Un voile noir saisit Gilles, prostré au sol, alors que Commode le saisissait, plaquant ses mains crochues sur son front et vissant son regard de glace dans ses yeux dorés...
Le monde des Ombres l'appelait.
De la Place Lagmadelaine, de sa piste de luge, ses bancs, ses pavés et ses badauds en retard pour leurs courses de Noël, où ces deux ennemis mortels s'étaient rencontrés, ne subsistait plus qu'un chaos de pierres et de flammes... Et la Basilique, pivot mystique de cet interminable Hiver qui se répandait dorénavant alentour.
Ne résonnaient plus aux oreilles du Change-Peau que le rythme lent de son propre cœur et le glas de son existence...
Aiya Eär...endil...el..
Eh bien, Gilles, que marmonnes-tu donc ? Parle ! Tu n'en auras bientôt plus l'occasion, dans l'Enfer du Vénéré Klaus. Ceci est ton moment !
Rapprochant la tête de sa victime près de son oreille, Commode savourait ce moment d'ultime faiblesse qui précédait toujours le trépas, cet instant si délicieux où l'âme de ses proies s'échappait de leurs yeux, happées puis digérées par ses entrailles maléfiques.
Gilles eut un spasme, un filet de sang coula à la commissure de ses lèvres. Au moment où le blanc de ses yeux semblait luire de sa propre énergie, quatre mots retentirent du fond de sa gorge d'une voix rauque mais soudainement puissante, et Commode le sut : il était échec et mat.
Aiya Eärendil elenion ancalima !
Son hurlement retentit au-delà du temps et de l'espace. Commode, comme maudit, lâcha brutalement sa proie et se tint les tempes comme devenu fou. Son regard roulait, sa pupille pulsait, et sa sclère se remplissait de son sombre sang.
Péniblement, Gilles se relevait. Le monde des ombres s'atténuait autour de lui. Commode le regardait fixement. Mais voyait-il encore ?
Dix-huit heures trente sonnèrent.
Eh bien... nous y sommes, Commode. Tu attendais ce moment... depuis tant d'années. Toi qui rêvais de me tanner... Toi qui espérais me réduire... à moins que vivant... J'espère que tu es heureux à présent... Dans tes propres ténèbres.
Que m'as-tu fait, Gilles ? Quelle sorcellerie est-ce là ? Maudit sois-tu !
Je ne t'ai rien fait, Commode... Nous sommes à la croisée des chemins... je n'ai fait que susurrer à ta mémoire... qu'enfin il arrive...
Quoi ? Quoi ? Qui arrive ..? Aaaah ! Tu... Cette lumière dans... Ma tête !
Oui, Commode... C'est la lumière du Ragnarök.
Joyeuses fêtes à tous !
Puisse la Lumière revenir en ces jours sombres...