samedi 16 janvier 2016

Le déchirement des Cieux...

Cet hiver s'annonçait d'une douceur surprenante. En effet, le jour de Noël, le thermomètre n'avait pas été une seule fois sous les 10°C ! Et les jours suivants n'avaient guère été froids non plus ! À peine la neige avait-elle été entr'aperçue l'espace d'une matinée...
Une fois n'était pas coutume, Gilles était de sortie en pleine nuit, son appareil préféré au flanc et son nouveau trépied en bandoulière.
Revenant d'une visite de courtoisie, Gilles avait pu constater combien le monde était calme. Immobile même. D'une étrange tranquillité.

Ce que cela signifiait ? Gilles imaginait qu'il s'agissait de l'animation hivernale habituelle dans ce quartier.
Pourtant... Quelque chose ne tournait pas rond. Il le sentait.
Pour être tout à fait honnête, quelque chose tournait rond, un de ces mauvais signes qui font craindre le pire à tout être un tant soit peu éduqué à la chose surnaturelle.
À la lueur de la Lune, les branches de quelques vieux arbres semblaient tournoyer.
En y regardant de plus près, oui. Elles tournaient bel et bien en cercles concentriques autour de la Lune.

Croyant à une illusion d'optique ou à une énième simple malveillance d'arbres un peu farouches, Gilles sortit son appareil et prit une photo à la volée. Rien n'apparaissait de suspect à l'écran. Si ce n'était une vague lueur.
Tracassé par ce qu'il voyait, qui lui donnait le tournis et le poussait même à devoir faire attention à ne point régurgiter le repas de la veille, bien décidé à détruire une fois pour toutes ce qui semblait être un enchantement élémentaire, Gilles sortit son trépied, installa son appareil au sommet, prépara ses réglages et...


...Soudain, au moment d'appuyer sur le déclencheur, le monde entier vira en nuances de gris.
Plus encore, l'air, immobile, était devenu si froid qu'il en avait les lèvres gercées.
Au moment du déclic final de plus de deux secondes de pause, une clameur ancestrale se leva depuis les hauteurs infinies des Cieux.
Là, sous ses yeux, Gilles perçut l'aura méphitique de Njörd, mêlée au chaos des voix de Bruno et de ce qu'il supposait être son fils.

À une dizaines de mètres du trépied, dans un jardin, apparurent les deux boucs que Gilles avait discrètement relâchés sur demande du fameux Bruno. Ils regardaient fixement le tourbillon de branches dans les cieux, envahissant progressivement jusqu'aux nuages... et aux étoiles !
D'immenses coups de tonnerre réveillèrent les habitants en sursaut. Des lumières s'allumaient aux fenêtres des maisons, mais Gilles ne voyait en elles que de pâles lueurs grisâtres.
Le crépitement des éclairs atteint rapidement une ampleur si grande que le jour semblait levé.


Dans un éclair de lucidité... ou par surcharge de magie dans l'air, l'appareil photo s'éteignit brutalement. Toute cette agitation apocalyptique cessa dans le même instant. L'air redevint plus chaud et légèrement caressant, les couleurs revinrent et les habitants des environs regardèrent, éberlués, le ciel d'une clarté exceptionnelle, encore plus exceptionnelle après un concert d'éclairs et de tonnerre sans pareil.
Gilles constata bien vite que sa batterie venait de rendre l'âme, froide comme la Mort...
Partant à tire d'aile de ce lieu angoissé, Gilles murmura en Haut-Elfique "L'aube reviendra", plus par prière adressée à l'encontre de Bruno que par véritable incantation...

La bataille de l'hiver avait commencé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire