincu.