Dis Tonton ! Où est-ce que tu nous emmènes, hein ? J'ai mal aux pieds !
Eh bien mon cher neveu, je te connaissais davantage d'énergie ! N'est-ce pas toi qui hier encore jouais au foot dans le salon de tes parents et qui as maladroitement fait chuter un vase auquel ton père tenait tant ?
Mais c'est que le ballon, y...
Taratata, mon petit neveu favori. Tu as de la veine que ton papa soit si compréhensif avec toi. En un autre temps ç'aurait été la fessée et non la balade en forêt avec Tonton qui t'aurait attendue.
Puisque nous sommes en forêt, et puisque tu te demandes où nous allons, laisse-moi te conter une histoire.
Une histoire ?!
Oui, une histoire tragique, sombre et mystérieuse, où les mensonges officiels sont à demi-dévoilés et où le drame participe à une ambiance forestière bien obscure, au milieu des conifères.
Laisse-moi donc te raconter l'histoire de cet accident d'avion qui eut lieu ici même le 8 mars 1962.
Oh ouiii Tonton ! Vas-y raconte !
Tout prend racine en 1944. En effet, suite à la Libération, la France hébergea sur son propre sol pendant de nombreuses années des bases militaires américaines. Après tout, nous étions alliés et l'aide des soldats américains envers notre propre armée était la bienvenue. D'aucuns diront qu'il s'y jouait aussi de sombres tractations politiques, mais ce n'est pas de politique dont nous allons parler aujourd'hui.
En effet, en Normandie, la base militaire américaine d’Évreux, base aérienne, voyait ses soldats souvent s'exercer dans la région... Ou plus exactement dans le ciel de la région.
Un beau jour de mars, il y a de cela en fait exactement 55 ans, un de ces avions, avec à son bord quinze soldats américains de tous grades survolèrent cette parcelle d'Écouves dans laquelle nous marchons présentement.
Nul ne sait exactement ce qui arriva au pilote : erreur humaine, malaise, défaillance de l'appareil ou que sais-je... L'avion s'écrasa en plein milieu de la parcelle, tuant par là même ses seize occupants.
Tonton, tu divagues. Tu disais qu'ils étaient quinze, pas seize.
Non, je ne divague pas, mon cher neveu, et je suis ravi que tu aies pris la peine de relever ce détail.
Étaient-ils quinze ou seize, nul ne le sait.
Ben alors ?
Alors ? Il existe une rumeur persistante, toujours présente de nos jours, sur un seizième homme qui aurait été présent dans l'avion. Et c'est là que l'affaire s'obscurcit.
La rumeur parle d'un cuistot français de la base d’Évreux. Un cuistot qui aurait été invité par l'équipage de cet avion pour son baptême de l'air. Un cuistot que de nombreux soldats appréciaient aurait donc lui aussi perdu la vie dans ce crash.
Mais je comprends pas Tonton : comment on peut dire qu'il y avait un cuistot ? Qui c'est qui a rapporté ça ?
Nul ne le sait plus depuis longtemps, mon petit neveu. Ce que nous savons, c'est que cette rumeur démarra dans la base d’Évreux elle-même.
Toujours est-il qu'aujourd'hui encore, l'armée américaine garde la même version qu'elle tenait jadis, à savoir : quinze morts lors d'un bête accident d'avion lors d'une sortie de routine. Circulez, il n'y a rien à voir.
Mais Tonton, si ça se trouve, c'est vrai ?
Oui. Peut-être. Mais si ça se trouve, le fantôme du seizième homme rôde toujours...
quelque part !
Pfff, Tonton, je crois plus aux fantômes !
In memoriam.